"Je n'ai pas de photo de toi, j'ai de la mémoire. Je n'aime pas prendre des photos des gens qui me sont proches. Je pense à la douleur que j'aurais à les regarder quand ils ne seront plus là." sweet nothing & j-l fournier
Melbourne, Australie. Dans la vie, certaines personnes ont plus de chance que d'autres. Certaines doivent travailler dur pour accumuler quelques euros, et d'autres n'ont qu'à tendre la main pour toucher des billets bien gros. Je suis née avec une petite cuillière en or dans la bouche et franchement, c'est pire qu'on pourrait l'imaginer. Tout d'abord les parents. Si le fait qu'ils soient souvent absents, qu'ils vous couvrent de cadeaux quand ils rentrent car ils culpabilisent d'avoir laisser leur progéniture avec des nourrices sont les points positifs de la situation, le reste n'est que galère. On est éduqué pour réussir dans un monde où la loyauté n'est pas censé exister. Tu dois toujours être plus fort que ton voisin, plus riche, plus beau, avec la plus belle famille. Bref, tu dois avoir la plus belle apparence en public. Et c'est là que c'est le plus dur: il y a toujours une règle, un code que tu dois respecter au risque de heurter les autres, aux risques de passer pour un sauvage. Du coup, tu te contrôles: tes mots, tes gestes, jusqu'à l'expression de ton visage. Tout va bien dans le monde des costumes cravates. Foutue apparence. Et cela a été comme ça dès le début de ma vie. La rencontre de mes parents? On ne me l'a jamais racontée. Sûrement parce qu'il n'y avait rien à en dire, qu'elle n'avait rien de spontané, de magique. Non ici, pas de conte de fée. La famille Masterson a trouvé chaussure au pied de leur fiston: une belle blonde de son âge de la hautre aristocratie, ils les ont marié et ils eurent des enfants. Fin de l'histoire. Enfin, pour avoir des enfants, cela a été plus compliqué que de signer un bout de papier. Du coup, ils ont pensé à la fécondation in-vitro. Avec l'argent on peut tout faire. Sauf que ça, normalement, je n'ai pas le droit de vous le raconter, cela ferait mauvaise figure. On s'en tiendra donc au fait que mes parents ont eu des enfants. 4 au total. Je suis l'aînée de cette petite tribu. Ensuite nous avons: Pacey, 21 ans, Cameron, 18 ans et Madelyn, 5 ans. Cette dernière est la seule à avoir été fécondée naturellement. Un imprévu donc dans la vie de mes parents, une petite chose qui fait bien jaser les voisins. A un peu plus de quarante ans, on ne fait plus d'enfants chez les costumes cravates. Bref. Revenons à moi. Je suis donc l'aînée de cette petite tribu, celle en qui on a placé tous les espoirs et toute la pression aussi. J'ai donc toujours dû être la meilleure, développer mon esprit de compétition. A six ans, j'avais un professeur particulier et n'allais donc pas à l'école. Ma mère s'était aussi mise en tête de me faire apprendre le piano. Elle rêvait que je sois une petite virtuose mais là, je n'étais pas très douée. Moi, j'avais un autre rêve: danser. Ma mère n'accepta cependant le fait que quelques années plus tard. Trop tard déjà que pour être danseuse étoile, mon rêve. Mon enfance se résumait donc à ça: des cours particuliers, des jeux avec mes frères dans la grande villa et des promenades avec mes nourrices. Les seuls camarades de jeux de mon âge étaient mes cousins, cousines. De la famille et personne d'autre. A l'âge de 12 ans, on me sortait enfin de mon cocon et mes parents m'inscrivirent dans le meilleur collège privé du pays. L'adaptation ne fut pas très facile: j'avais du mal à m'ouvrir aux autres et ce n'était pas eux qui faisaient le premier pas. Par contre, je récoltais d'excellentes notes, ce qui me faisait passer pour une petite intellectuelle. Ce n'est qu'après six mois que je rencontrais une demoiselle qui allait changer ma vie. En effet, elle allait devenir ma meilleure amie, mon alliée, celle à qui je racontais tout. Et celle aussi avec qui je partageais de nombreux délires. On était fort semblable, c'était peut-être ce qui nous avait rapproché. C'est avec elle que j'allais pour la première fois au cinéma, dans une galerie shopping,...Bref, j'étais enfin devenue une adolescente comme toutes les autres. Du collège on passait au lycée et elle fut inscrite dans la même classe que moi. Toujours inséparable. C'était d'ailleurs ce qu'on croyait réellement. Les seuls moments où je n'étais pas avec elle c'était quand je partais en vacances. Mes parents avait eu la brillante idée de m'envoyer dans une petite colonie huppée. J'avais 18 ans la première fois. La dernière aussi d'ailleurs. La destination? Le Maroc. Ca faisait rêver ce dépaysement, rien qu'en observant les photos sur les sites internet. Et moi j'avais l'âme d'une exploratrice. 1 mois pour découvrir le pays et ses habitants. Enfin, surtout ses habitants. Parce que contre toute attente, c'est là-bas que je le rencontrais: Malik, 22 ans, étudiant en art du spectacle. Il était beau, marrant, taquin, il avait tout pour me plaire. J'avais d'ailleurs essayé de le remballer à la plage le jour de notre rencontre. Sauf que Malik, le non, il comprenait pas. Et il n'avait pas abandonné. J'avais fini par laisser tomber toutes les barrières. Malik m'avait fait visister le pays. En quelques jours j'en étais devenue accro. C'était mon premier amour. Pourtant, je n'arrivais pas à aller jusqu'au bout. Un blocage, ou même une pression familiale, un devoir qui voulait que je sois vierge au mariage. Malik comprenait, c'était aussi dans ses coutumes. Mon mois de vacances était passé trop vite. A la rentrée, je partais pour Harvard. Mon père avait étudié là-bas, il voulait que j'en fasse de même.
Harvard. Malik ne m'avait pas laissé tomber. Il était devenu étudiant à Harvard, tout comme moi. Mes parents ne voyaient pas d'un bon oeil notre relation. Malik ne venait pas de notre monde, il ne pourrait pas entièrement me comprendre. Je ne comptais d'ailleurs plus les fois où ma famille avait essayé de me présenter à d'autres jeunes hommes, beaucoup plus fortuné que lui. A chaque fois que je rentrais chez moi, c'était la même sérénade. J'avais pourtant accepté de suivre des études de sciences économiques pour leur faire plaisir mais je ne voulais pas renoncer à mon histoire avec lui. Tout allait si bien entre nous et j'avais la naïveté de croire que cet amour durerait toujours. Sauf qu'un jour Malik en eu marre d'attendre et me trompa avec une de ses amies. Mon coeur se brisa en mille morceaux et je jurais de ne plus jamais le revoir. Notre histoire avait duré trois ans. Trois ans cela ne s'effaçait pas facilement. Malik m'avait apporté beaucoup, dont la confiance en moi. Et notre rupture fut comme un électro-choc. Je ne voulais plus être celle dont on dictait la vie, je voulais la vivre pleinement. En cachette, je changeais de cursus, entamant un de médecine, avec la danse en mineur. Etre médecin, c'était tout ce que j'avais toujours envisagé de faire, ne me restait que le courage de l'annoncer. Chose que je n'arrivais pas à faire. Ma première année réussie avec succès, j'étais pourtant de plus en plus certaine de mon choix. Seulement voilà, je redoutais la réaction de mes parents. Ils finirent par l'apprendre, via une connaissance qui n'avait pas su retenir sa langue. Tout finissait toujours par s'apprendre. Leur réaction fut à la hauteur de mes craintes. Ils me demandèrent de choisir. Eux avaient comme projet de me mettre à la tête d'un hôtel pour commencer, moi d'être médecin. C'était moins ambitieux selon eux. Je choisis ma passion et ils me coupèrent les vives. Cela fait six mois que je n'ai pas de nouvelle d'eux. Bien entendu, je reste en contact avec mes frères mais rien n'est pareil. Maintenant, pour arriver à payer mes études, je travaille dans un restaurant. Ma vie a radicalement changé, tout comme moi d'ailleurs.
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