Le jour-là, je crois que j’ai réveillé tout le quartier. Je me suis mise à sauter sur mon lit, à crier des choses insensées et puis, j’ai dansé, dansé jusqu’à ce que ma mère tape au plafond à l’aide de son balais pour que je me calme. J’ai donc descendu les escaliers quatre à quatre et ma mère n’a pas tardé à me rejoindre dans le hall d’entrée.
« M’man, tu devineras jamais ! » Je restais on ne peut plus sérieuse, essayant de déceler une réaction de sa part mais, elle se contenta d’hausser les épaules en l’attendre d’une réponse.
« Je suis acceptée à Harvard !!! » Ais-je de nouveau crié en sautillant partout telle une enfant de trois ans. Elle a mis un certain temps à réagir et, je ne peux lui en vouloir car elle n’était même pas au courant que j’avais postulé là-bas. J’avais voulu gardé cela secret, seule ma grand-mère était au courant d’ailleurs, je lui avais fait part de mon admission quelques minutes plus tôt alors qu’elle m’avait rejoint dans ma chambre en vue du spectacle que j’avais décidé de leur offrir à toutes les deux.
« Oh ma chérie, je suis tellement fière de toi. D’abord ton frère, ensuite toi, qu’est-ce fait pour mériter des enfants aussi formidables ?! » Se questionna-t-elle, large sourire aux lèvres avant de me serrer dans ses bras. Ma mère était à mes yeux la meilleure mère que l’on puisse avoir, elle avait toujours cru en nous, en nos rêves et nous poussait vers la réussite quoi qu’il advienne.
« J’étais en train de me poser la même question ! » Sifflais-je avant de me mettre à rire. J’étais tellement heureuse que j’en oubliais le plus important. Soudain, je lâchais ma mère pour lui annoncer :
« Je vais appeler Jeno ! Non, non en fait, je vais plutôt lui faire la surprise ! »A la rentrée, comme prévu, je rejoignis Jeno à Harvard, même s’il ne le savait pas encore. Je l’aperçu au loin dans les couloirs et je ne me privais pas le moins du monde pour lui sauter dessus, trop contente de le retrouver ici.
« Devine qui vient te pourrir la vie à Harvard ? » Mon sourire ne fut que s’amplifiait, venir ici avait été comme une évidence pour moi. Si mon frère y était, j’avais le devoir de le suivre parce que dans le fond, je ne pouvais me passer de lui. Je ne lui laissais le temps de répondre et le fixais droit dans les yeux.
« Avoues que t’as la meilleure des petites sœurs au monde, chanceux ! » Passant mon bras autour de ses épaules, j’observais les horizons et continuais mon petit discours comme si je parlais avec un mur, arpentant les couloirs de cette université qui m’était encore inconnue. Je n’avais pas besoin qu’il me réponde après tout, je savais qu’il était heureux que je sois ici, je savais que sa vie était misérable sans sa petite sœur adorée.
« Faut que tu me fasses un rapide briefing ! Les endroits branchés, les gens à fréquenter, les loosers à éviter, les mecs hyper hot et aussi qui tu t’es déjà tapé, même si je suppose que tu vas me sortir toutes les meufs de l’université, histoire que je sois pas larguée tu vois. Parce que bon, je suis une Carpenter, ça serait con que je nuise à ta réputation, même s’il y a très peu de chance vu que je suis super bonne et intelligente en plus de ça ! » Je levais les bras au ciel comme si c’était une évidence, comme si j’étais née pour devenir celle que j’étais aujourd’hui, née pour être une garce prétentieuse. J’accordais des sourires à droite et à gauche à de purs inconnus qui allaient bientôt devenir mes amis, mes ennemis et mes connaissances. J’étais ici pour réussir et rien ni personne ne pouvait se mettre en travers de mon chemin.
« Wahou, t’as bu combien de litres de café toi ce matin ?! » Des tonnes et des tonnes et ce n’était que le commencement d’une nouvelle histoire.
GOODBYE DAD AND HELLO SISTER
C’est en Novembre 2012 que j’appris le décès de mon père. Nous n’avions jamais été très proches et pourtant, cela m’a tout de même blessée or, j’ai appris à intériorité. Jeno était à Harvard à l’époque, quant à moi, je vivais encore à Toronto. J’ai dû affronter cette épreuve seule car ma mère n’arrivait pas en parler et c’était tout à fait logique. Du coup, je m’étais mise à écrire ce que je ressentais, pour me calmer, pour laisser s’échapper toute la haine que j’avais au fond de mon cœur. Vous allez me dire : ‘C’est passé Alex, pourquoi t’en parles encore ?!’ et bien, parce qu’à chaque fois que je la vois, je pense à mon père, je pense à ce qu’il a fait, à ce qu’ils ont fait. Je lui en veux d’avoir trompé ma mère, je lui en veux encore plus d’avoir mené une double vie, d’avoir eu une autre fille avec une autre femme que ma mère. Je la croisais dans les couloirs pour la première fois et pourtant, je savais que c’était elle. Je l’aurais reconnu parmi des milliers. Elle s’est arrêtée devant moi et, je lui ai bêtement souri, ne sachant que dire.
« Je suppose que t’es Septembre ? Jeno m’a parlé de toi ! » Oui car, comme si ce n’était pas assez dur d’apprendre la mort de son géniteur, comme si c’était normal d’apprendre que j’avais une grande sœur quelque part sur cette terre, il avait fallu que Jeno m’annonce au téléphone que cette dernière se trouvait à Harvard, qu’elle s’appelait Septembre et qu’elle était plutôt « cool ». Moi, je ne trouvais pas ça cool d’avoir une sœur, j’avais un frère et ça me suffisait.
« Enchantée de faire ta connaissance Alexys ! » D’accord donc, elle savait qui j’étais également… Normal ! Je n’avais rien contre cette jeune femme en particulier, elle avait l’air gentille, je revoyais seulement mon père en elle, son infidélité et ça, ça me dégoutait.
« Tu peux m’appeler Alex, je crois que ma mère voulait deux garçons ! » Nouveau sourire un peu plus convainquant cette fois-ci. J’ouvrais mon casier pour y déposer quelques livres avant de le refermer pour m’apercevoir qu’elle était toujours là.
« Est-ce… » Je ne la laissais pas terminer sa phrase ou du moins, on reprit la conversation en même temps et donc, elle se stoppa nette pour savoir ce que j’avais à dire.
« Excuse-moi, je dois aller en cours, on se voit plus tard ! » En cours ? Je n’avais plus cours aujourd’hui seulement, j’avais du mal avec Septembre. Avec le temps, je pensais que ça allait s’arranger, que j’allais apprendre à la connaitre or, je m’étais trompée. Je n’arrive pas à faire comme si de rien était, je n’arrive pas à lui accorder une chance pourtant, j’essaie, j’essaie vraiment. Peut-être plus tard qui sait…
J’étais perchée dans les escaliers en train d’observer la scène qui se déroulait en bas. Un homme venait de sonner à la porte et était présent depuis maintenant plusieurs minutes. Je le contemplais parler avec ma mère, j’essayais de deviner leur sujet de conversation en lisant sur leurs lèvres mais, je n’étais pas très douée pour cela. Souvent, un craquement se fit entendre derrière moi. J’attirais mon frère à ma hauteur pour qu’il se baisse, reste distrait et surtout, réponde à mes questions car après tout, il était ici depuis deux mois suite à son renvoi de l’université, il devrait pouvoir m’éclaircir.
« C’est qui ce machin ? » Je posais mon regard sur le bel inconnu qui faisait rire ma mère comme jamais je ne l’avais entendu rire auparavant.
« Ted, le nouveau fiancé de maman ! » Soupira mon frère d’un air désespéré. Instinctivement, je me mis à rire, planquant ma main contre ma bouche pour ne pas faire trop de bruit et être démaquée. Non, ça ne pouvait être la réalité, ma mère avait perdu mon père, elle n’avait aucune envie de se retrouver quelqu’un, pas après avoir souffert comme elle avait souffert. Tout le monde affirmait que je ressemblais à ma mère, je n’aurais pas agi de cette manière, elle ne pouvait donc pas se faire avoir par un homme à nouveau. Non, c’était impossible.
« Maman a ? Quoi ? Non, c'est impossible, pas maman. » Je lâchais le petit couple des yeux pour porter mon attention sur Jeno. On avait eu une conversation quelques jours plus tôt, il m’avait pourtant annoncé cette grande nouvelle. Ma mère allait se remarier… J’étais surement trop défoncée pour le croire… Je restais bouche bée, écarquillais les yeux en le questionnant du regard :
« Attends cinq minutes, t’étais sérieux quand tu disais ça ? »« Yo, excusez-moi de vous déranger tous les deux ! Maman, je peux t’emprunter Ted deux petites minutes ?! » Les présentations avaient été faites la veille. J’avais eu le temps d’avoir une conversation avec mon frère qui m’avait expliqué la situation dans laquelle nous étions. Ce Ted, je ne le sentais pas, il cachait quelque chose et il était hors de question que ma mère soit blessée de nouveau.
« Bien sûr ma chérie ! » Elle déposa un baiser sur mon front, j’affichais un sourire en la regardant s’éloigner de la cuisine. Je fermais la porte derrière moi et mon futur beau-père me regarda avec ce regard sérieux que je n’aimais chez personne.
« Tu voulais me dire quelque chose ? » Si un sourire illuminait mon visage quelques minutes auparavant, j’étais connue pour être quelqu’un de très lunatique et rapidement, ce sourire se crispa, laissant place à de la méfiance mélangée à une pointe de sarcasme.
« Je marche pas dans ton jeu du type parfait. Ça n’existe pas ça, j’ai plus trois ans tu sais ?! Je veux bien faire un effort pour ma mère, parce qu’elle a l’air heureuse malgré tout mais, t’es pas mon père et tu ne le serais jamais. Alors je te préviens, tu parles encore une fois mal à mon frère et je te refais le portrait en personne. Tu fais souffrir ma mère et cette fois-ci, je te fume. » J’avais retrouvé le sourire, peut-être que celui-ci était arrogant et menaçant mais, il m’allait à ravir. A son tour, il se mit à sourire, comme pour me montrer qu’il n’avait pas peur pourtant, j’étais capable de le faire. Je n’avais pas peur de lui, je n’avais peur de personne, je n’avais pas peur de faire de la prison pour avoir protégé ma famille non, j’étais prête à tout pour qu’elle se porte à merveille. Ce Ted, c’était un connard de première qui profitait de ma mère parce qu’elle était naïve et désespérée, rien de plus. Quelques jours plus tard, ils se marièrent alors que Jeno et moi-même avions décidé de rejoindre Harvard pour éviter la cérémonie qui ne nous réjouissait point.
« Bon aller Matt, prend ça et on y va. Je vais avoir besoin de toi ce soir parce que je compte rapprocher Jeno et Grace. Rien de mieux qu’une petite fête pour ça ! » Je lui tendis un petit sachet de poudre blanche –non, ce n’est pas du sucre- après en avoir sniffé une petite dose pour commencer la soirée en douceur. J’envoyais ensuite un texto à mon frère et sa meilleure amie pour qu’ils nous retrouvent à bonne adresse pendant ce temps, Matthéo me tendit à son tour le sachet que je fixais un long moment.
« Non merci ! » Dit-il d’un ton catégorique. Autant il pouvait se montrer fun, autant il ne l’était pas du tout. Je le regardais en roulant des yeux, espérant qu’il change d’avis. Notre relation était particulière. Alors qu’il essayait de me faire comprendre que les hommes n’étaient pas tous des connards de première, j’essayais de lui prouver que la drogue n’était pas une si mauvaise chose. C’était mon quotidien, je ne pouvais me comporter d’une autre façon. Je voulais lui apprendre à s’amuser d’une autre manière, je voulais qu’il voie la vie comme je la voyais et je savais qu’il en était capable s’il y mettait du sien.
« Tu vas pas me laisser planer toute seule quand même ? S’il te plaît ? » Papillonnant des yeux comme je l’avais appris au fils des années, je savais qu’il ne résisterait pas bien longtemps après tout, je l’écoutais, il m’écoutait, je lui faisais confiance, il me faisait confiance, il n’y avait rien de bien compliqué. Il craqua et je fus plutôt heureuse de le remarquer. Attrapant sa main, je sortis de l’enceinte de l’université en criant :
« Let the party begin ! » Il faut dire que la discrétion et moi, nous n’étions pas tellement copines. J’aimais me mêler des affaires qui ne me regardaient pas, j’aimais parler alors que tout le monde souhaitait que je la ferme, j’aimais agir à l’encontre des règles, en inventer de nouvelles, je vivais pour faire la fête, pour m’amuser et profiter de chaque instant qui m’était offert sur cette terre. Certaines personnes m’admirent, d’autres me haïssent, chacun son opinion, ce n’est pas moi que ça va déranger, bien au contraire. Libre expression mon frère !