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B. Skye Hepburn & Kaleigh B. Reagan
« Coraleen ma chère, vous aviez raison. » M'exclamais-je en souriant, jetant un coup d’œil au rétroviseur qui me renvoyait à la figure l'image d'une Kaleigh dont les veines des yeux avaient explosées sous la fatigue et les insomnies à répétition. Le paysage défilait, monotone et terne pourtant sous le magnifique soleil qui illuminait la verdure. Je pris la grande route et appuyais sur l'accélérateur sans me soucier de la vitesse à laquelle j'allais, préférant de loin un décor flouté et coloré que la vision d'automobiles sur une autoroute. « C'est ce que tu essayais de me dire depuis le début, tu me parlais mais je ne t'écoutais pas. Je ne t'écoutais pas ! » Je me grattais le front, lâchant le volant quelques secondes et rattrapant mon axe d'un coup sec sans me soucier plus que ça d'avoir failli me prendre le pont. Ça n'avait pas d'importance. Je devais comprendre, je devais comprendre pourquoi elle était morte, écouter. Il y avait tant de choses que j'avais ignoré, tant de mots prononcés par ses jolies lèvres que j'avais occultés, tant de paroles que j'avais laissé dans le vent, sans jamais y prêter attention. Je me souvenais de son baiser sur mes lèvres, de sa manière de me toucher. J'avais compris à cet instant qui j'étais. Mais ce soir, je ne savais plus. Je n'étais plus personne. Je n'étais qu'une fille dans une voiture. Une voiture qui allait beaucoup trop vite. D'une main je tenais le volant, profitant de cette liberté pour fouiller dans ma voiture, essayant de trouver un indice, quelque chose me permettant de comprendre, de calmer mon esprit perturbé, ne cherchant au final tout et n'importe quoi avant de tomber sur de vieilles compilations que j'insérais -ou plutôt écrasais- dans le lecteur cd avant d'appuyer comme une folle sur le bouton eject. « Beurk. » J'ouvris alors la fenêtre et sentis le vent s'engouffrer, un vent si glacial et puissant qu'il me colla au dossier de mon fauteuil. Je mis quelques secondes avant de prendre le dessus et jetais le cd par la fenêtre. Il n'avait plus rien à faire dans ma voiture, je ne comprenais pas même pas comment il avait atterri ici. Jetant un coup d’œil sur le siège de droite, je cherchais du regard un album dont la couverture m'inspirait avant de tout jeter par la fenêtre sans me soucier des autres automobilistes. Je me sentis soudainement plus légère et m'esclaffais. « Si ça se trouve, Cora est morte parce qu'elle a ouvert la fenêtre. Elle a perdu le contrôle du véhicule et s'est encastrée quelque part. » Dis-je, essayant de réfléchir à cette éventualité, puis, me sentant prise d'une folie passagère, j'augmentais l'ouverture de la vitre et combattis le vent dans le but d'approcher ma tête de celle-ci. Je m'écriais : « Je suis comme Cora ! Regardez-moi, j'vais crever parce que j'ai ouvert la fenêtre, aha ! » Non, ce n'était pas digne d'elle. Comment avait-elle pu y laisser la vie ? Augmentant ma pression sur la pédale d'accélérateur, je sentis ma tête me tourner, mon esprit surchauffer, mes idées se joncher les unes sur les autres sans que je ne puisse arrêter ma conscience sur quelque chose, incapable de me concentrer. « Prendre la direction Boston, deuxième sortie. » Je sursautais. Mon GPS m'indiquait la voie à suivre et je m’exécutais, portant une main sur ma tempe pour lui faire un signe militaire. « Ok m'dame. Apple devait pas avoir de GPS, c'est pour ça qu'elle s'est encastrée. Encastrée. Encastrée, tu comprends ? » Je ris jusqu'à m'en époumoner. « Ben quoi tu pourrais rire espèce de rabat-joie ! Ouais j'savais pas qui conduisait, merci de me le rappeler mais aucune ne devait avoir de GPS, tu crois pas ? » Répondis-je au petit écran comme si celui-ci me répondait et avait une parfaite conversation avec moi. « Ben c'est vrai, si elles avaient eu un GPS, Cora serait pas morte. Il aurait dit un truc du genre : Redressez un peu votre droite sinon vous allez entrer en collision. » Je ris derechef, de plus belle, fermant la vitre qui par l'air desséchait mes lèvres et me décoiffais. « Quelles connes ! Oublier le GPS, aha ! C'est pas mon cas. Réponds quand j'te parle ! Salope ! » De rage, j'arrachais l'engin de son support et ouvrais de nouveau la fenêtre, jetant sans plus attendre le gps qui s'écrasa avec fracas sur la grande route.
Quelques temps plus tard, je quittais l'autoroute sur un coup de tête. La nuit commençait à tomber et les phares des autres conducteurs m'aveuglaient. Je pestais contre eux avant de donner un coup de volant sur la droite dans le but de m'arrêter sur la piste d'urgence. Des fleurs avaient étés accrochées sur un coin de la route, je reconnus immédiatement l'endroit ou mon amie avait perdu la vie pour avoir mémorisé l'image quelques jours plus tôt aux informations. Sortant de la voiture, je fus heureuse de constater que la route sur laquelle je m'étais arrêtée n'avait pas énormément de passage, ainsi, je ne risquais pas de finir sourde avec le passage incessant des quatre roues. A première vue, celle-ci semblait écarter tout danger. Elle était large et visible et l'environnement semblait se prêter à une après-midi d'été, les oiseaux piaffant jusqu'à en perdre haleine, accompagnés par les doux hululements du vent. Seulement voilà, aussi calme et tranquille qu'elle puisse paraître, cette route avait accueillie la mort d'une jeune femme et seules quelques pauvres fleurs ornaient le coin ou les voitures s'étaient rentrées dedans. « Cora, on s'est foutu de ta gueule ! » J'arrachais les fleurs, abimant une manucure dont je me fichais éperdument, scrutant l'horizon, trouvant ce que je cherchais après quelques secondes. Me précipitant en débardeur sous la nuit qui tombait vers le coffre de ma voiture, je fouillais dans celui-ci, dans les affaires que je m'étais empressée d'acheter à la première supérette du coin, des choses qui m'avaient parut être utiles au premier abord comme une corde, des trombones, une crème pour le visage, un classeur et d'autres produits tout aussi sans rapport que divers. Je dénichais enfin ce que je cherchais et couru vers le panneau publicitaire, chargée d'une corde et d'une bombe de peinture rouge. « Allez Kaleigh, tu l'as vu une centaine de fois dans les Simpsons. » Murmurais-je en lançant la corde en haut du panneau, espérant que celle-ci s'accroche d'elle-même et pourquoi pas ne fasse un nœud toute seule aussi. La corde me retombant trois fois sur le coin du nez, je m'attachais la taille et la lançais entre deux poteaux, essayant de me tirer par la force de mes bras. Je ne réussis qu'à m’esquinter la peau des mains. « A ouais, c'est comme ça ? » Puis, je remarquais un petit escalier sur la gauche et hésitais quelques secondes. Si ça se trouve, quelqu'un là haut se jouait de moi, plaçant un escalier après m'avoir fait galérer, le retirant une fois que je me serais décidée à y aller... ainsi, je me précipitais dessus et arrivais en haut dont la publicité pour King Burger ventait les mérites d'une qualité de viande dite 100% bœuf. Mes longs cheveux bouclés de la veille retombaient sur mes épaules avec désinvolture tandis qu'en vandale, je taguais le panneau afin d'inscrire : Coraleen Hastings-Linton, 4 mars 2012.
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