Il faisait vraiment froid ces jours-ci. Je laissais mon regard se balader dans le bureau du Professeur Antonia Orkin. Drôle de nom n'est-ce pas ? Surtout quand cette personne était censée être votre psychologue.
On ne pouvait pas dire que le professeur n'était pas quelqu'un d'ordonner, je la soupçonnais d'avoir étudier chaque point de vue que pouvait avoir ses patients sur son bureau, car tout était parfaitement aligné, peu importe la façon dont je bougeais la tête. Les statuettes égyptiennes juraient parfaitement avec les nappes un peu jaune, les murs orangés donnaient l'impression d'être dans une véritable fournaise.
Le petit canapé, typiquement cliché des bureaux de psy' était disposé de façon à ce qu'à chaque fois que l'on pose notre tête sur l'oreiller en velours, mon regard croisait celui du professeur.
Antonia Orkin était peut-être une psy, mais c'était la plus sexy et la plus huppées de tous les psy de la côté Est Américaine.
-Je ne vous savez pas amateur de littérature anglaise, Edgard Allan Po ? demandais-je.
Elle me fit un sourire complice, avant de me répondre par une autre question. Truc typique de psy. Elle regarda sa bibliothèque avec insistance.
-Monsieur Silver, êtes-vous vraiment là parce que vous avez des problèmes? Ou parce que vous avez suivi la mode de tous les gens que vous connaissez et qu'avoir un psy est à la mode ?
Je lui fis un clin d'oeil me redressant un peu.
-Techniquement tous les gens que je connais ne vont pas chez le psy, et deuxièmement j'ai un problème, vous devez me donner votre avis !
-Quel est-il ?
Je passais ma main dans mes cheveux, dans mon pantalon vichy vert et ma chemise blanche Yves Saint-Laurent je jurais parfaitement avec les lieux, Orkin était riche, vraiment riche.
-Pas tout de suite Professeur voyons, ça ne serait pas drôle.
Pour la première fois, elle griffonna quelque chose.
-Alors que voulez-vous ? je sentais qu'elle était enfin poussée à bout par sa curiosité.
-Votre numéro de téléphone, mais avant tout commençons par le blabla habituel. Mon enfance et ce qui suit.
-Comprendrais-je votre problème alors ?
-Êtes-vous obliger de toujours répondre par des questions ?
Elle griffonna quelque chose d'autres, je sentais que cette situation l'amusée beaucoup, de toutes façons, je la payais alors elle ne pouvait pas refuser, sinon elle pouvait dire adieu à sa manucure thaïlandaise à 500 dollars l'ongle.
-Très bien, quel a été l'élément le plus marquant de votre enfance ? Vous êtes né en Afrique, n'est-ce pas ? Qu'avez vous appris ? Vous n'avez pas passé toute votre vie là-bas ?
Je laissais mon esprit se remémorer tout ce que j'avais vécu en Afrique pendant que je commençais mon récit à Orkin.
Windhoek capitale et plus grande ville de Namibie. Ma mère, Rachel était d'origine Australienne et mon " père" John, Irlandais. Ils avaient un ridicule accent tous les deux. Mais bon c'est bien pour ça que je les aimais.
J'ai toujours vécu dans le luxe, étant donné que ma famille est propriété de la plus grande chaine d'hôtel d'Afrique, numéro 1 également en Asie du Sud-Est et en Australie, implanté un peu partout dans le monde.
Je ne manquais de rien, bien sûr du fait de mes origines j'avais beaucoup d'exigences à respecter. Comme le fait de toujours accueillir les plus prestigieux clients, du prince de Galles, au Président, en pensant par les Emirs du Golf Arabique et des milliardaires Russes.
Je devais toujours m'exprimer en anglais, si mon père m'entendait m'exprimer en Afrikaans j'étais puni. Il me faisait vivre un véritable Enfer tout ça pour me préparer à succéder à " l'Empire" familiale.
Bien sûr j'avais toujours des moments pour m'évader, comme la lecture, et les samedis avec ma mère, celle-ci adorait me prendre et me faire faire le tour de notre réserve. Avec elle je pouvais parfaitement m'exprimer en Afrikaans, c'était comme la liberté.
A vrai dire, je n'allais pas à l'école, un pédagogue spécial venait à moi. C'est lui qui m'éduquait seul à seul.
J'étais un enfant perdu dans un monde d'adulte. J'étais surtout perdu dans l'espoir de trouver une façon de me libérer.
Cependant, il y avait quelque chose de bizarre chaque année le jour de mon anniversaire, ma mère m'emmenait dans un café de Windhoek, loin des strasses et du luxe. Pour rencontrer un parfait inconnu. Un homme que j'appelais monsieur.
Jusqu'à mon dixième anniversaire.
La voix d'Orkin me ramena a la réalité.
-C'était votre père ?
Je hochais la tête. C'était toujours difficile pour moi de l'appeler " papa".
Je poursuivis mon récit.
A vrai dire, ma mère ne comptait pas me le dire. Elle savait parfaitement que la relation qu'elle avait eu avec cet homme, n'avait été qu'un passion d'un été, une bêtise de jeunesse. Pourtant, je voyais qu'ils ne se détestaient pas. Ils étaient même ami.
C'était à cause d'un serveur, qui l'avait appelé "Monsieur Silver" que j'avais compris, que cet homme portait le même nom que moi. Et que je comprenais peut-être pourquoi John ne m'aimait pas vraiment.
Il ne voyait en moi qu'un héritier, indigne de le succéder.
Après cette révelation, ma mère a eu du mal à tout gérer, entre John, les affaires qui avaient un peu de mal avec les problèmes en Afrique, il ne me restait qu'une façon de m'éloigner de ça. M'en aller.
Je quittais l'Afrique pour débarquer à Sydney chez mes grand-parents maternelles.
L'Australie fut un grand tournant de ma vie, la vie là-bas était tellement plaisante, chaque jour je découvrais un peu plus de folie dans ce pays. Les routes désertes, les crocodiles qui se baladent en pleine ville, la barrière de corail, des paysages à couper le souffle.
C'était comme-ci je revivais de nouveau, je n'étais plus aussi étouffer ou oppresser, je vivais toujours dans le luxe. Mais d'une autre manière.
Le lycée privé de Saint-Georges à Sydney était mon royaume, tout le monde me connaissait, j'étais surtout très proche des membres de mon équipe de Lacrosse, nous étions tous liés. Surtout Eric et moi.
Eric avait été le premier ami que je m'étais fait dans ma vie. Mais vous savez que les amitiés sont bonnes tant que l'amour ne se mêle pas, non pas que j'aimais Eric, non j'aimais la petite-amie d'Eric. Emily, elle était comme ma bulle.
Dans ses bras rien ne pouvait m'arriver.
Cependant....
-Cependant ? je sentie le regard inquisiteur d'Orkin sur moi. Elle voulait en savoir plus, et ce fait n'avait pas été noté sur mon dossier.
-EH bien ....
Le jour de notre graduation, j'avais réussi à obtenir un de nos hôtels pour fêter l’évènement,
J'avais attendu toute la soirée pour avouer à Eric qu'Emily est moi voulions sortir ensemble. Sauf qu'à cause de l'alcool, nous avions fini par coucher ensemble et Eric nous avait surpris.
Il s'était enfui sans que je ne puisse rien lui dire.
Emily s'était également enfuie.
Je rentrais chez mes grand-parents, en tentant d'appeler sans cesse Emily et Eric, sauf que personne ne répondaient.
Le lendemain ce fut le coup de grâce. Je me souvenais de ça, comme-ci c'était hier, j'avais lâché la télécommande, je portais le T-shirt qu'Emily préférait me voir avec. En fait, ce fut ma grand-mère qui m'appela, je sus à son regard que quelque chose n'allait pas. Je vis un reportage de la télé Australienne sur un accident de voiture au niveau de la bretelle d'autoroute qui menait à Sydney.
Je reconnus la voiture et surtout... le coup de téléphone qui sonna me glaça le sang jusqu'aujourd'hui.
-Eric est mort.
Après cela, de nouveau je me sentie mal à l'aise en Australie, Emily ne m'avait plus donné de nouvelles et je sentis que c'était le moment de m'éloigner le plus loin possible de tout le monde, famille, amis, amour....
Et c'est là que j'ai débarqué aux Etats-Unis.
-Vous vous êtes fait votre réputation. commenta la psychologue avec un sourire.
-Bien sûr, je voulais rester discret au début, j'aidais les gens, je faisais parti des Quincy, mais j'ai vite dégénéré vous voyez, en fait mon karma fait tout pour me pourrir la vie, j'ai découvert que j'avais tout une famille qui fréquentait Harvard du côté de mon père, et qu'une de mes cousines étaient ma plus longue histoire d'amour à la fac, que mon anniversaire avait été un fiasco, un véritable règlement de compte, j'ai du échapper aux douanes avec un mariage blanc en renonçant à mon plus grand amour.
Je marquais une pause avant de sourire.
-Mais je vis encore.
-Et quel est votre problème ? Est-ce vivre avec ce fardeau ? demanda-t-elle subitement intéressée.
-Bien sûr que non, mon problème est que je veux vous inviter à diner mais que la seule façon d'avoir votre numéro a été de venir en consultation.
Pour la suite de cette séance, je laisse libre cours à votre imagination.