(+ Lauren) que je suis maladroite !

Des semaines que Thaïs ne pouvait parler à Caleb que lors de très courtes conversations téléphoniques et, fatalement, cela pesait sur son moral. Elle ne parvenait plus à exécuter une chorégraphie de danse digne de ce nom, trouvait son jeu de piano médiocre, bref, elle n’était bonne à rien en ce moment. Elle s’adonnait donc à son jeu favori dans ces moments là : errer dans les couloirs, quitte à se perdre et laisser quelqu’un la ramener à bon port, lorsqu’on la remarquait ce qui n’était jamais gagné par avance. L’avantage qu’elle avait aujourd’hui, c’est qu’elle ne se trimballait pas seule mais accompagnée de sa chienne labrador à la belle robe sablée, Gaïa. Mais il n’empêche qu’elle errait vers les bureaux des professeurs sans même s’en rendre compte, et fatalement, elle rentra bientôt dans quelque chose de dur, de métallique, qui alla jusqu’à la faire tomber sans vraiment de violence. Avait-elle la berlue ou venait-elle effectivement de se viander en se heurtant à un fauteuil roulant ? Thaïs prit le pli de tâtonner dessus et ce n’est qu’une fois qu’elle en fut persuadée qu’elle se redressa, honteuse. « Je suis vraiment désolée, je n’avais pas senti votre présence » avoua-t-elle aussitôt, ne mettant pas verbalement en avant le fait qu’elle soit aveugle, cela se voyait bien assez. « Je ne vous ai pas fait mal au moins ? » s’enquit-elle aussitôt. C’était son genou qui saignait un peu à cause de la chute mais elle s’en moquait bien : la blondinette en avait vu bien d’autres.

Face à la voix douce de son interlocutrice, Thaïs ne put que sourire en guise de première nouvelle réponse. Au moins, cette dernière ne semblait ni en colère, ni du genre particulièrement aigrie… l’irlandaise en fut aussitôt soulagée car il était toujours délicat de savoir comment réagir face à ce genre de personnes sans risquer d’envenimer plus encore les choses. « Je saigne ? Oh ne vous en faites pas ça ne doit être que trois fois rien ! Je suis habituée à me cogner partout, ça fera juste un petit bleu de plus dans mon importante collection ! » plaisanta-t-elle de bon cœur sans perdre un millimètre de son sourire, bien trop contente qu’aucune des deux n’ait à souffrir de dommages plus colossaux. « Vous savez je crois qu’il n’y a aucun « handicap plus important »… chaque handicap est emmerdant dans la vie de tous les jours et je ne sais pas ce qui le pire entre ne plus pouvoir utiliser ses yeux ou ces jambes. Vous semblez aussi positive que moi et… j’avoue que ça me rassure parce qu’il m’arrive de bousculer des gens n’ayant à priori aucun handicap majeur et être pourrie par la suite ! »