Chacun son tour | Calvin

L'une des choses stupides que ma psychologue m'avait conseillée de faire, c'était de remettre les pieds dans un bar et de ne pas succomber à la tentation. Si c'est pas débile comme idée. C'était comme dire un taulard de vivre une demi journée avec la personne qui l'avait fait enfermer entre ces 4 murs. Elle avait de ces idées parfois mais j'allai tenter de la faire quand même. Pour ma fille comme le disait Andy. C'est bien pour cette raison que malgré que je ne travaillais pas aujourd'hui, j'appela quand même la nourrice de Maria afin qu'elle reste avec elle pendant que j'allai tenter de combattre mes anciens démons dans un bar de la ville, en espérant y croiser personne de ma connaissance.

C'est donc toute prête et la tête bien basse qu'arrivée devant le Lord Hobo, j'y entrais d'un pas très hésitant. Je m'approcha du comptoir et quand le barman me demanda ce que je voulais boire, je haussa les épaules. A vrai dire, j'en avais aucune idée moi. Je demanda donc de l'eau. Que demander d'autre franchement ? Je regardais rapidement qu'il y avait autour de moi et c'est en reposant mon regard sur le comptoir que je reconnus Calvin, que je n'avais pas vu depuis pas mal de semaine. Super lieu pour des retrouvailles n'empêche. Je m'approcha de lui, posant ma main sur son dos. Il avait pas l'air dans son état normal. On aurait dit moi il y a peu. Cal ? Qu'est-ce que tu fais là ? Oui, je voyais bien qu'il buvait mais ce que je voulais dire par là, c'est pourquoi était-il là, comme ça ?

Je venais de sortir de l’hôpital lorsque j’avais pris le volant. J’avais eu une discussion avec mon grand-père. Une fois de plus, il voulait que je quitte mon rôle de professeur pour me concentrer davantage sur l’entreprise familiale. Que pouvais-je lui dire ? Oui ? J’aimais mon métier de professeur. C’est pour ça que j’avais fait des études. Sinon, j’aurais pu arrêter dès mon premier diplôme et me consacrer entièrement à mon futur rôle de pdg. En même temps, j’étais déjà un des trois chefs de l’entreprise, mais à mes yeux, mon métier de professeur était tout aussi important. Inconsciemment, je m’étais arrêté devant le Lord Hobo. Tout compte fait, j’avais bien besoin d’un remontant. Je garais ma voiture sur le parking du bar. La première chose que je faisais en rentrant, c’était de me mettre au bar et de commander un whisky. Alors que je buvais mon troisième verre, mon esprit fut envahi plus une dizaine de question. J’avais l’impression que Milena me cachait quelque chose. Peut-être que je devenais paranoïaque, mais c’est l’impression qu’elle me laissait. Il y avait un truc qui n’était pas normal. Soudain, une main se posait sur mon épaule et m’arrachait à mes pensées par la même occasion. Cal ? Qu'est-ce que tu fais là ? Cette voix. Je la connaissais ! Je tournais la tête et je découvrais Caitlyn. Cela faisait plusieurs semaines que je ne l’avais pas vu. Avec tout ce qui c’était passé dans ma vie, j’avais eu tendance à la négliger. « Cait’ ! Quelle surprise ! » Ce que je faisais là ? Bonne question. J’y avais été sans réfléchir. Je n’avais rien à perdre, alors autant tout balancé. « Comme tu le vois, je suis venue décompresser. J’ai passé une sale journée et toi ? » J’avais passé l’après-midi entière pour parler de l’entreprise avec mon père et mon grand-père. Même au repos forcé, il avait trouvé le moyen d’organiser une réunion de travail dans sa chambre. Pauvre infirmière !

Je ne m'étais pas trompé, la personne assise à côté de moi au bar n'était autre que Calvin. Je ne l'avais pas vu et ce depuis tellement de temps et il fallait que nos retrouvailles se fassent dans un bar. J'avais la sensation d'avoir gâcher notre amitié depuis le bal car depuis cette nuit là, tout était différent, il était différent envers moi. Ça me fendait le cœur mais je ne pouvais rien faire pour arranger les choses. Disons que pour le moment, je n'en avais pas la force vu la phase par laquelle je passais. Il avait l'air tout autant surpris que moi de me voir. Je souriais rapidement, en signe de politesse on va dire. Puis je tournais la tête écoutant ce qu'il me disait. Il venait pour décompresser après une sale journée. A ce que je sache, certains étudiants poussent à bout mais pas au point d'avoir de boire et d'être dans l'état dans lequel il se trouvait. J'étais un peu surprise. Je lutte contre mes anciens démons ! Je posais ma main sur la sienne, poussant par la même occasion son verre sur le côté pour qu'il se concentre sur moi, sur notre discussion et pas sur la boisson. Raconte, qu'est-ce qui t'arrive ! Je me voulais réconfortante avec lui et rien de plus. Il avait été là par le passé quand ça n'allait pas malgré ce qui avait pu se passer entre lui et moi alors je voulais en faire de même avec lui même si en y repensant, pendant ma phase la plus sombre, pendant que je pensais au suicide, il avait totalement disparu. Mais je ne suis pas rancunière, du moins, ça dépends de la personne mais sinon je ne le suis pas. Alors je voulais être la pour lui et savoir ce qui n'allait pas avec lui, ce qui n'allait pas dans sa vie. Car s'il avait besoin de boire, c'est que tout ça n'avait absolument rien de bon, au contraire.

Je lutte contre mes anciens démons ! Ses vieux démons ? « Tu vois, je suis incapable de savoir ce que sont tes vieux démons. Je suis vraiment un mauvais ami. » C’était le cas de le dire. Depuis, le bal de promo, je l’avais inconsciemment mis de côté, alors que je ne le voulais pas. J’avais déjà oublié tout ça. Je tenais à elle et je ne voulais pas la perdre à cause de ça. Raconte, qu'est-ce qui t'arrive ! Caitlyn poussait mon verre sur le côté. Je ne protestais même pas. A quoi bon ? « Y a rien à raconter. » J’étais catégorique. Je n’avais pas été là pour elle, alors pourquoi elle me ferait cette faveur ? J’allais perdre ce que j’aimais faire le plus au monde. Tout ça, parce que mon grand-père avait fait une attaque. « Tu devrais rentrer chez toi et te reposer. » Je reprenais mon verre et le finissait. Je n’aimais pas le gachis. Mes problèmes n’étaient pas vraiment graves. J’avais juste l’impression que le vieux avait ce qu’il avait toujours voulu pour moi. Comme si tout était calculé à l’avance. Puis, il y avait Milena. Elle était bizarre ses derniers temps. Etait-ce à cause de sa demi-sœur ? Est-ce que sa maladie avait empiré et elle me le cachait ? L’autre fois, elle avait vomit et m’avait dit que c’était à cause d’un nouveau traitement. Elle ne m’avait pas prévenu et tout ça ne lui ressemblait pas.

Il n'avait pas tord. Il ne savait pas ce que je voulais dire par "mes anciens démons" car il avait disparu de ma vie à ce moment là, au moment où j'avais complètement sombré. Je lui avais envoyé un message auquel il n'avait jamais répondu. J'aurai pu m'en aller en repensant à ça ou boire un coup comme je l'aurai fait auparavant, mais non, je préférais pardonner et faire comme si de rien n'était. Idiot ! Dans un bar, à ton avis quels sont mes anciens démons ! Je souriais, tandis qu'il reprenait son verre afin de le terminer. J'aurai essayé au moins.
Sur un ton bien froid, il me répondit qu'il n'y avait rien à raconter. Bizarrement, je n'arrivais pas à le croire. Je ne voulais pas le croire. Me prends pas pour une idiote ! Puis le fait qu'il change de sujet et me conseil de rentrer chez moi m'énerva un peu. Je n'étais pas une enfant et surtout, je n'étais pas son enfant. Il n'avait aucun conseil ou ordre de ce genre à me donner, surtout quand on sait qu'au moment où j'avais vraiment besoin de ses conseils, il n'était pas là. Je n'arrêtais pas d'y penser et pourtant, je n'avais pas envie de lui balancer tout ça en pleine figure, alors que je pourrai le faire, Je n'ai rien fait de la journée, je ne suis plus malade, je ne suis pas mourante et je ne suis pas fatiguée alors je n'irai nulle part. Maintenant, raconte et évite pas le sujet ! Appart le soir du bal où je m'en étais prise à lui, mais ça ne comptait pas vraiment vu que je n'étais pas moi-même, c'était pas la première fois que je m'énervais contre lui, que je haussais la voix.

Idiot ! Dans un bar, à ton avis quels sont mes anciens démons ! Je me tournais vers elle. Je ne laissais rien paraître, mais j’étais choqué. Elle ne m’avait jamais dit pour ses problèmes d’alcool. En même temps, j’avais disparus de la circulation pendant un certain temps, mais tout de même ! Elle aurait pu m’appeler ou je ne sais pas. Quoi que ça ne devait pas être évident d’en parler. « Pourquoi l’alcool, qu’est-ce qui s’est passé ? » Qu’est-ce que j’avais loupé ? Je me sentais tellement con à ce moment-là. Me prends pas pour une idiote ! Loupé. J’aurais préféré qu’elle me laisse seul à ce bar. Surtout que je n’étais pas d’humeur. Ce qui voulait dire, que je pouvais être extrêmement mauvais et blessant. Je levais la main et demandais un autre verre. Bon, je me sentais légèrement mal à l’aise à cause de ce qu’elle venait de me dire, mais en même temps, on était dans un bar pour boire. Alors, qu’est-ce qu’elle faisait là. « Pourquoi tu es ici en fait ? » J’attrapais le verre que me donnait le barman et en buvait une gorgée. Puis, je m’amusais à faire tournoyer l’alcool dans le verre. Je n'ai rien fait de la journée, je ne suis plus malade, je ne suis pas mourante et je ne suis pas fatiguée alors je n'irai nulle part. Maintenant, raconte et évite pas le sujet ! Mourante ?! Comment ça mourante ?! J’avais loupé tant de chose que ça ? « Mourante, comment ça ? Pourquoi est-ce que tu ne m’as rien dit ? » Je déviais légèrement la conversation, mais ce n’était pas volontaire. D’un autre côté, j’aurais été idiot de dire que cela ne m’arrangeait pas.

Mentalement, était-il réellement à Cambridge dernièrement ? Non parce que là je commençais à me poser certaines questions. J'avais du mal à comprendre. Je haussais les épaules tout en répondant à sa question. Que s'est-il passé ? Disons que j'ai commencé par l'alcoolisme, que j'ai sombré dans la dépression et que j'ai fini par une tentative de suicide mais je suis là à présent ! Il me questionnait et faisait mine de ne pas entendre mes questions. C'était un peu énervant mais je ne montrais rien, pas tout de suite. J'essayais d'être l'amie attentive et présente que j'étais avant. Je suis là parce que ma cinglée de psy m'a dit de combattre le mal par le mal ... en gros quoi ! Il y a mieux comme conseil mais je tentais de l'écouter quand même. On ne sait jamais, peut-être que ses conseils très étranges allaient réellement m'aider à m'en sortir. Je roulais des yeux quand au lieu de répondre à ma question et de me dire ce qui n'allait pas, il me questionna une fois de plus. Je pris le verre qu'il avait en main avant de le poser derrière moi assez violemment. Il buvait comme un trou et évitait absolument toutes mes questions et ça avait pour effet de me mettre hors de moi. Calvin, j'ai tenté de me suicider. Je t'ai envoyé un message où je te disais Adieu, je n'ai pas eu de réponse de ta part, ni avant, ni après, ni maintenant ! Les seules personnes présentes pour moi à ce moment étaient Andy et Carli ! J'étais vraiment énervée en parlant de tout ça mais je parlais calmement, du moins, j'essayais, Raconte !

Que s'est-il passé ? Disons que j'ai commencé par l'alcoolisme, que j'ai sombré dans la dépression et que j'ai fini par une tentative de suicide mais je suis là à présent ! Quoi ?! Je n’en avais eu aucune idée. Je suis là parce que ma cinglée de psy m'a dit de combattre le mal par le mal ... en gros quoi ! Une psy ? Ce qu’elle venait de dire avait du mal à prendre forme dans mon cerveau. Mes neurones étaient grillés à cause de l’alcool et je ne savais pas quoi lui répondre. Violement, elle m’arrachait le verre et l’éloignait de moi. Calvin, j'ai tenté de me suicider. Je t'ai envoyé un message où je te disais Adieu, je n'ai pas eu de réponse de ta part, ni avant, ni après, ni maintenant ! Les seules personnes présentes pour moi à ce moment étaient Andy et Carli ! La violence de ses mots eu le don de me réveiller. Elle avait voulu se tuer et me l’avait dit par sms ? Hein ?! Je n’avais reçus aucun sms. Il faut dire que je ne regardais jamais mon téléphone et ma messagerie automatique avait sans doute supprimé le message. Je tournais ma tête vers elle. « Je n’étais pas souvent sur mon téléphone. Ma messagerie a dû le supprimé… mais t’es complètement FOLLE ! » Je m’étais exclamé d’un seul coup. Certaines personnes nous jetaient un coup d’œil, mais mon regard avait suffi à les faire fuir. « Si, je l’avais sût, je serais venu te voir. Crois-tu que je sois aussi ingrat ? » En plus de ça, elle exigeait que je lui raconte ce qui n’allait pas : Raconte ! Elle manquait pas de toupet ! D’une certaine manière, je lui devais au moins ça. « Mon grand-père a eu une attaque. Il va mieux, mais son absence au sein de l’entreprise risque d’affaiblir notre activité. Je vais sans doute devoir quitter mon poste à Harvard et… » J’hésitais. Je ne pouvais pas lui parler de Milena. Je lui avais fait suffisamment de mal. « …et je n’ai pas envie… » Voilà, c’était mieux.

A en juger par sa réaction, il se réveillait enfin. Puis il me traitait de folle. Si j'étais vraiment folle, en l'entendant me dire ça aussi fort et publiquement, je l'aurai certainement giflé. Je ne suis pas folle, j'étais folle ! Apparemment, s'il aurait été au courant de ma tentative de suicide, il serait me voir. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais beaucoup de mal à croire en ses belles paroles. Ça faisait tellement longtemps qu'il n'était plus présent alors comment croire en ça. Je sais pas, ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu ! Tu as pu changer entre temps ! Je disais ça sous la colère, je ne le pensais pas réellement. Je savais qu'il n'était pas comme ça même si dernièrement, il me prouvait le contraire. Et je ne sais pas quel procédé, il se décida enfin à tout me raconter. Je l'écoutais jusqu'à la fin mais justement, cette fin fut pour le moins étrange. Ce n'était pas ce qu'il voulait dire sinon il n'aurait pas autant hésité. Désolée pour ton grand-père mais me prends pas pour une idiote, et quoi ? Et je n'ai pas envie ? Non sérieusement, tu me crois vraiment aussi bête que ça pour avaler de tels bobards. J'attendais donc qu'il me dise la vraie fin de sa phrase. Il me connaissait très bien et savait donc que j'étais très têtue et que je n'allai pas lâcher l'affaire jusqu'à ce qu'il parle et énervée comme je l'étais, c'était pire.

Je ne suis pas folle, j'étais folle ! Il fallait prendre en compte que j’avais bu et que je ne me contrôlais pas forcément. Néanmoins, Caitlyn arrivait à me calmer. Je n’avais pas été auprès d’elle et cela me donnait une raison de plus de m’en vouloir. Je n’avais pas vu son sms. Si je l’avais vu, je serais allé la voir. Je ne l’aurais pas laissé comme ça. Je sais pas, ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu ! Tu as pu changer entre temps ! Elle ne me croyais pas. C’était compréhensible. Depuis le bal de promo, un petit fossé c’était creusé entre nous. Pourtant, je ne voulais qu’une chose : récupérer notre complicité. « Crois-moi, je ne l’avais pas vu. Je ne t’aurais pas laissé… j’sais que nos rapports ont changés depuis le bal, mais…j’aimerais me rattraper… » Le fait qu’elle me dise ses problèmes m’avait donné un électrochoc. A présent, je récupérais avec peine ma lucidité. Peut-être que c’est une occasion pour nous de dire ce que l’on pensait vraiment et de creuser l’abcès qui c’était créé au bal de promo. Enfin, j’avais finis par lui dire ce qui n’allait pas. Seulement, Caitlyn n’était pas dupe. Elle savait que je ne lui avais pas tout dit. Désolée pour ton grand-père mais me prends pas pour une idiote, et quoi ? Je ne voulais pas la blesser avec Milena. Elle était sans doute passée à autre chose, mais je lui avais quand même fait du mal. J’avais peur de rouvrir des vieilles plaies. Pourtant, je sentais que je n’aurais pas le choix. Elle n’allait pas me laisser tranquille. « Si tu y tiens… c’est Milena… je la trouve bizarre ces derniers temps… » Je marquais une pause avant de lever mon regard vers elle. « Je ne sais même pas pourquoi je te parle de ça… »