Ce soir-là, il faisait une nuit noire, on y voyait à peine les étoiles, mais ça faisait longtemps que Leandre avait cessé de les regarder alors il n'avait rien remarqué si ce n'est qu'il faisait un peu plus froid que d'habitude et qu'il s'était autorisé à mettre une veste un peu chaude. Il connaissait le chemin par coeur. Combien de temps il passait dans le métro, le nombre de pas qu'il faisait pour changer de station puis tous ceux ensuite pour arriver jusqu'à son lieu de travail comme il l'appelait. Andriel s'efforçait de croire qu'il faisait un boulot comme un autre, juste que le sien était moins courant et ne répondait à aucun principe moral, que ce soit celui des hommes ou ceux de Dieu. Mais ce ne sont pas les hommes ni Dieu qui le feront sortir de la merde dans laquelle il est, alors il a choisi de ne plus suivre aucune règle. Il crèvera en prison ou en enfer, peu importe, il ne s'en soucie plus.
« Leandre ? »
Il s’était tourné en direction de la petite voix à l'accent danois. Miette. Une petite blonde à peine plus jeune que lui, habillée de porte jartelle, soutien gorge et talon aiguille, sa peau blanche laissait devinée à quel point elle souffrait du froid, et ce n’était pas le meautaux de fausse fourrure qu’elle portait qui y changerait quelque chose. Leandre s’est forcé de lui sourire, embrassant son front. Elle aussi allait vivre une soirée pénible, aussi pénible que les autres soirs. Ils s’efforcent tous de penser qu’ils ont l’habitude maintenant de n’être traité que comme des objets sans sentiment ni âme. A vrai dire ce n’est pas une habitude, juste un sentiment de révolte enfouie au plus profond d’eux qui les fait tenir. D’accord. Je ne suis qu’un objet, alors je serais vide, vide de toutes émotions, de tous désires, envies, plaisir. Je ne ressentirais rien et je me contenterais de fermer les yeux en attendant que ça se passe. Je ne m’autorise à pleurer et vomir uniquement en rentrant chez moi. En tout cas, c’est comme ça que Leandre tient depuis maintenant trois ans. Il n’a jamais songé à vivre autrement, il a toujours été très défaitiste et n’est pas du genre à se battre pour des causes perdus puis c'est le seul travaille qui coïncide avec ses études. Vendre son corps et être diplômé. Ne pas le faire et finir serveur toute sa vie faute de moyen pour payer l'université. Qui est ce que ça dérange de toute façon ?
Il s’était mis dans son coin habituel quelques mètres après Miette, sous un réverbère qui laissait très bien les traits de son visage apparent malgré la nuit noire ce soir là. Il avait pris soin de mettre un jean assez serrer pour ne laisser aucune place à l’imagination, on voyait la forme de ses muscles et il était certain que ça l’aider à avoir un peu plus d’argent.
Quelques voitures sont passés, des hommes s’arrêtant pour Miette ou les quelques filles un peu plus loin. Les hommes gays qui cherchent un petit jeune avec qui se faire plaisir parce qu’ils sont marié, avec des enfants, et qu’ils ne veulent pas ternir leur réputation, ça existe bien plus qu’on peut le penser. Leandre a déjà eu à faire à des femmes, mais les hommes d’un certain âge reste sa clientèle principale. Et ça se confirme quand la première voiture qu’il s’arrête est conduite par un homme. La soixantaine, bien peigné, costume Armanie, une voiture qui ne laisse pas de place au doute, un pdg Leandre en est certain. Le genre de client qui ne demande pas grand chose, ils ne sont pas très exigent, mais s’ils apprécient le moment ils peuvent vous payer très très généreusement.
Leandre c’est immédiatement approché, un petit sourire aux lèvres. Ce n’est pas parce qu’il ne s’autorise aucune forme de sensation qu’il ne peut pas jouer un peu, la comédie c’est une grosse partie de son travaille. L’homme a baisser la vitre et l’a regardé de haut en bas.
« 500 pour deux heures. »
Leandre a hoché la tête sans hésiter, il n’aura pas donc besoin de se trouver un autre client en suite, il aura assez pour une nuit. On lui propose rarement autant, et il espère avoir un peu plus s’il la joue polie, simple, et innocent. Il sait ce que ces hommes là aiment, et il ne pense pas que cet homme soit une exception. Il s’est présenté comme étant William, -toujours le prénom, jamais le nom- et a ensuite fait monté Leandre dans sa voiture. Il n’a jamais eu peur de ça, il sait que ce William va l’emmener dans une chambre d’hotel de luxe, que c’est lui qui payera tout et s’obligera en plus à être discret afin de ne pas laissé penser qu’il passe la nuit avec prostitué, bien que le personnel de l’hotel ne soit pas si stupide. Mais ce n’est pas du petit personnel dont ce genre d’homme ont peur, mais de leur associé, concurant et famille. C’est comme ça que Leandre a compris que ce n’est pas parce que t’as de l’argent que ta vie est sans soucis.
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