CAMILLE D'ESTAMPES ► Marloes Horst

Petite noble française, la bougeoisie actuelle à son apogée. Tu avais tout pour réussir, être heureuse, bien élevée. Il aurait fallu que tu sois la petite fierté de la lignée. Que l'on te prenne plus tard comme exemple, comme idéal. Tes parents étaient plutôt à cheval sur les bonnes manières, même si les choses avaient évoluées depuis le XVIIe siècle. Pourtant, il avait fallu que tu aies cette envie de liberté, de changer de monde et de ne plus te fier aux regards de ces gens pour qui l'argent est la solution. Tu voyais plus grand, tu voulais apprendre de nouvelles choses, rencontrer d'autres types de personnes. Voilà, tu voulais seulement du nouveau. Alors après dix-huit ans à suivre des conseils et saluer des gens que tu connaissais à peine, tu avais choisi de t'évader. Un mois, ou deux, peu importe de tout façon. Tu avais juste choisi la destination, la date de départ, et prévenu tes parents, inventant  un séjour linguistique. Tes vacances, tu allais les passer au soleil, les pieds sur le sable brulant de l'Italie. Tu savais à peine parler la langue mais peu importe, tu allais pouvoir frôler la liberté. L'Eldorado, voilà ce que c'était, la recherche du bonheur. Chacun sa vision, chacun son Eldorado. Tu t'envolais le coeur léger mais les bagages pleins. Tu le savais, tu allais bientôt succomber au charme italien, aux petites rues pavées remplies d'histoire et de sentiments. Tu t'y voyais déjà, polaroid en main et oeil brillant. Tu n'avais pas envie de t'attacher infiniment à ces lieux, il fallait que tu bouges, que tu continues à jouer aux rebelles, aux filles sans réel passé et au destin beaucoup trop flou. Tu n'avais pas envie que l'on s'attarde à te demander ton identité, si tu voulais boire un verre et jouer aux débauchés sur les pavés, criant des mots idiots à la lune. Tu avais juste envie d'être toi, autre part. Mais il y avait eu ce regard, ce sourire qui voulait tout dire, cette gueule d'ange et cet esprit de fer. Il avait fallu qu'il soit là, à ce moment, à te sortir des phrases pré-concues. Un verre, une première fois peut être trop rapide, tu avais sûrement cru au coup de foudre pauvre idiote. Un mois, un amour brûlant, une dangereuse fièvre. Puis le départ précipité était arrivé, une histoire d'héritage, tu n'en savais pas plus, et tu avais du retourner en France pour quelques jours, un pauvre mot laissé à celui qui partageait à présent ton lit. Quelques griffures sur le papier et tout était réglé. Un nouveau billet pour l'Italie et tu allais le retrouver, enfouir ton corps mince entre ses bras et sentir son coeur battre contre le tien. La désillusion arrivait vite, une chambre vide, aucun mot, tout était clair pour toi. Il avait profité de ta présence comme de ton absence. Il t'avait laissée seule, brisée mais ne voulant rien montrer. Une semaine de plus, insupportable dans cette chambre qui portait son identité. Tu en avais eu assez, ton retour sur Paris allait être bien plus rapide que prévu. Tu allais retrouver les metro bondés, les odeurs désagréables et ce soucis de l'autre trop peu fréquent. Tu allais retrouver ta vie organisée à la minute près, ta chambre remplie de solitude. Voilà, deux ans à étudier le droit,  deux années plongées dans ces livres aux airs de torture. Tu partais à nouveau, sous conseil de papa maman, mais cette fois pour étudier, et evidemment continuer la torture. Sûrement un nouvel Eldorado, celui du rêve américain.