Quand te reverrai-je, pays merveilleux ? (priape)

Aujourd'hui, je devais passer la journée avec Priape au ski. J'avais besoin de me détendre un peu, et je savais que le ski était une échappatoire que j'adorais, un réel bonheur de me retrouver sur les pistes à nouveau, même si ce n'est pas la pleine saison et qu'il n'y a pas la poudreuse que j'adore. Nous avons rendez-vous dans une heure devant les pistes afin de prendre le télésiège. Je viens d'enfiler ma tenue de ski et j'ai déjà loué hier mon équipement, j'aurais pu apporter le mien qui se trouve à Cambridge mais je ne voulais pas trop m'encombrer pour quelques jours. Je buvais un chocolat chaud dans un petit café, où une grosse cheminée permettait de rendre l'endroit chaleureux mais par dessus tout : chaud. Il y avait la wifi, et j'en profitais pour envoyer quelques mails importants pour l'inscription à ma nouvelle option. En effet, avant de partir à la neige, je devais m'en occuper, mais ma petite discussion avec Calvin m'avait empêché de le faire, tant pis. J'enfilais mes chaussures de ski, et tel un robot (parce que j'en avais l'air, avec ces chaussures), je me dirigeais à l'endroit de rendez-vous. J'étais contente de pouvoir passer du temps avec Priape, mais en même temps j'appréhendais, je ne savais pas quoi lui dire... mais bon, en skiant, on aura pas vraiment le temps de se prendre la tête si ça devait arriver.

J’avais eu l’occasion de discuter avec mon frère, j’avais aussi vu sa fiancée Eliah, j’avais également passé un super moment avec Valou, mais voilà, toujours pas de discussion avec Caly. Bien sûr, on s’était vus au chalet, au milieu de tous les autres étudiants qui participaient à ce voyage. Je savais qu’il fallait qu’on parle, que l’on se retrouve seuls un moment, surtout après ces derniers mois difficiles. J’aurais pu lui proposer bien des choses : déjà d’être dans la même chambre, que j’avais préféré partager avec mon coloc Charlie, sa meilleure amie Ace et mon frère Emrys, ou encore l’inviter au restaurant ou même simplement passer du temps avec elle dans le grand salon chaleureux de notre chalet, mais j’avais opté pour une autre solution : lui proposer une après midi de glisse. Je n’étais pas prêt, elle le savait et je savais aussi qu’elle n’attendrait pas éternellement que je le sois. J’espérais inconsciemment gagner du temps, m’amuser avec elle, lui changer les idées mais aussi échapper aux discussions sérieuses et aux confessions qui s’imposaient entre nous. J'étais arrivé au pied des remontées mécaniques, ma planche de snow sous le bras. Je cherchais des yeux Caly et la vis arriver avec cette démarche si caractéristique des skieurs. J’étais tellement content de faire du snow quand je les voyais tous galérer avec leurs chaussures inconfortables qui leur bloquaient la cheville, empêtrés avec leurs bâtons dans une main, leurs skis dans l’autres… « Salut toi ! » J’avançai jusqu’à elle et déposai un rapide baiser sur ses lèvres avant d’attraper ses skis pour l’aider à remonter les quelques mètres enneigés qui nous séparaient encore de la fil d’attente pour les télésièges. « Attends, je vais t’aider. »

À travers la foule, je voyais Priape, accompagné de son snowboard, il venait également de me repérer. J'approchais avec un léger sourire aux lèvres, mon appréhension était apparente mais je ne cherchais pas à la dissimuler. J'arrivais à sa hauteur et comme à son habitude depuis un certain temps, il se contentait d'un furtif baiser en guise de bonjour, comme une obligation, une formalité. Néanmoins, je ne savais pas ce que je voulais de plus, car moi même je ne savais pas comment réagir avec lui, je me contentais juste de sourire. Hey ! Tu vas bien? J'étais pas à l'aise, vraiment pas. Mon coeur battait plus vite que d'habitude, non pas à cause du stress... mais à cause de la situation. J'étais contente de le voir, mais à présent que je me trouvais face à lui, je voyais les choses différemment, il y avait cette distance entre nous que je ne pouvais oublier. J'avais l'impression qu'il faisait semblant... comme si, on ne se connaissait pas du tout, il y avait un malaise. Il voulait attraper mes skis afin de m'aider, c'était une bonne intention, mais instinctivement je répondais. Non, ça va aller... Tu sais j'ai l'habitude ! Je faisais du ski depuis bien longtemps, mais ça il le savait. Il voulait juste m'aider. Je savais que mon refus me trahissait, je n'étais pas à l'aise et il allait le comprendre... seulement, en rajoutant cette dernière phrase, j'espérais désamorcer mon refus. Un refus instinctif, à cause de la situation, mais pas forcément justifié face à sa bonne volonté.

J’avais espéré qu’ici, à distance de Cambridge et hors des murs d’Harvard, les choses seraient différentes. Mais dès que je fus à côté d’elle, je sus que j’avais été bien naïf de penser ça. Le grand air des montages ne ferait pas de miracle sur notre relation : il y avait toujours cette tension bizarre entre nous. « Ca va et toi ? » répondis-je comme un automate à sa question. Je lui proposais ensuite de l’aide avec ses skis et ses bâtons mais elle refusa aussitôt, prétextant qu’elle avait l’habitude. « Ok… » Un silence s’installa entre nous. J’étais vraiment impatient d’être en haut des pistes, au moins nous allions nous amuser. Je fis dons quelques pas vers la file de gens qui patientaient pour emprunter les télésièges. Et puis en attendant que notre tour arrive, et supportant mal ce silence entre nous, je repris la parole : « Alors tu préfères commencer par quoi ? » Je savais qu’elle skiait à merveille et sur toutes les couleurs de pistes. Val et moi avions appris sur le tard le snow et nous n’avions pas vraiment de style. Calypso, elle, avait carrément la classe sur la poudreuse. D’ailleurs, une année, elle avait essayé de nous initier au ski mais après de vaines tentatives de chasse-neige, de bonnes gamelles et plusieurs crises de fou rire, elle s’était vite rendue à l’évidence que nous étions des cas désespérés et nous étions retournés à nos planches de snow. Parfois, je repensais à cette époque où nous étions juste meilleurs amis avec nostalgie, comme si les choses étaient plus simples et comme si nous avions perdu un peu de notre ancienne complicité en nous mettant en couple…