« Aerith, toutes les maîtresses prononçaient mal son prénom à l'école, et même quand nous n'avions que 6 ans, elle protestait en criant que ça se prononçait "hey-riss", et qu'il fallait être un "gland pour ne pas le deviner". Bien souvent les professeurs la dénigraient à cause de sa double nationalité, faisaient exprès de mal prononcer son nom ou son prénom. Une vraie forte tête, mais en même temps, particulièrement patiente : A chaque fois, elle corrigeait, et jamais, jamais elle n'a laissé couler en silence, elle a toujours tenu à ce qu'on respecte son nom. »
Marine, une camarade de classe de Paris.
« Aerith ? Je crois que c'est la fille la plus caractérielle qui soit. Elle a des airs mystérieux et doux, avec ses grands yeux noirs et ses cheveux bruns, mais dès que quelque chose la contrarie, elle devient la nana la plus agressive qui soit. Une fois, parce qu'un des collègues a dit du mal de son oncle devant elle, sans savoir qui elle était, elle s'est gentiment levée de sa chaise et a renversé son café sur le mec. Dix sept ans à l'époque la petite ! Et je pense qu'à 24 ans, elle est presque pire, surtout en suivant les études de criminologie. On dit de son oncle qu'il est impassible, eh bien, Hellington au féminin, c'est la même ! »
Un collègue de monsieur Hellington à la police scientifique de Londres.
« Faut pas croire ce que disent les gens de Aerith.. Ils disent qu'elle est insensible, fausse, mais je la connais depuis son arrivée à Cambridge, alors qu'elle n'avait que 19 ans. Quand on perce sa carapace elle est douce, curieuse, protectrice et dévouée. Elle est très intelligente, mais ça, c'est de naissance, elle a une mémoire photographique énorme, une mémoire eidétique. Je sais que parfois elle s'en passerait bien, et je la comprend.. »
Une camarade de l'université.
La femme referme son dossier en entendant frapper à la porte, et le range soigneusement pour que sa patiente évite de le voir. Alors qu'elle donne son accord pour la laisser entrer, une jeune femme brune pénètre dans la pièce d'une démarche aérienne, soigneusement coiffée, habillée, et perchée sur des talons fins.
« Bonjour, mademoiselle Hellington. Dit-alors la femme dans un français maladroit à l'adresse de la jeune fille. Celle ci hausse les épaules.
- Bonsoir serait plus adéquat, en France on dit bonsoir quand la nuit approche. Et vous n'avez pas à faire d'efforts pour moi je ne suis qu'à demi française. Elle tire la chaise et lance un regard à la femme plus âgée, attendant son accord pour qu'elle puisse s'asseoir. Elle hoche la tête, et Aerith s'installe calmement.
- J'ai appris que vous étiez à moitié française en effet alors je fais quelques efforts, d'où vient votre nom ? Liberty hausse les épaules et soupire. Comme si elle ne savait pas déjà tout ça. D'une voix claire, elle s'exprime cependant.
- Mon père est .. Était anglais, le nom de ma mère est Sophie Beaumont. Authentiquement français, même si elle a fait ses études à l'université de Cambridge, en Grande Bretagne. C'est là qu'elle a rencontré mon père. - Vous vous êtes corrigé en parlant de votre père .. Est ce que.. Aerith la coupe brusquement en levant les yeux au ciel, de plus en plus agacée.
- Oui il est mort. Ma mère aussi. Et vous le savez très bien, vous êtes la psy de la police criminelle où travaille le frère de mon père. La psychologue écarquille un court instant les yeux, et reprend son calme.
- Et c'est mon boulot de te laisser parler, où serait l'intérêt si je déballais ta vie devant toi, Aerith ? La jeune femme se tait un court moment, avant de déclarer d'un ton neutre.
- Vous avez raison. La séance reprend alors.
- Parlez moi un peu de vous, de votre histoire. Aerith ferme les yeux, et part dans ses souvenirs les plus profonds, ceux qu'elle voudrait parfois oublier pour que les choses soient plus simples.
Aerith est née à Paris, en 1988. A un an près elle aurait pu voir le jour à Cambridge, en Angleterre, ses parents venaient de finir leurs études quand sa mère, Sophie, est tombée enceinte. C'était un véritable coup de foudre entre eux, sa mère, la belle étudiante en psychologie, et son père, futur profiler de renom, qui était en criminologie évidemment, tout comme Aerith l'est aujourd'hui. Ils sont sortis ensemble à la fin de leur première année d'études, à la 5ème, ils se sont fiancés, et quand Sophie Beaumont a appris sa grossesse, ils se sont marié, et ont emménagé à Paris, pour s'occuper de leur fille. Elle n'aurait pas pu rêver d'une meilleure enfance... Jusqu'à ses 8 ans, elle vécu donc à Paris, en apprenant la langue française sur le bout des doigts. Dotée d'une mémoire eidétique, autrement appelée mémoire photographique, elle retenait chaque mot de chaque livre qu'elle lisait, et à l'adolescence elle était déjà en mesure de citer tout un tas d'auteurs, francophones comme anglophones. C'est pour permettre à son père de se rapprocher de son frère, profiler également, que la famille a emménagé à Londres alors qu'Aerith avait huit ans. Même avec son boulot, son père faisait en sorte de toujours être auprès de la petite brune au maximum, il l'appelait quand il devait se rendre dans d'autres pays pour des affaires importantes, mais il restait au maximum en Grande Bretagne. En emménageant à Londres, elle s'est également donc rapproché de son oncle, plus jeune que son père, et profiler. Il aimait dire d'Aerith qu'elle suivrait le côté anglais de sa famille, qu'elle avait le profilage dans le sang, toujours vivace, curieuse, passionnée. Sa mère, elle, était constamment avec elle, une façon de compenser le vide que créait son père lors de ses enquêtes, parfois particulièrement longues... Et pour cause. Elle ne l'a appris qu'après ... Après tout ça. Si son père voyageait beaucoup, c'est parce qu'il avait infiltré un gang mafieux italien. Meurtres, trafics de drogue, attentats ... S'il les coinçait, il décrochait le gros lot, et s'il échouait .. Il risquait gros. Et un type a fini par le démasquer, en 2004. Liberty avait alors 15 ans. Il l'a dénoncé, le chef l'a suivit jusque Londres, jusque la maison des Hellington, et n'a pas hésité à tirer. Sur sa mère, puis son père. Histoire de bien le faire souffrir avant de l'achever. Par chance, Aerith avait appris beaucoup grace à son père et son oncle, elle parvint alors à se cacher dans un placard, dans le salon. C'est comme ça qu'elle a évité de se faire également assassiner froidement.Retour dans ce bureau de Londres, ou Aerith suspend son récit dans lequel elle s'est peut-être un peu trop plongé. Ses mains sont crispées sur sa robe, mais son air est resté neutre. La psy fronça les sourcils, attendant la suite.
- Ils ne vous ont pas cherché ? Aerith continua de répondre d'une voix de plus en plus neutre, bien qu'en vérité elle soit agitée.
- Évidemment, sauf qu'ils ne se doutaient pas que j'étais juste à côté en train de tout regarder. Ils ont directement été dans ma chambre, ça m'a amplement laissé le temps de trouver l'arme de mon père dans son tiroir, j'ai même eu le temps de la charger. Ils ne savaient pas que je savais tout de son métier et qu'il m'a appris à manier les armes. La psy déclara alors d'un air solennel.
- Et vous avez tiré... Aerith redresse son regard sombre vers son interlocutrice, puis hausse les épaules d'un air tout à fait indifférent.
- Va-t-on m'en blâmer ? J'étais en danger de mort, j'ai abattu un criminel recherché par pure légitime défense, pour sauver ma vie. - Et venger vos parents. Les yeux de la jeune franco-anglaise commencèrent à la brûler, et elle cligna plusieurs fois d'affilée les yeux pour retirer les larmes qui lui brouillaient la vue.
- Aussi. - C'est ce qui vous a engagé à suivre la voie de votre père ...? La brunette hoche la tête.
- J'avais quinze ans, et j'avais tué un homme. Qui plus est le chef d'un groupe terroriste mondialement cherché. Immédiatement, mon oncle, profiler dans la police criminelle de Londres - votre collègue - est venu me chercher pour me protéger. Tout le monde parlait de moi comme la pauvre petite adolescente qui venait de perdre son père. Tout ce que je voulais c'était qu'on me foute la paix, et ça, mon oncle seul l'a compris. Il m'a directement considéré comme une femme et non pas comme une enfant. Au lieu de retirer l'arme dans mes mains, il l'a mise dans ma poche. Il savait sans que je lui dise que je comptais suivre ses traces et celles de mon père. - C'est pour ça que vous êtes donc maintenant à Cambridge. Elle soupire.
- Ouip, criminologie, option profilage, septième année, vous connaissez déjà tout le blabla. La psy arque les sourcils, en croisant les jambes.
- Pourquoi Harvard ? Aerith pince les lèvres et baisse les yeux, pensive.
- J'avais besoin d'air, et l'Angleterre m'étouffait. L'Europe, m'étouffait. Alors quand la plus grande université des Etats Unis a accepté mon dossier à la fin de ma sixième année à l'université anglaise de Cambridge, je n'ai pas hésité. Oui.. S'éloigner de la Grande Bretagne lui avait été bénéfique, elle ne voyait plus ça comme une punition de se rendre à Londres désormais, comme aujourd'hui, pour voir son oncle. La psychologue referme son carnet, et regarde la jeune femme avec intérêt.
- Et vous n'avez pas peur des autres, ceux qui étaient avec l'homme que vous avez tué ? Le visage d'Aerith se ferme.
- Absolument pas. Je les attend même de pied ferme s'ils veulent me supprimer. Et s'ils ne viennent pas, une fois diplômée, j'irais les chercher, je me battrais bec et ongles pour qu'on me donne un jour le dossier. C'est principalement eux qui m'ont donné envie de faire ce métier.. Alors pourquoi ne pas les remercier ?