(+ Mikha) loque, vous avez dit loque ? Comment c'est éloquent !

« Vous voulez demander de l’aide à Gauthier ? J’ai toute l’estime du monde pour mon majordome et mentor préféré mais je ne suis pas certain qu’il soit aussi doué que vous… » avoua-t-il, tout en sachant que parfois, même si le monégasque savait parfaitement remplacer le beurre et la margarine, il pouvait se montrer incroyablement gauche, même s’il n’hésiterait pas pour autant à aider du mieux qu’il pourrait la demoiselle. « Mais il vous aidera, c’est certain ! Je vous souhaite qu’ils retrouvent votre coupable ceci étant » reprit-il non sans une large dose de sincérité. Il fut néanmoins surpris que Mikhaila « s’inquiète » réellement de sa santé mais dans le fond, cela coulait de source. Elle était la gentillesse incarnée et même à la pire personne au monde, elle ne serait jamais en mesure de souhaiter du mal. « Je ne dis pas non… si vous me permettez de rester dans la cuisine avec vous. Si je reste dans le salon je vais me replonger dans mes partitions. Vous ne savez pas la masse de boulot que j’ai encore à fournir pour mon concert new yorkais. »

J’éclatais de rire à sa réponse car effectivement, demander de l’aide à Gauthier était un peu risqué. « Oh mais je suis certaine qu’il pourrait m’aider, vous savez, il y a beaucoup de choses à faire en cuisine comme préparer les ingrédients… Avec mon poignet dans le plâtre, je risque d’avoir des difficultés pour vider l’eau des patates par exemple s’il me prenait l’envie d’en faire » répondis-je avec amusement avant de redevenir sérieux. « Vous savez, je me fiche bien qu’il le retrouve, le mal est fait dans mon cas mais je veux juste être certaine que cette personne ne fera plus de mal à autrui, c’est surtout pour cela que j’ai porté plainte » haussais-je les épaules. Je me fichais bien de mon cas personnel. « D’accord… Si vous voulez, nous pourrions faire cela ensemble, cela pourrait être amusant ! » lui proposais-je spontanément avant de rougir. « Excusez-moi, ma demande était déplacée » murmurais-je en continuant mon massage. De temps en temps, j’avais tendance à oublier que je ne parlais pas un homme lambda mais bel et bien à un prince et qui plus est à mon employeur. « Vous.. Enfin vous avez beaucoup de travail ? »

Eventine était amusé par avance et par principe rien qu’à imaginer Gauthier avec un petit tablier et à râler dès qu’il se ferait la plus petite tache qui soit. Maniaque comme il était, dans une cuisine, mais il allait très vite taper sur le système de Mikhaila, c’était une certitude ! Mais d’un autre côté, il était une aide potentielle, personne ne pouvait le nier. « C’est à vos risques et périls ! » avoua-t-il subitement. Le beau brun hocha visiblement la tête pour approuver le fait qu’elle ait porté plainte, mais n’osa pas répondre quoi que ce soit : il n’était pas responsable d’elle et commenter aurait été déplacé, à son sens, ou bien inutile si c’était juste pour répéter ce qu’elle venait de dire. « Il faudrait vraiment que vous arrêtiez de stresser… vous êtes au courant que je ne suis pas un robot et qu’avant d’être un prince je suis un être humain ? » lança-t-il, légèrement piqué au vif, bien que son ton n’était ni violent ni désagréable. Il était plutôt désolé qu’elle prenne les choses sous cet angle, toujours. « Vous n’avez pas idée… d’autant que Thaïs va faire partie de mon prochain concert si elle le peut, ce qui fait que j’ai de nouvelles partitions à incorporer. Et je suis surtout un éternel insatisfait, donc je vais recommencer jusqu’à ce que cela me plaise. »

Je pouffais de rire à sa réponse. A mes risques et périls, si seulement il savait combien ma vie pouvait être dangereuse par endroit et pourtant, je ne faisais rien pour que cela le soit : pas de sports extrême, pas de consommation d’alcool rien. Juste ma poisse légendaire. « Je le surveillerai comme du lait sur le feu mais je suis habituée, à mon club de cuisine, j’ai un ami qui est un peu pareil donc j’ai l’habitude » lui avouais-je et puis en même temps, si je voulais devenir chef étoilé, autant que je m’habitue à avoir des commis sous mes ordres. « Je suis désolée.. Vraiment… Ce n’est pas vraiment parce que vous êtes prince que je réagis ainsi, je suis toujours comme ça. Je n’aime pas déranger » soupirais-je car il était évidemment pas question que je lui avoue les véritables motivations à vouloir passer transparente car je ne voulais ni avoir sa pitié ni qu’il vienne me sauver. Oui, sous mes airs angéliques se cachait le démon de la fierté mal placée. « Je suis sûre que ce sera parfait… Je suis votre plus grande fan pour tout vous avouer mais place à la détente désormais ! Allez, venez votre altesse, on a de la cuisine à faire » m’exclamais-je avant de l’aider à se relever dans un éclat de rire.

Tiens donc, elle faisait un club de cuisine… Eventine ne fit aucune réflexion là-dessus mais mine de rien, il nota cela dans un coin de sa tête, comme tant d’autres détails qu’il entendait çà et là dans son existence et qui pénétraient insidieusement son impressionnante mémoire. « Ce n’était pas une critique je vous rassure, croyez-moi j’ai déjà vu bien pire mais plutôt un conseil : si vous me dérangez comptez sur moi pour être le premier à vous le faire savoir mais en attendant, arrêtez donc de vouloir forcément raser les murs » avoua-t-il dans un soupir car en l’occurrence, lorsqu’il souhaitait bavasser avec quelqu’un, le voir se rabaisser ou utiliser le sang royal d’Eventine comme excuse pour ne surtout pas s’aventurer sur le devant de la scène finissait par l’énerver à la longue. « Ne vous moquez pas, ce n’est pas beau la vieillesse ! » plaisanta-t-il non sans sourire avant de se détendre progressivement et de s’étirer en levant haut les bras. « Je vous suis dans la cuisine, après tout, pour une fois c’est moi qui pénètrerai dans votre antre ! »

Eventine ne pouvait pas comprendre l’énormité de la chose qu’il me demandait. Il ne savait pas que je rêvais pourtant d’arrêter de raser les murs, que je rêverais de me sentir bien dans cet illustre manoir mais ici, j’étais en prison et sans même le vouloir, il participait à me maintenir prisonnière car sa famille m’embauchait. Certains me diraient que je n’avais qu’à partir mais pour aller où ? Le peu d’argent que j’avais passé dans mes frais de collocations et mes études. Etudes que j’étais certaine de perdre tant grand-mère savait manipuler son monde. Non, je me devais de raser les murs pour ne pas subir son courroux. « J’essaierai » lui répondis-je en détournant le regard avant de l’aider à se relever, éclatant de rire à sa plaisanterie. « Allons bon, vous n’avez qu’une année de plus que moi et je refuse de me considérer comme vieille ! » m’exclamais-je tandis que je lui lançais un regard énigmatique. « N’ayez pas peur, je ne mords que si on me le demande » pouffais-je de rire tout en le prenant par la main pour le tirer plus vite dans la cuisine sans même m’en rendre compte. « Bon, je vais d’abord vous nourrir convenablement et après nous ferons le mille feuilles ! »

Sans savoir pourquoi, Eventine sentait que justement, Mikhaila ne serait jamais du genre à cesser de raser les murs, que c’était profondément ancré dans son tempérament et qu’il n’était même pas question de chercher à le changer. Bah, il disait avant tout cela pour elle, si elle se contentait juste de le considérer toujours comme un prince, déjà, ce serait un énorme pas en avant de fait. Eventine n’avait jamais été très à l’aise avec ceux lui servant du ‘votre altesse’ à toutes les sauces. « Heu… enfin il faudrait être un peu nœud pour vous demander un truc pareil ! Vous êtes certaine de ne pas être atteinte d’Alzheimer, même light ? » ne put-il s’empêcher de rétorquer aussitôt en s’imbriquant aussitôt sur son rire avec plaisir. Il préférait la voir ainsi que toute intimidée, c’était plus confortable et appréciable. « Convenablement… j’ai oublié le sens même de ce mot ! Mais ne vous cassez donc pas la tête, donnez moi le premier bout de pain venu et après on peut attaquer les choses sérieuses ! » Gros défaut d’Eventine : la déraison culinaire !

« Nop aucun Alzheimer, je suis en parfaite santé mise à part mon bras cassé alors inutile de chercher une quelconque maladie mentale. Je suis folle au naturel » lançais-je en me disant que si je devais passer au moins une soirée auprès d’Eventine, autant en profiter. Demain, j’aurais tôt fait de disparaitre de sa vie. Gaston finirait par obtenir gain de cause et je savais qu’il me contraindrait à devenir une parfaite femme au foyer dans toute sa splendeur –autant dire me condamner au bagne. Alors, autant profiter pour avoir des souvenirs à conserver au chaud dans mon cœur. « Si vous ne voulez pas que je vous fouette les fesses à coups de torchons, oubliez rapidement de me demander de vous donner qu’un bout de pain ! Moi vivante, je ne servirais jamais un simple bout de pain comme nourriture point final… Je peux prendre cinq minutes pour vous faire au moins un sandwich digne de ce nom » rétorquais-je en le fusillant du regard avant de me radoucir en ouvrant le frigo et sortir de quoi lui faire un sandwich quatre étoiles au minimum. Cinq minutes plus tard, je lui tendais l’assiette où reposé le fameux sandwich sur une serviette en papier ainsi qu’un verre de limonade que j’avais fait un peu plus tôt dans la journée. « Bon appétit ! Pendant que vous mangez, je vais préparer les ingrédients »

« Bah après je ne suis pas toubib, hein, je n’irai donc pas vérifier » ajouta-t-il d’un air taquin légèrement déguisé, quoique, il fallait vraiment savoir lire entre les lignes mais son interlocutrice le saurait très certainement à vrai dire. « Heu… vous savez que vous faites peur dans le genre ? Je viens de noter soigneusement de ne jamais vous chercher des poux, je tiens à la vie ! Ceci dit chef oui chef, regardez, je m’assoie docilement comme un bon élève que je suis ! » Ridicule. Mais Eventine était mort de rire, c’était bien ça le pire. Il s’assit néanmoins à la table à proximité, ne mettant pas ses coudes sur la table et attendant patiemment que Mikhaila ne lui concocte un repas de roi. « Vous savez que si je prends du poids ce sera votre faute ? Je plaisante !! Préparez vos ingrédients regardez, je mange DO-CI-LE-MENT ! » reprit-il avant de commencer à manger avant que leur essai de mille feuilles soit… aussi divers qu’enrichissant, il fallait dire ce qui est.