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Norah & M.S
A midi moins le quart la lumière filtrait dans la chambre à travers les lourds rideaux entr’ouverts. Depuis que Chloé était partie –ou du moins depuis que je l’avais précipité dans les bras de son gigolo- je n’avais pas pris la peine de chercher une autre maison. Celle-ci, bien que vaste pour un esseulé comme moi, me correspondait parfaitement. Marbre dans la cuisine, parquet hors de prix dans la plupart des pièces, salle de bain somptueuse, cave incroyable et une chambre incitant à l’orgie de part sa taille et son luxe. Je m’étirai paresseusement, repoussant les draps pour profiter des deux rayons de soleil timides qui vinrent me réchauffer un tant soit peu. « Marina ? » Pas un son, pas un bruissement. Rien. « Marina ! » Je sortis de mon lit sans empressement et ouvris d’un geste brusque les rideaux carmins. Je contemplai la vue un instant jusqu’à ce qu’un léger toussotement gêné me signale la présence de ma femme de ménage. « Oh Marina ! Eh bien, c’est ma tenue qui vous dérange ? Enfin, vous avez des enfants Marina, vous devez bien connaître un minimum l’anatomie masculine, ne faites pas l’effarouché. Pourriez-vous me préparer une bonne pièce de bœuf ? Quelque chose de costaud, j’ai une faim de loup. Et saignante, bien saignante ! » Je lui servis un sourire carnassier avant de me diriger paresseusement vers la salle de bain tandis que Marina repartait en cuisine sans un mot. Une si gentille fille. Coincée, mais gentille, et plutôt bonne cuisinière. Meilleure que Chloé, mais ça ce n’était pas bien compliqué. A partir du moment où l’on savait faire des pâtes et un steak on était forcément meilleure que cette petite conne.
« Et vous m’apporterez tout ça dans la salle de bain ! » criai-je d’un ton enjoué. La pauvre enfant ne s’était toujours pas habituée à mon comportement plus que dérangeant et sans doute s’imaginait-elle que tous les Irlandais sont des alcooliques et, une fois grammés, se jettent sur toute représentante de sexe féminin potable. Mais qui serait assez stupide pour faire subir ça à celle qui entretient votre maison ?
Norah. Il fallait que je la vois. Si son père avait cru voir en moi un parfait chaperon au début de notre relation il semblerait qu’il se soit profondément trompé. Je n’avais que faire de jouer au flic avec une gamine, aussi rebelle soit-elle. Moi mon commerce c’était le vin, le bon vin. Pas le baby-sitting. Je m’emparai de mon téléphone après avoir fait couler l’eau. Ah que la vie est difficile lorsqu’on a du temps, de l’argent et une tête normale !
L’eau brûlante me fit le plus grand bien, et une fois le repas englouti j’envoyai un texto à l’étrange étudiante française.
6 p.m chez moi ? J’offre le vin.
Je ne suis pas persuadé que cette relation soit bien commune mais je ne l’ai jamais touché, à peine effleuré. Cette gosse est charmante. Mais pas touche aux étudiantes dans son genre. Mon terrain de chasse est déjà bien assez vaste sans que j’aille en plus chercher les ennuis en essayant de traîner dans mon lit la fille d’un de mes anciens collaborateurs, excellent conseiller en vin français et ami aujourd’hui. Norah me faisait penser à Chloé à son arrivée ici. Farouche, réfractaire mais brillante. Stupide dans son entêtement mais horriblement drôle. Mais Chloé est une salope à ce que je sache.
Après le bain, la folie des chemises. Ma vie est une chemise, ma passion est une chemise, mon amour n’est que chemise. Je ne les compte plus. Je les sortis une à une, les jetant par-dessus mon épaule lorsqu’elles ne me convenaient pas. Si je ne touchais pas à Marina je m’appliquais à la rendre folle. Au moins je ne la payais pas pour faire la plante verte. « Marina ! Venez donc me donner votre avis ! La crème ? Ou alors la marine ? Et les boutons de manchette, les ronds ? » Je me pavanais devant elle en sous-vêtement, collant chemise et cintre contre moi en faisait diverses grimaces pour la faire rire. « La marine. » « D’accord, va pour la crème. Les boutons ronds en argent, et ma montre en cuir. Et le pantalon caramel. Ca sera sensationnel ! »
Il me fallut encore plus d’une trentaine de minutes pour bien fixer mon choix par simple caprice, puis je me calai profondément dans un fauteuil en face de la baie vitrée, profitant de la fin d’après-midi. Après deux cigares pour me donner un parfait air mafieux, et un verre de vin italien, j’entendis frapper à la porte alors que Marina allait partir pour rentrer chez elle. Deux voix féminines qui s’échangent des banalités doublée de civilités d’usage. Je fis un effort pour me sortir de mon fauteuil et allai à sa rencontre, ravi d’avoir de la compagnie.
« Norah ! Tu es venue ! Laisse partir Marina, elle a ses cours du soir et viens donc dans le salon, j’ai du vin français, comme toi. » Je fis un bref signe d’au revoir à Marina puis pris le manteau de Norah en lui indiquant de menton le salon. « Fais comme chez toi, j’ai rien à cacher, j’ai pris soin de virer mes prostituées avant que tu viennes, sois sans crainte ! »
J’aimais jouer de mon mage étrange, ambivalente. Le prof d’histoire, stoïque, qui note sévèrement et s’apitoie peu sur les conditions de vie de ses élèves et de l’autre, le divorcé qui boit son vin autant qu’il le vend à la sexualité ouverte et connu de tous, à la richesse épouvantable qui dilapide des milliers de dollars sans crainte la banque route.
« Comment vont tes parents ? » Je la rejoignis dans le salon, me dirigeant vers la cuisine pour sortir deux nouveaux verres. « Ca fait longtemps que ton père ne m’a pas téléphoné, complètement alarmé par ton comportement d’étudiant haineuse, me suppliant à genoux de te surveiller de près, de trafiquer ton téléphone et t’enchaîner à un bureau à la bibliothèque…. T’as trouvé l’homme de ta vie et ça les a calmé ? Pour qu’ils soient tranquille il est au moins de bonne naissance ! »
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