NAOMI HERMES-WINDSOR ► Rosie Huntington-Whiteley

GRAND DEPART POUR HARVARD – quatre ans en arrière.

« Naomi pour n’épouses tu pas ce jeune homme ? Il t’a demandé en mariage bon sang, et vous êtes ensemble depuis deux ans ! Pourquoi penses tu qu’il est nécessaire que tu ailles faire des études ? Tu n’en auras pas besoin si tu l’épouses. Et puis tu n’as nullement besoin de gagner ta vie, tu le sais bien. » Je soupire, ce qui ne manque pas de crisper un peu plus les traits de ma mère qui soupire à son tour, lassée de mon détachement vis-à-vis de ce qu’elle appelle l’opportunité de ma vie. « Je ne te comprends pas Naomi, j’aurai rêvé qu’un homme comme lui me demande de l’épouser… » Ma sœur ne manque pas de se rallier à ma mère. C’est un complot familial qui ne manque pas de m’irriter. Pourtant je ne rétorque rien, ma fourchette dans la main, je pique dans mon assiette quelques morceaux de poulets que je mange en silence. « Naomi tu pourrais au moins nous répondre… » Continue ma mère. A ce moment là, je rêve de quitter la table, de fuir cet acharnement contre ma vie future. Je rêve de claquer la porte, d’enfiler ma veste et de quitter cette maison, si charmante soit elle. Heureusement, mon père vole à mon secours, comme toujours. « Laissez Naomi tranquille, si elle n’a pas les mêmes ambitions que vous, respectez un peu cela. Pourquoi devrait elle épouser ce garçon, bien que je l’adore, alors qu’elle n’en a pas envie ? » Cette question n’en est pas vraiment une, c’est plutôt un avertissement qui fait que si l’une d’entre elle continue, il sera plus froid pour mettre un terme à cette conversation. Ma sœur jette un regard implorant vers ma mère qui baisse les yeux sur son assiette et continue son repas, silencieuse à présent. Ce fut de tout temps comme cela. Deux clans. Ma sœur Valentine et ma mère, contre mon père et moi. Ma soeur ressemble en tout trait à ma charmante mère, une longue chevelure brune, des grands yeux noisette et un bassin large pouvant accueillir des enfants sans aucun soucis. C’est peut être cette différence physique qui la rend si pressée d’épouser elle aussi un homme et de fonder une famille. Pas d’ambition professionnelle, si ce n’est de trouver un homme qui travaillera pour faire vivre leurs enfants. Un peu comme ma mère qui n’a jamais travaillé pour autre chose que notre éducation. Valentine a deux ans de plus que moi, elle était désirée par mes parents depuis le début. A contrario, ils ne voulaient pas une seconde fille, plutôt un petit garçon qui jouerait avec mon père, ne prêterait pas autant d’attention à ses jolies robes ou ses cheveux. Je ne suis pas un garçon, mais j’en ai un peu le caractère. Petite je ne me préoccupais guerre des poupées je préfère les voitures de course, je n’aimais pas les virées shopping mais j’aimais faire du sport. En grandissant, bien évidemment j’ai finis par aimer prendre soin de mon apparence, et par devenir féminine, mais à aucun moment je ne me suis ralliée à ma mère et ma sœur qui vivent uniquement pour être la moitié d’un couple et avoir des enfants pour centre de leur vie. Je préfère de loin faire des études, profiter de la vie, voyager, et prendre mon temps avant de m’installer dans une vie routinière qui ne me donne pour l’instant, pas l’eau à la bouche. J’avale le reste de mon assiette tout en souriant de la victoire écrasante de mon père. Ce père que j’ai toujours énormément admiré. En effet, depuis mon plus jeune âge il est un modèle que je rêve un jour d’égaler. Sa carrière politique décolle et ne s’arrête plus, il est à la une des magasines politiques, son nom est synonyme de popularité auprès de la majorité de la population de ce pays, et il reste pourtant l’homme simple et naturel qui est dans l’intimité. Je m’imagine un jour être moi aussi à sa place, être une femme influente de ce pays. Pourtant mes rêveries sont interrompues par la sonnerie de la porte d’entrée et je n’ai nul besoin d’aller ouvrir pour savoir qui vient nous rendre visite. Cela ne peut être que lui, qui s’invite pour me supplier d’accepter sa demande, de vivre auprès de lui, de le suivre à Berkeley afin que lui fasse ses études et que moi je m’occupe des enfants qu’il désire avoir rapidement. Je quitte la table, personne ne bouge, tout le monde sait qu’il s’agit de lui. Ma mère semble dépitée de savoir à l’avance qu’il repartira avec sa bague de fiançailles, au contraire mon père sourit, comme s’il était ravi que sa fille ne choisisse pas encore un autre homme que lui. Jalousie paternelle très certainement. J’ouvre la porte et son sourire radieux me pince le cœur. Cela fait en effet deux ans que nous sortons ensemble, deux ans et quelques jours qu’il est aux petits soins, qu’il est tombé amoureux de moi et qu’il me le prouve au quotidien. Et aujourd’hui je m’apprête à mettre fin à tout cela. Parce que j’ai envie de découvrir un autre monde que le notre, peut être aussi parce que les sentiments que je ressens pour lui sont plus affectueux que passionnels. Parce que je ne l’aime pas comme je le devrais pour lui rendre ce qu’il ressent pour moi. Il dépose un baiser timide sur mes lèvres, et les papillons dans mon ventre ont disparus. Plus rien, juste l’habitude qui rend ce geste réconfortant. « Ma puce, comment vas-tu ? Tu as préparé tes affaires pour Berkeley ? » Je lève les yeux au ciel. Sa mine réjouie s’assombrit. « Désolé de te presser ainsi, tu as encore besoin de réfléchir et je te laisse le temps, excuses moi. » Je le fixe, intensément, et je regrette d’avance d’avoir à lui avouer qu’il peut tirer un trait sur moi. Je sais d’autant plus que cela ne sera pas évident pour lui. Mais lui faire espérer encore quelques jours ne serait que plus cruel, d’autant plus que j’ai pris mon billet pour Harvard pour dans deux jours. « Je n’ai pas besoin de plus de temps pour réfléchir. Tout est déjà réfléchi, tu sais que je tiens énormément à toi mais je ne peux pas t’épouser, je ne peux pas abandonner ma chance d’aller à Harvard non plus, je veux avoir une carrière, je veux faire mes études… » Dans ses grands yeux bleus se lit aisément la tristesse, et ses lèvres s’entrouvrent pour me surprendre. « Alors allons à Harvard ensemble, et marrions nous tout de même. » Je ne sais que répondre. Il n’a jamais voulut aller là bas, et Berkeley lui offre une bourse monumentale pour pouvoir poursuivre son rêve. « Tu compliques les choses, ce n’est pas juste l’université que je veux choisir pour moi, mais tout le reste et à ce jour je ne veux pas me marier. Et je ne le voudrais pas dans quelques mois non plus. Je veux pouvoir vivre une vie d’étudiante, je veux voyager, rencontrer de nouvelles personnes, faire de nouvelles expériences… » Je m’arrête dans ma lancée quand son visage se décompose. Je n’aurai peut être pas du parler d’autres expériences. « Tu as envie d’avoir d’autres petits amis ? » Cette question me surprend, mais ce serait lui mentir que de prétendre le contraire. Je n’ai à ce jour aucune certitude de vouloir qu’il soit le dernier. Pourtant le lui dire serait presque cruel et je ne parviens pas à répondre à sa question. Ses traits se figent, puis ses sourcils se froncent. A ce moment là je comprends que je viens de lui briser le cœur par mon silence. En effet, il baisse les yeux, hausse les épaules, fait demi tour et s’en va, sans même se retourner. Ce fut la dernière fois que je vis Jonathan avant de partir pour Harvard.

FIANCAILLES DE VALENTINE - février deux mille douze.

« Tu ne veux pas que je viennes parce que tu as peur que tes parents m’adorent ? » Je souris face à tant d’assurance masculine, et j’entre dans son jeu en hochant la tête. « Tu as tout compris en effet, j’ai tellement peur qu’ils t’adorent et qu’ils soient déçus quand je leur apprendrais qu’en fait tu n’es qu’un ami qui profite de la gentillesse de leur fille pour s’envoyer en l’air avec elle, sans aucune attache. Crois moi ma mère te chasserait à coup de pieds. » Je repousse le draps blanc qui recouvre ma silhouette dénudée et me dirige vers la salle de bain pour allumer l’eau. Je n’ai nullement besoin de me retourner pour sentir sa présence derrière moi. Sa peau brûlante se plaque contre mon dos. Dans le miroir nous formons presque un couple magnifique. Sauf que nous ne sommes pas un couple. Nous sommes une nouvelle expérience en quelques sortes. Ses lèvres parcours mon cou et je me laisserai volontiers aller à plus de caresses et de baisers si je ne devais pas me rendre à la fête de fiançailles de ma très chère grande sœur. Fiançailles pour le moins surprenantes puisque je n’étais même pas au courant de sa relation stable avec un homme, un inconnu puisqu’elle n’a rien voulut me dire sur lui. Valentine qui parvient à garder un secret sans être trop excitée par son bonheur pour tout me révéler semble étrange, mais les gens changent avec le temps. Qui aurait pensé il y a de cela quatre ans que je me retrouverais à m’amuser avec des hommes tous plus séduisants les uns que les autres en parallèles d’études dans lesquelles j’excellent ? Tout le monde me pensait presque mariée et sage. Pourtant je n’échangerai ma vie de liberté pour rien au monde, c’est bien trop à mon goût. « Tu es sûre que tu n’as pas un peu de temps pour expérimenter de nouvelles choses Hermès-Wadsor ? » Je fais non de la tête avant de me détacher de son étreinte et de me jeter sous le jet d’eau chaude, afin de me doucher, me préparer, me maquiller, me coiffer, me vêtir et monter dans un taxi direction la fête en grandes pompes de Valentine.

Je descends finalement du véhicule, et me dirige vers l’entrée du grand hôtel où ma mère n’a pas lésiné sur les moyens pour offrir à la salle de réception une décoration magnifique. Je repositionne correctement le bustier de ma petite robe couleur crème et fait naître sur mes lèvres un sourire radieux. Rapidement mon bras est tiré en arrière et je me retrouve finalement dans le hall de l’hôtel face à un grand brun au regard clair qui me fixe, un sourire aux lèvres. Comment aurais je pu ne pas reconnaître ce sourire charmeur. Il a grandit, il a mûrit, ses traits ne sont plus ceux d’un enfant, mais d’un homme. Et je me revois quelques années en arrière, à son bras au bal du lycée. La bonne époque. J’ai un léger pincement au cœur en me demandant si l’on aurait pu être heureux si les choses s’étaient passées autrement. Son visage se rapproche du mien, ses lèvres se blottissent contre les miennes et c’est comme si les années n’avaient pas fuit. Comme si nous étions de nouveaux deux adolescents prêts à faire des folies. Qui a dit que de s’envoyer en l’air avec un ex était stupide ? Cette personne est stupide. Mais je me détache de sa silhouette, il est primordial que je fasse mon apparition avant que ma sœur me cherche partout pour me présenter son futur époux. « Jonathan, je ne pensais pas qu’après notre séparation, nos possible retrouvailles se dérouleraient ainsi… Comment vas-tu quatre ans après ? » Ses grands yeux bleus me fixent. Et sa voix presque identique à celle de mes souvenirs m’assène un coup terrible. « Si tu le désires, là, maintenant, on peut tout les deux repartir à zéro. Je pensais t’avoir oublié, mais j’ai vraiment envie d’être avec toi Naomi. Tu m’as tellement manqué… Toi, ton petit sourire, ton petit nez relevé, tes yeux si profonds… Oublions le passé, reprenons là où nous en étions. Partons dès maintenant d’ici et… » Je pose un doigt sur ses lèvres et tente de le calmer d’un simple regard. « Je ne savais même pas que Valentine t’avait invité à ses fiançailles. Calme toi un peu, on vient à peine de se voir et… Ca va ? Jonathan ? Qu’est ce qu’il y a ? » Son visage affolé m’interpelle. Il fixe quelque chose derrière nous, je me retourne pour y faire face à mon tour. Valentine, vêtue d’une magnifique robe couleur ivoire nous regarde, tout sourire. « Tu lui as dit ? J’espère que tu ne m’en veux pas trop petite sœur, quand il est revenu de ses trois ans d’études, ça a été le coup de foudre entre nous, je ne savais pas trop comment te le dire… » Je la fixe, incrédule, ne comprenant pas bien où elle veut en venir. Pourtant, en quelques secondes seulement, l’information se forge un chemin dans mon esprit, et je comprends que mon ex petit ami, celui qu’elle voulait me voir épouser il y a de cela quatre ans est aujourd’hui son futur époux. Je manque de tomber à la renverse, mais je me ressaisis. Avec ce qu’il vient de me dire… Je me retourne vers lui, le regard perçant. « Pourquoi tu me proposais alors à l’instant de recommencer notre histoire ? » Son visage feint la surprise et l’innocence. Valentine s’interpose entre nous, place sa main dans le dos de son fiancé et me regarde méchamment, comme si elle ne rêvait que de me tuer. « Je savais que tu le prendrais mal, mais de là à inventer de telles choses par jalousie, je pensais que tu étais plus mûre. » Me balance t-elle comme ultime coup de poignard. C’est ce moment là que choisissent ma mère et mon père pour faire apparition dans le hall. « Que se passe t-il ici ? Oh tu es là ma chérie, j’espère que cela ne te fait pas trop bizarre que ta sœur épouse Jonathan… » Claironne ma mère. « Détrompes toi maman, cela l’énerve tellement qu’elle invente que Jonathan lui proposait de se remettre ensemble. » Le ton de Valentine n’a jamais été si dur. Elle me déteste. Et moi j’ai l’impression de me retrouver au beau milieu d’un film américain au scénario revisité des quinzaines de fois. Sauf que toutes les fins de ces téléfilms ne m’aident pas à trouver une solution. Je choisis même la pire. « Jonathan tu viens de m’embrasser, dis le leur ! » Ma mère semble s’offusquer tandis que mon père n’est pour une fois que le spectateur de cette scène. Tout le monde me fixe, en silence comme si j’étais le vilain petit canard. Comme si la parole de cet homme qui couche avec les deux sœurs comptait plus que celle de leur propre fille, sœur. Je repousse ma longue chevelure en arrière, et blessée de leur silence et de leurs accusations je ne prononce que quelques mots avant de prendre la fuite. « Valentine oui, sincèrement ça me dérange que tu te maries avec mon ex et celui que j’ai presque épousé. Mais s’il ne m’avait pas embrassé à mon entrée cela ne m’aurait pas pousser à vouloir briser ton bonheur. Et si aucun de vous ne me connais assez bien pour le comprendre alors il vaut mieux que je m’en aille et que vous n’essayez même pas de m’appeler. » Décidée je rejoins la sortie de l’hôtel tandis que seul la voix rauque de mon père tente de me faire changer d’avis. Je sors mon cellulaire de mon petit sac blanc et compose un numéro immédiatement. Je le porte à mon oreille et dès qu’une voix masculine décroche je m’empresse de parler. « Finalement j’ai du temps pour faire de nouvelles choses, dans une heure chez toi ? » Au milieu de ce trottoir je ne me rends pas compte que ma vie future est sans eux, sans cette famille qui malgré les chamailleries a toujours été là pour moi. Quatrième année de politique, vingt deux ans dans quelques jours, et abandonnée par ma famille. En avant.