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Alea Jacta Est - K. B. Reagan

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Ce qu'il y a de plus beau dans les cimetières,
Ce sont les mauvaises herbes.



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Alea Jacta Est

    La nuit n'était pas encore tombée, mais le ciel était déjà obscur, alourdi d'épais nuages noirs. Le soleil était invisible, ses rayons ne perçaient pas la carapace brumeuse. Véritable cathédrale qui se ramassait, cumulus bas sur l'horizon qui écrasaient, sous leurs lourdes nuées, toutes présences. L'air était électrique, presque statique ; même le vent s'était tut et l'atmosphère, immobile, semblait attendre. Seule la brève luminosité d'un éclair, au loin, semblait rompre la parfaite inertie qui régnait sur le cimetière. Les minutes qui précèdent l'orage sont toujours les plus intenses. Un frisson descendit le long de son échine lorsque le tonnerre gronda pour la première fois. Un éclat sombre s'alluma au fond de ses prunelles et elle releva les yeux de ses pensées pour fixer l'amas de nuages qui se déchirait au-dessus d'elle. Ses lèvres se relevèrent en une esquisse de sourire, rictus plus proche de la grimace que d'une quelconque émotion joyeuse. Elle aimait l'orage, elle le ressentait dans ses entrailles comme un besoin ; mais les secondes qui le précédait n'en étaient que plus appréciables.

    Un nouveau coup de tonnerre fit vibrer l'atmosphère, indiquant clairement que la perturbation approchait. Opium inclina la tête sur le côté, avant de repartir d'une démarche lente et calculée, se glissant silencieusement entre les caveaux. Quelques tombes, voilà qui allait rehausser un peu son humeur. Fascination morbide pour les cimetières, l'idée de mort si proche la faisait sourire. Elle fréquentait volontiers ces lieux souvent apparentés aux gothiques, mais de toute façon, les classifications par groupe l'insupportaient puisqu'elle ne se considérait proche d'aucun. Bref. Une plaque de marbre sembla lui convenir puisqu'elle finit par s'asseoir sur une tombe, froissant les pans de sa jupe. Prenant appui sur la croix, elle balaya d'un regard hautain l'étendue mortuaire, où les sanctuaires de pierres abîmés semblaient le seul horizon. Pas un mouvement, juste un silence pesant, parfois déchiré par le tonnerre, mais aucune trace de présence humaine. Encore heureux, elle n'était pas d'humeur.

    Immobilité parfaite, corps roide, figé dans une inactivité presque sclérosée. Combien de temps, combien d’heures ou de minutes à attendre, sans un frémissement, sans un mouvement ? Elle serait incapable de le dire ; une préoccupation aussi bassement matérielle que l’écoulement du temps ne la concernait pas. Adossée à un grand crucifix sale, la tête haute mais les yeux baissés, noyée dans une obscurité épaisse et gluante, Opium observait. Les bras croisés comme un supplicié dans son cercueil, partageant avec ce mort une rigidité cadavérique qui blanchissait ses articulations. Mais aucune faiblesse dans ce maintien, l’habitude rodée d’ignorer les sollicitations de ses membres fatigués par cette immobilité absolue. Et le ciel se creva, laissant se déverser des trombes d'eau de ses entrailles. Et sous ce signal, la nature revit. Le vent glacial se leva, faisant plier les herbes hautes et craquer les branches torturées d'un vif souffle solitaire. Les fleurs déposées en offrandes roulèrent des tombes pour s'écraser au sol, l'odeur acre de la terre mouillée s'éleva lentement.

    Fermant les yeux, Opium laissa l'eau dégouliner sur son visage, détrempant ses cheveux et faisant couler le maquillage, créant d'épaisse traînées noirâtres sur ses joues et ses lèvres entre ouvertes. Ses vêtements n'avaient pas soutenus le déluge et le corset dégouttait de l'eau sombre tandis que la jupe - longue - traînait par terre se teintant lentement d'une couleur de boue. Elle n'apparaissait certes pas sous son meilleur jour, mais la blonde n'en avait rien à faire, t'façon, elle n'avait rien à prouver. Elle pianotait sur le marbre froid une cadence proche de celle du battement d'un cœur, ses ongles longs crissant sur la pierre, la gueule renversée vers un ciel qui dégueulait des litres d'eau. En fait, on pourrait bien se demander ce qu'elle foutait là, mais il n'y avait rien à comprendre. Complètement absorbée par l'orage, elle était indifférente à toute autre pensée. Bah, pour une fois qu'elle est apaisée...

    Ce ne fut pas un bruit, pas un mouvement qui l'averti de l'approche de quelqu'un. Les yeux fermés, le tonnerre grondant dans ses oreilles, elle aurait été incapable de percevoir quoi que ce soit. Ce fut plutôt une impression, un ressenti qui lui fit ouvrir paresseusement un œil. Une goutte d'eau bien placée lui fit refermer immédiatement, d'ailleurs. Laissant échapper un grognement agacé pour exprimer son mécontentement, elle se redressa, quittant la nonchalance de son affalement pour s'adosser correctement à la haute croix. C'est après ce difficile effort que de faire glisser ses jambes à terre et de relever la tête qu'elle put voir qu'on lui faisait effectivement face. Sa première réaction fut de hausser un sourcil, la seconde de le froncer. Qu'est ce qu'elle foutait là, cette personne ?
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J'avais retiré mes gants en cuir par politesse, dans le but de caresser la terre fraîchement retournée que couvrait le corps inerte d'une jeune femme décédée il y a peu. De nombreux bouquets ornaient le pied de ce qui serait bientôt recouvert par le marbre, aussi pathétiques qu'ils puissent être, de couleurs dont la défunte ne verrait jamais. Déposant à mon tour une fleur, je sentis ma main trembler lorsque je déposais la rose rouge sur la terre molle. Accompagnée d'un parapluie bleu marine, je me protégeais d'une pluie qui rendait le sol si boueux que mes talons hauts s'enfonçaient dans l'herbe, je n'allais pas tarder à rentrer. « Je... ne sais pas quoi te dire. » Quel cliché. Parler aux morts. Comme s'ils nous entendaient, en admettant qu'il y ait une vie après la mort, que nous puissions tous nous retrouver un jour quoi qu'il advienne. « Je n'vais pas te dire que j'suis désolé parce c'est pas le cas. J'suis en colère. C'est tout ce que je ressens. » Je fermais quelques secondes les yeux, me remémorant le matin même ou je l'avais vue, pimpante et sourire, insouciante. Comme aurait-elle pu savoir que ce jour serait le dernier, qu'elle finira par décéder après une collision en voiture en compagnie d'Apple. Je me relevais, décidant qu'il était temps pour moi de partir. Je n'avais rien à lui dire, j'avais simplement ressenti le besoin de lui rendre visite, par respect, afin qu'elle sache qu'on ne l'oublierait pas de si tôt et que sa perte nous obsédait toujours, qu'importe nos problèmes. Coraleen méritait un tant soi peu de considération, ce que je m'étais efforcée de lui donner en venant déposer sur sa tombe une fleur cueillie à son attention et non pas un bouquet acheté en magasin, semblable à une dizaine d'autres.

Rebroussant chemin, je tentais, tant bien que mal de ne pas m'enfoncer dans la boue, regagnant le sentier, évoluant entre les allées aussi lugubres que sinueuses du cimetière. De nombreuses pierres tombales effritées effaçaient par les ravages du temps le nom des personnes qu'elles abritaient, comme pour les aider à sombrer dans l'oubli, dans un ultime affront. Le tonnerre vint me surprendre, me pressant à sortir d'ici afin de prendre le volant et de regagner le campus. Seul le bruit de mes Louboutins claquaient sur le sol, je serrais la ceinture de mon trench beige pour me protéger un peu plus du froid, regrettant de n'avoir enfilé sous mon léger manteau qu'un petit pull en coll V. Ça n'aurait pas pu être pire si le vent n'était pas venu s'engouffrer sous l'amas de cumulus grisâtres que formait le ciel, voulant à tout prix emporter mon parapluie, manquant de le retourner à plusieurs reprises. Lorsque celui-ci me laissa un peu de répit, l'averse reprit de plus belle et le bruit de mes pas me semblait être un lointain souvenir.

Quelque chose au loin m'interpella, comme une tâche sombre collée à une croix. Un instant, je cru être témoin d'une divine apparition, ce qui remit derechef mon athéisme en cause. Clignant des yeux, je constatais que non seulement cette tâche restait bel et bien à l'endroit ou je l'avais vue mais qu'elle semblait également bouger, de quelques mouvements presque imperceptible au premier regard mais évidents aux seconds. Je contournais le sentier pour venir voir d'un peu plus près ce qui se passait, trop curieuse pour passer outre. Lorsque je m'approchais, je compris alors qu'il ne s'agissait nullement d'une apparition mais d'une personne dont les cheveux humides me firent arquer les sourcils. Peut-être se cachait-elle de la pluie ? Il s'agissait d'une femme dont le maquillage avait coulé et dont la jupe longue était aussi sale que boueuse, traînant par terre. Si elle ne m'avait pas fait autant de peine, je l'aurais probablement ignorée. « Excusez-moi, vous avez besoin d'aide ? » Demandais-je en désignant mon parapluie, présumant qu'elle cherchait ou et comment s'abriter.
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Plantez-moi un saule au cimetière.
Que j'aie au moins quelqu'un pour pleurer sur ma tombe.



    La nuit tomba doucement et son œil de cyclope, unique, accroché au milieu de ce grand rideau de velours qu'est le ciel nocturne, se leva, invisible derrière les nuages sombres qui se tordaient, se déchiraient, se morcelaient, se crevaient. Opium était là depuis longtemps, en ouvrant l’œil, elle avait vu ce corps lymphatique qui se dressait face à elle. Pourquoi cet intérêt vers cette loque faible dont les talons s’enfonçaient dans la boue ? Peut-être le contre-coup d’une journée ennuyante, le besoin de fixer son attention sur quelque chose, aussi lamentable soit cette chose. Alors se figeant, Opium avait posé les yeux vers la jeune femme, la couvant de ce regard indéfinissable, viscéralement angoissant, ses yeux marrons orangés aux reflets glacés moiraient doucement sous la mince lueur d'une lune cachée par une brume épaisse et poisseuse, visqueuse et grise. Une lueur démoniaque, incassable dans ses yeux semblait tout brûler sur son passage. Et le ciel, jusqu'ici sombre, noyé dans une obscurité épaisse et pâteuse s'éveilla précipitamment. Un éclair rapide, intense, transperçant et déchirant frappa le sol, faisant part de sa place et de sa présence. Ce fut dans un grondement assourdissant du tonnerre qu'une voix rocailleuse se fit entendre. Un son grinçant, strident qui lui faisait mal aux oreilles : « Excusez-moi, vous avez besoin d'aide ? ».

    Ses lèvres s’étirèrent en un rictus de prédateur et elle cala la nuque contre le dossier, reluquant avec un air malsain la jeune femme qui était là. Le regard méprisant et moqueur, fixe et appuyé, visiblement dans le but de mettre mal à l’aise. Malgré son air nonchalant et indifférent, Opium ne lâchait pas l'autre du regard, étudiant ses réactions, essayant d'en déduire son caractère. Ce n'était certes pas gagné derrière l'épaisseur du rideau de pluie, mais elle voulait se faire une idée de la personne se trouvant face à elle. Cette fois, ce fut un franc sourire qui passa sur le visage d'Opium, mais le genre de sourire mauvais qui présageait les ennuis. Et elle n’avait pas bougé, effrayante d’une immobilité mortuaire.

    Observation silencieuse détaillant l’autre avec une relative méfiance. Le cadre n’était guère adapté aux rencontres amicales, un cimetière suintant la moisissure par tous ses pores, un ciel d’orage qui obstruait la lumière. Une ambiance plutôt glauque, pesante. Tout à fait le genre d’atmosphère dans laquelle Opium se sentait à l’aise, presque dans son élément. Environnement oppressant qui déstabilisait la plupart des gens, en lui laissant l’avantage, en la laissant savourer discrètement leur confusion. Néanmoins, l’inconnue ne semblait pas de cette espèce. Elle maîtrisait ses émotions et, son visage, après une froide détresse, avait repris un masque inexpressif qui laissait douter de ce qu’elle ressentait vraiment. Un air malsain scotché sur la face, Opium continuait de dévisager la jeune femme.

    Immobilité roide poussée à son paroxysme. Ses muscles s’étaient endoloris, noués dans une position qui ne leur était pas naturelle, et maintenant, les premières crampes se faisaient sentir. Elles avaient été longues à venir, la douleur la saisissait souvent plus tôt, parfois plus tard. Ou comment contraindre son corps à nous obéir. Elle ne bougea pas alors qu’une contraction de son mollet lui tira un frisson tandis qu’une souffrance vive lui remonta le long de la jambe, labourant la chair avec méticulosité. Un souffle rauque s’échappa de sa gorge alors qu’elle contracta la cage thoracique et brutalement, elle rompit son immobilité d’un mouvement sur le côté. Chancelante, faisant grincer les baleines maltraitées de son corset, elle se rattrapa à un gros cadre rongé par l’humidité qui émis un craquement lugubre lorsqu’elle pris appui dessus. Le sang se remit à circuler correctement dans ses veines en quelques secondes, rodé par l’habitude des séances d’immobilité et de douleur qu’elle s’infligeait.


    Ah ouais ? Toi, tu pourrais vraiment m'aider ?


    Ironie. Sourire sadique. La question aurait pu être banale ; de la réponse qu'on lui donnerait dépendrai la suite des évènements. Opium se fichait pas mal de ce que ferait l'autre, des buts qu'elle poursuivait et des valeurs qu'elle aurait pu avoir. Le seul intérêt - et tout relatif - concernait la personne elle-même, ce qu'elle était. Elle avait toujours eu une certaine fascination pour la psychologie des gens et rencontrer quelqu'un d'aussi complexe qu'intéressant s'avérait être une faveur pour elle. Certes, la fille ne semblait pas non plus un sujet passionnant mais la question restait à creuser. Et elle la creuserait. Alors, autant qu'elle soit fixée quand à ce qu'elle foutait là, pour enfin percevoir une possible ébauche de leur réciproque tolérance.
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La raideur de mon interlocutrice m'interpella et je fronçais les sourcils par réflexe, comme pour que s'impose à moi la réponse à mes interrogations. Elle ressemblait à une créature inhumaine qui, à force d'étudier les humains finissait par leur ressembler, tout en conservant un maintien et des manies propre à son espèce. Un instant, je me demandais si elle parlait l'anglais et même notre langue. Elle aurait tout aussi bien pu être une sans-abri cherchant un caveau ouvert pour y passer la nuit et s'abriter en toute discrétion, perturbée par la rencontre avec une autre personne. Cette fille représentait à elle seule un mystère, une énigme épuisée d'avoir trop voulu être comprise. Elle était indéchiffrable et son regard impénétrable semblait se protéger par mille et une barrières et je me demandais si elle se protégeait de moi, l'inconnue, ou du reste du monde en général. Je sursautais lorsqu'un craquement rompit le bruit de l'averse et tendis les mains par réflexe lorsque je la vis chanceler. Se rattrapant par elle-même, je les retirais aussitôt, réalisant qu'elle aurait tout aussi bien pu feinter la manœuvre dans le but de m'agresser et pourquoi pas de fouiller dans mon sac pour me voler quelque chose. L'élégance que je portais sur moi par nature s'exprimait aussi par la manière dont je m'habillais et m'accessoirisais, ma richesse se confirmait par le type de carte bancaire que contenait mon portefeuille mais par de larges billets rangés soigneusement dans celui-ci. En volant mon sac lui-même, la jeune femme pourrait faire fortune. Moi non mais elle, si dans le besoin, oui, largement. Afin d'abattre ce cliché, non, ce n'est pas parce que nous sommes riches que nous ne connaissions pas la valeur de l'argent d'un dollar, d'un centime. J'en savais déjà assez pour savoir que l'argent ne tombait pas du ciel et que mon compte en banque ne s'approvisionnait pas tout seul, assez pour savoir ce qu'était la pauvreté pour souhaiter ne jamais la connaître.

Ah ouais ? Toi, tu pourrais vraiment m'aider ? Me répondit-elle d'un ton inexpressif, son visage en totale contradiction avec celui-ci. Comme quoi les mimiques faciales peuvent exprimer beaucoup plus de choses que je ne le fais la voix. Son sourire, je le connaissais entre mille pour l'avoir vu et revu à Harvard, parmi les gosses de riches sans cervelle, aussi ennuyés par la vie que peut l'être un dépressif. J'arquais un sourcil. Il pleuvait des cordes et je m'enfonçais dans la boue, chose que je détestais plus que tout pour être une véritable petite miss précieuse, toujours impeccable jusqu'au bout des ongles. Je n'allais sûrement pas insister pour l'aider. Qu'elle reste sous la pluie avec sa jupe maronnasse et informe coupée dans un vieux rideau, je n'allais pas en mourir, bien au contraire. Néanmoins, je me forçais à insister un peu, je n'étais pas mère Théresa, loin de là, préférant sauver ma peau en premier mais personne n'aime rester sous la pluie comme un sans-abri. Nous étions en hiver et la jeune femme risquait d'attraper mal à rester ici à me toiser dans une rigidité à vous glacer le sang, le regard perçant. « A moins que vous ne préfériez rester sous la pluie. » Je m'avançais d'un pas, ennuyée de devoir hausser la voix pour couvrir le bruit du tonnerre. En m'approchant, je distinguais mieux la jeune femme et découvris de magnifiques yeux bleus verts et une légère fossette au menton. Elle avait beaucoup de charme, ce qui n'était pas évident à découvrir au premier abord dans ses circonstances avec un maquillage noir qui lui avait coulé sur le visage. A mon tour, j'esquissais un sourire, amusée par la jeune femme qui me semblait-il exprimait à quelques reprises une légère animosité envers moi, quelque chose que je ne comprenais pas. J'abandonnais l'idée de le comprendre car se mélangeait à cela de nombreuses autres impressions qui au final n'étaient rien de plus que ce qu'elle me montrait depuis le début : elle était indéchiffrable.
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« Sur le mur d’un cimetière j’ai lu : “Défense de déposer des ordures.”
Pourtant, aucun corbillard ne fait jamais demi-tour ! »



    L’endroit semblait hors du temps. Deux filles silencieuses ; une qui dévisageait l’autre avec l’insistance d’un regard mauvais et l’autre qui se fichait éperdument de ce qui l’entourait. Un cimetière poussiéreux où les tronc d'arbres défoncés côtoyaient les bancs humides dont quelques uns qui menaçaient de craquer lorsqu’on s’appuyait dessus. Une atmosphère lourde, saturée de moisissure et d’humidité ; l’eau qui se faisait bruyante en dégoulinant sur le bois et la lumière sporadique d’un éclair au loin. Lieu pittoresque qu’aucun peintre n’aurait cependant voulu dépeindre. L’orage se déchaînait et chaque coup de tonnerre faisait vibrer les pierres descellées du cimetière. Plusieurs fuites s’étaient déclarées et l’eau dégoulinait le long des tombes, apportant avec elle une odeur âcre de moisissure. La température avait diminué de plusieurs degrés mais ce n’est pas elle qui tira un frisson sur la peau blafarde d'Opium. C’est seulement ce temps, ce déchaînement de la tempête qui lui apportait une jouissance vivisectrice. Les plaisirs de la chair lui étant refusés ces derniers temps, elle se rabattait sur la seule chose qui était encore à sa portée ; la puissance et les ravages d’un orage. Un sourire naquit lentement sur ses lèvres et elle posa ses yeux vers la jeune inconnue. Une discussion aurait pu s’engager, mais aucune des deux ne faisait l’effort nécessaire. Flemme réciproque de gaspiller sa salive pour de vains échanges de paroles. Le temps avait beau jeu de s'étirer, elles ne semblaient pas décidées à le combler. C’était long, c’était lourd et c’était gras.

    Toujours assise sur le marbre, les yeux étincelant de cet orangé empoisonné à chaque éclair, Opium continuait de dévisager la jeune femme. C’était un regard fixe, qui ne cillait pas, pesant et qui avait le don de mettre mal à l’aise les gens lorsqu’ils étaient dans leur état normal. D’un autre côté, il n’y avait dans ceux lieux que cette chose pour retenir son attention, alors pourquoi aurait-elle déplacé son regard ? Elle n’attendait rien de particulier, elle n’attendait même pas. La mesure du temps lui était devenue étrangère. Elle regardait seulement, et sa masse cérébrale tournait à pleine vitesse. Questionnement lancinant et analyses diverses. Rien d’autre à faire de toute façon… A peine plus grande qu'elle, parce qu'elle portait des talons aiguilles, l'autre était juste magnifique. Tout le contraire d'Opium qui, elle, n'est pas belle à proprement parler. Elle avait son charme, à condition d'aimer les putes du siècle dernier maquillées à la truelle, donc, c'est bien ce qu'on dit, elle est à peine mignonne. Si elle avait une quelconque envie de plaire, elle pourrait être à peu près jolie. Mais elle en a rien à foutre du regard des autres, alors, elle garde son apparence agressive et déplaisante. De toute façon, à y voir rapidement, elles ne se ressemblaient en rien, l'autre étant habillée avec classe. Tout l'inverse d'Opium qui défendait avec acharnement les corsets et les jupes fendues jusqu'au cul avec résilles. Elle avait la peau trop parfaite pour ne pas avoir été tartinée de crèmes diverses et avait un aspect vestimentaire trop soigné pour ne pas avoir été étudié durant des heures face au miroir. Elle avait l'air collante et envahissante. Ça va pas être possible... Mais en dehors de ses effets, c'était quelqu'un de mince. Les cheveux oscillant entre le brun et le châtain clair. Au travers de la pluie et dans la sombreté des lieux, elle distinguait des yeux d'un bleu si profond qu'il n'en semblait pas naturel. Mais même après avoir détaillé cette fille qui lui faisait face, la blonde ressentait comme un truc qui la dérangeait dans son apparence. Un élément clé sur lequel elle n'avait pas mis le doigts. Retroussant les lèvres avec dédain, elle se dit alors qu'elle aurait bien le temps de voir ce qui n'allait pas chez cette femme, surtout qu'elle venait de faire quelques pas en sa direction.

    Et vas-y que l'autre la reluquait comme si elle avait trois yeux. Opium avait l'habitude des regards courroucés ou fuyants, mais en général, les gens ne la dévisageait pas avec cet air d'ahurie. A croire que cette jeune femme n'était jamais sortit de son cocon et avait grandit dans un milieu où tout le monde était classe. Et vu sa tronche déconfite à sa façon de lui répondre, tout le monde était gentil avec elle aussi. Désespérant, va falloir qu'elle apprenne la vraie vie, celle-là. Mais cette attitude d'attardée aurait pu passer si l'autre ne s'était pas mise à vouloir insister ne s'était pas mis à vouloir faire la discutions. " « A moins que vous ne préfériez rester sous la pluie. » " Probablement qu'elle se raccrochait à un pathétique espoir. Croire les apparences trompeuses avec Opium était aussi insensé que stupide. Relevant un sourcil méprisant, Opium lui répondit sèchement, usant toujours de cette ironie mordante :


    Rester sous la pluie ? Mais non, bien sûr que non ! C'est vrai que c'est très courant de venir dans un cimetière une nuit d'orage et de rester là sans bouger pendant des heures, la gueule levée vers le ciel, parce qu'on aime pas la pluie.


    L'orage se déchainait toujours plus, tandis que l'éclaire frappait avec puissance. Le craquement s'étira en une plainte aiguë qui refusait de mourir, refusait d'admettre sa défaite. La force du vent sur le tronc avait eu raison de la charpente naturelle vermoulue qui avait fini par céder. Avec indolence d'abord, puis brusquement. Le squelette s'était brisé, son ossature s'effondrant sur elle même en un fracas de bois et de feuilles. L'air s'engouffra dans la brèche avec l'avidité d'un conquérant qui découvre une nouvelle terre, créant alors un bruit indéfinissable. Opium n'avait pas bougé, pas sursauté, pas même cillé. Elle n'avait certes pas senti l'effondrement arriver, mais un pressentiment, une déduction peut-être, l'avait aidé à appréhender le fait. A moins que ce ne soit seulement la maîtrise tellement rodée et parfaite de ses pensées qui n'avait pas laissé se dévoiler le moindre sentiment de surprise. Des émotions contenues, réprimées et dominées. Elle était restée assise sur sa croix, vulgaire planches de bois qui s'étaient résignées à son poids, preuve de leur gémissement lugubre enfin passé. Ses yeux seuls avaient bougés, quittant la silhouette de l'intruse pour glisser vers la branche qui s'effondrait. Elle avait vu, analysé, puis son attention s'était à nouveau reportée vers l'autre fille. Qu'il pleuve dorénavant sur tout son corps ne la dérangeait pas et la bouffée d'humidité qui s'était engouffrée la laissait roide. Un sourire fugace s'était néanmoins dessiné sur ses lèvres. Elle demanda alors d'une voix imperturbable et totalement dénuée d'émotion :


    C'quoi ton nom ?
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La jeune femme semblait s'être maquillée comme un camion volé, ce dont témoignait l'épaisse couche de noir qui dégoulinait de ses paupières, comme si l'encre de ses yeux s'était vidé sous le chagrin. Malgré son visage impassible et dénué d'expression, ses prunelles restaient étonnamment tristes en dépit des faibles esquisses de sourire hypocrite qu'elle me renvoyait en pleine face, non pas pour me provoquer mais parce qu'elles semblaient être l'expression de ses plus profonds sentiments. Un instant, je me demandais si elle était réelle, si j'étais victime d'une mystique apparition, peut-être avais-je affaire à un ange, non pas comme ceux que l'on imagine vêtus de blancs, chaleureux et accueillants. En fin de compte, je l'imaginais plutôt comme un ange déchu, parachuté sur Terre parce qu'on lui aurait coupé ses ailes et qui, par vengeance, chercherait à s'abreuver du mal et de la souffrance d'autrui. Je me surpris à divaguer de la sorte parce qu'aussi réelle qu'elle puisse paraître, j'avais la curieuse impression d'être en face d'une créature qui n'avait rien d'humain. Je n'avais pas pour habitude rencontrer de telles personnes, principalement car je n'étais jamais allée dans les bas fonds d'une quelconque ville, parce que je n'avais côtoyé de vieux bars miteux et que je n'avais jamais mis les pieds dans ne serait-ce qu'un foutu HLM. J'ignorais ce que je faisais là, rester dans un tel lieu comme s'il s'agissait d'une simple visite, à toiser mon interlocutrice sans savoir ce que je cherchais ni ce que j'attendais au final. Au fond, ça m'importait peu qu'elle me suive ou qu'elle m'étudie, elle ne découvrirait rien. J'avais passé ma vie à contrôler l'expression de mes sentiments, à être sous-contrôle. Et puis, je n'avais rien à prouver, à personne et encore moins à elle.

Ses cheveux dégueulasses, trempés et collés contre ses tempes n'avaient pas eu l'air d'avoir connu un coiffeur de ce nom depuis maintes années. Elle me parut soudainement si agressive que j'hésitais à détourner les talons, n'ayant pourtant pas peur de grand chose si ce n'est de mon petit-ami et de son courroux s'il apprenait que je lui avais caché une relation avec une jeune femme, même si elle s'était terminée. Je ne supportais pas la façon dont elle me toisait, comme si elle tentait de me juger, de se faire une opinion de moi rien qu'en étudiant mon apparence. La sienne en revanche était facile à faire. Elle ressemblait à une catin, tout simplement, provocante, agressive et dénuée d'élégance, une fille des bas quartiers tournée vers la prostitution par facilité parce qu'elle était fichtrement incapable de s'assoir sur les bancs de l'école pendant quelques années afin de décrocher un diplôme et d'avoir un métier plus respectable. Elle aimait probablement l'argent facile et les putes dans son genre. Et pute, je ne l'étais, peut-être cela me valait-il un tel dédain dans son regard. « Okay. » Répondis-je en esquissant un sourire, baissant le regard en haussant un sourcil. « Alors j'vais vous laisser. » Répondis-je, arrogante et méprisante à mon tour. Je n'étais pas du genre à chercher les ennuis, préférant la discussion aux mains et me comporter en personne civilisée plutôt que d'agresser quelqu'un mais il ne fallait pas me chercher non plus et ma patience s'était plutôt réduite ces temps-ci, fragilisée par des problèmes personnels auxquels je devais faire face en ce moment, semblant les accumuler comme personne. Ce qu'elle me faisait de la peine à être aussi pathétique cette bonne femme ! Elle ne ressemblait à rien et ne faisait rien pour arranger les choses, de plus, elle n'était ni sympathique, ni agréable. Elle semblait aussi désabusée que sa jupe et son regard perturbant finit par me rendre mal à l'aise. J'ignorais sa question, je n'avais nulle envie de lui dire qui j'étais et ce que je foutais là. Je regretterais probablement ce que j'allais faire mais j'étais si fatiguée et en colère dans ma vie en ce moment que je n'avais plus grand chose à perdre, peut-être voulais-je aussi extérioriser ma colère en envenimant les choses, qui sait. Je m'avançais alors de quelques pas dans sa direction et la regardais comme si elle était littéralement de la merde, ce qui n'était pas très class, bien entendu. « C'est quoi ton problème ? Que tu squattes le cimetière je m'en fous, je vais pas te dénoncer. » Supposant qu'elle était sans abri et qu'elle profitait que certains caveaux soient ouverts pour habiter dedans. « J'suis pas flic. »
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