(+ Jamie) les fléchettes, c'était quand même chouette ! {flashback}

Rien de tel qu’un petit entraînement de piano matinal pour voir la vie en rose… ou presque. Il y avait là une bien drôle de façon de voir les choses, surtout pour quelqu’un ayant perdu la vue six ans plus tôt mais Thaïs ayant décidé une bonne fois pour toute qu’elle ne se morfondrait pas sur sa cécité, elle faisait en sorte de créer sa propre joie de vivre. Cela passait par un long moment au petit théâtre de Harvard, où il se trouvait un piano à queue dont elle pianotait les blanches et noires depuis une bonne demi heure déjà. Sa canne d’aveugle était calée tout contre, au cas où Thaïs en ait besoin, et son labrador à la magnifique robe sablée se trouvait à ses pieds, sans bouger, comme s’il n’était purement et simplement pas là. « Gaïa, tu as senti quelque chose ? » demanda subitement la jolie irlandaise en sentant sa chienne redresser la tête, sûrement à cause d’un bruit. Par la force des choses, la demoiselle cessa tout jeu, se levant à son tour en écoutant le plus petit bruit alentour non sans se saisir de sa canne d’aveugle au passage – sait-on jamais qu’elle en ait besoin. « Il y a quelqu’un ? » demanda-t-elle par précaution.

Des jours que je ne fais que pianoter. Sur mon beau piano, en plein milieu de mon salon. La musique est un remède à tout. C'est vraiment le cas pour moi. Et puis, par la même occasion, jouer me demande une certaine concentration, me met presque dans un état de transe, et m'empêche ainsi de trop réfléchir. C'est surtout ça la vraie raison pour laquelle je ne lâche pas mon instrument ces derniers jours. J'attends, comme Emma me l'a demandé, j'attends... j'attends. Et je n'en vois pas la fin. Alors plutôt que de lui mettre la pression, ou de me rendre fou en imaginant tous les scénarios possibles, je joue. Sauf que voilà, je n'habite pas tout seul et mes colocs m'ont bien fait comprendre ce matin que soit je mettais un casque, soit j'allais jouer ailleurs, ou encore mieux, je me trouvais une autre occupation, "parce que je commence vraiment à faire peur quand je joue la mélodie de l'Exorciste à deux heures du matin" -oui j'ai des insomnies, et des goûts très éclectiques. Et parce que je déteste avoir des contraintes quand je joue, j'ai décidé de migrer à l'université, où là-bas, on ne viendra pas me dire de jouer moins fort. Mais je ne suis même pas encore entré dans le théâtre quand j'entends des notes. Je suis directement frustré de me dire que la place est déjà prise, prêt à faire demi-tour, mais la beauté du morceau me pousse à continuer de marcher. La personne qui joue est vraiment douée. Je découvre une blonde, de dos, et ne remarque le chien que lorsque celui se redresse. La jeune femme arrête alors son jeu et je me sens comme un gosse qu'on vient de prendre en flagrant délit de connerie. Je m'éclaircis la gorge pour témoigner de ma présence et m'avance.
« Ne t'arrête pas, c'était très beau. » Ce n'est qu'en m'approchant d'avantage que je fais le lien entre le chien, la canne et l'attitude de la Cabot.

Cela ne faisait pas un lustre que Thaïs était accompagnée de sa chienne dans ses moindres déplacements mais rapidement, une connexion indescriptible s’était liée entre les deux. Ainsi, à peine le labrador avait-il redressé la tête que la jolie irlandaise l’avait sentit, s’arrêtant instantanément de jouer comme si c’était la chose la plus évidente de la création. Merde, était-ce pour une raison objective que Gaïa s’agitait où avait-elle juste aperçut une ombre sans que personne ne soit rentré au sein de ce même lieu ? Thaïs eut rapidement la réponse, puisqu’une voix masculine loin d’être inconnue s’éleva dans l’atmosphère, la poussant non pas à continuer à jouer mais bien à se redresser et à se tourner en direction de la personne, les sourcils légèrement froncés. Diable qu’elle aurait aimé pouvoir contempler ce visage, quel qu’il soit afin de se rendre compte qu’il faisait partie de ses souvenirs… hélas, la chose ne se trouvait plus à sa portée, tant et si bien qu’elle s’éclaircit rapidement la gorge à son tour. « Je vous remercie… heum pardon d’avoir cessé de jouer brusquement mais je préfère toujours savoir qui se trouve dans mon dos, même si ça ne me dérange pas d’avoir des spectateurs, au contraire, c’est toujours intéressant d’avoir un avis extérieur mais je pense que la raison est évidente, je préfère… savoir, c’est tout » avoua-t-elle non sans sourire de façon chaleureuse et encourageante. Thaïs ne comptait pas se jeter à la gorge de ce presque parfait inconnu, bien au contraire, et plutôt chercher à en savoir davantage… « Pardon mais… j’ai l’impression d’avoir déjà entendu ta voix quelque part. »