TELL ME YOUR SECRETS ∩ avec Eliah

Ca ne m'arrivait pas souvent et pourtant, quelques jours après mon arrivée sur un nouveau campus, j'avais été bouffé par vague de nostalgie. Par chance, je n'étais pas tout seul, en terre inconnue. Il y avait Eliah, notamment. Etre avec elle, ça sentait non seulement l'Italie, mais aussi une époque qui me semblait particulièrement éloignée. Une période ou tout me semblait bien moins compliqué. Qu'est-ce que j'aurais pas donné pour avoir dix ans à nouveau. Bref, j'avais rappliqué dans sa chambre chez les Dunster, l'air renfrogné. Je n'étais pas de bonne humeur, mais ça allait me passer. Cette fille avait toujours eu le mérite d'arriver à me faire souffrir. On m'informa qu'elle était en vadrouille dans la maison et me doutant que ce n'était qu'une question de minutes avant qu'elle ne rapplique, je me laissa tomber sur son lit. Comme si c'était chez moi et je ne culpabilisais pas : elel allait pas m'en vouloir, elle n'avait jamais été capable de m'en vouloir bien longtemps. Quelque chose se mit brusquement à vibrer et je fronça les sourcils, tâtant la poche arrière de mon jean. Non, pas le mien. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver celui d'Eliah, à quelques centimètres de moi sur le couvre lit. Je le déverrouilla rapidement. (L'avantage de connaître quelqu'un depuis longtemps : ses choix de mots de passe n'avaient plus franchement de secrets pour moi) Une grimace d'incompréhension se dessina sur mon visage lorsque je découvris le nom de ma mère sur l'écran. Bah, qu'est-ce qu'elle pouvait bien vouloir à Eliah ? Ne pouvant refouler ma curiosité, en quelques clics, je tomba sur une conversation sms. Elles étaient copines, ou bien quoi ? C'était juste bizarre.  La conversation par textos était par chance courte. Je la parcouru rapidement, la colère grimpant en moi. J'étais leur sujet de discussion et ma mère demandait des nouvelles, demandant à Eliah un véritable compte rendu. Ma mère m'avait trouvé une nounou. Je relisais les mots en boucle, sans parvenir à me calmer, à me dire que c'était pas si scandaleux que ça. Puis, un peu de mouvement attira mon attention et je releva la tête, découvrant la traitresse dans l'encadrement de la porte de sa chambre. Je redressa la tête, fusillant ma meilleure amie du regard. Je tendis le portable vers elle. Tu m'expliques ? Je suis curieux d'en apprendre plus sur ta mission baby-sitting. Lâchais-je sèchement.

Je lui lança un regard incrédule. Elle me prenait pour un débile ou bien quoi ? Je ne portais pas des accusations sans preuve, alors qu'elle ose me rétorquer que j'étais pas foutu de comprendre une conversation par textos, ça avait de quoi me mettre en boule. Elle dut se rendre compte de la débilité de sa dernière répartie car elle rouvrit la bouche. Au moins, elle avait renoncer à feindre que je me faisais des films. Pour autant, sa réponse ne m'apaisa pas le moins du monde. Elle essayait pourtant de rester calme, il y avait même une certaine douceur mal placée dans sa voix. En fait, ça m'énervait d'autant plus. Tu comprends pas ce qui m'énerve ? Repris-je sans parvenir à m'exprimer comme elle le faisait. J'étais de trop mauvaise humeur pour m'exprimer de façon modérée. Calme toi, tu fais ton hystérique. Rien à faire, j'étais lancé. Je savais qu'elle savait que je n'appréciais pas qu'on me traite comme un gosse, qu'on me mette à l'écart. Je pouvais supporter ça de la part de ma mère, c'était quasiment dans sa conception de son rôle de me traiter comme un bébé à vingt-trois ans, et même de ma soeur, car elle l'avait toujours fait, mais que j'apprenne qu'Eliah complotait dans mon dos. Bordel. Va pas t'imaginer que je te reproches de t'inquiéter pour moi, même si c'est pas justifié ok, je faisais peut-être un peu preuve de mauvaise foi. Bah ouais, j'allais bien, c'est pas comme si je venais pas de me faire virer, d'avoir un morceau de verre dans mon bide et d'abandonner ma gamine en Italie. Huhu. Ce que j'apprécie pas des masses, c'est que tu ailles comploter avec ma mère. T'as le droit de me considérer comme un gosse si ça te chante, je peux pas y faire grand chose, mais ne joue pas les baby-sitters et encore moins en cachette. Comme si j'avais besoin d'avoir des raisons de douter de toi, Eliah ! Va pas croire que ça m'aide, toi qui t'inquiètes tellement pour moi j'étais sensé pouvoir avoir confiance en elle et apprendre qu'elle me cachait des trucs, des choses qui me concernaient directement, ça me foutait les nerfs.

J'étais bien conscient de réagir de manière excessive, mais j'étais trop lancé pour prendre un peu de recul sur la situation. J'étais blasé, saoulé par cette situation. Elle me balança à la figure ma mauvaise foi, histoire de souligner que les inquiétudes de mes parents et les siennes étaient justifiées. Soit, j'avais pas été un véritable enfant de choeur ces derniers mois, mais combien de temps allait-il devoir s'écouler pour qu'on arrête de m'assimiler au garçon que j'avais été pendant quelques années pour se concentrer sur celui que j'avais été durant plus de quinze ans ? Je pensais qu'Eliah me connaissait mieux que ça et une partie de moi avait beau être touchée pour son inquiétude, une autre partie, en ce moment apparente, trouvait cette situation imbuvable. Je poussa un grognement fatigué en passant mes mains dans mes cheveux dans un geste excédé. Je m'installa en tailleur sur le lit, en m'efforçant de me calmer, de respirer, comme je le faisais à la danse. Ces temps-ci, mon impulsion et ma manie à trop ouvrir la bouche avait tendance à me jouer des tours. Je sais que j'ai merdé, on a pas besoin de me le rappeler. Mais franchement, qui peut se venter de n'avoir commis aucune erreur ? J'ai vingt-trois ans et je dois déjà gérer une gamine de cinq ans, c'est pas facile et j'aime pas cette vie, c'est pas ce que je voulais. Je vais faire avec, mais essaie de te souvenir que je suis pas seulement l'incapable inconscient que j'ai été à San Francisco. Mon ton était encore sec, mais je ne criais plus et ma voix ne claquait plus comme un fouet. La colère était un peu retombée et maintenant, je me sentais juste lessivé. Je ne voulais pas me disputer avec Eliah. Je ne voulais pas me disputer tout court. Je poussa un soupire avant de me laisser tomber en arrière, faisant un peu le mort, fermant les yeux. J'avais envie de retourner en arrière, au moment précis ou tout était parti de travers. Peut-être que c'est ce qui me blessait le plus : l'idée que ce n'était pas possible et que je ne pouvais que m'accommoder de cette situation.