▶ On va tous dans la même direction, on prend des chemins différents c’est tout.Le vol fut particulièrement long et pénible. Assit entre sa fille et sa mère, Giuseppe avait été muet comme une carpe, cadenassée par le regard lourd de ses parents sur lui. Il avait l'impression de les sentir tous les deux, pesant chacun une tonne sur ses épaules. Cette atmosphère particulièrement glaciale était sans doute normale : les conséquences des dernières retrouvailles entre le benjamin des Lombardi et ses parents n'avaient guère étaient très réjouissantes. Après une énième engueulade sur le campus qui s'était achevée par le poing de Giuseppe dans la figure d'un garçon qu'il ne pouvait plus voir en peinture depuis plus de deux ans, il avait été renvoyé. Bye Berkeley. Giuseppe avait passé le voyage à essayer de comprendre où, à quel moment précis, il avait commencé à merder. Il avait eu une enfance heureuse. Le rôle de chef d'entreprise de son père ne lui laissait soit pas beaucoup de temps pour les moments passés en famille, mais il n'en était pas moins un homme de bon conseil, à la porte toujours ouverte. Quant à sa mère, elle avait bien voulu prendre le pari risqué de fermer temporairement son affaire pour s'occuper de ses deux enfants. En effet, Giuseppe n'a jamais été fils unique. Avant lui, il y avait déjà sa grande soeur, de deux ans son aînée. Anna Lombardi, une brunette qui est le portrait craché de sa mère, tant physiquement que moralement. Du point de vue physique, Guiseppe a lui aussi tout prit de sa maman. Les mêmes yeux bleus, les mêmes cheveux châtains et bouclés, la même passion dans tout ce qu'ils accomplissent respectivement. Des ressemblances justifiant leur relation très complice, enfin, jusqu'aux derniers mois. S'extirpant brièvement de ses pensées, Giuseppe tira une couverture sur sa fille ayant déjà sombré dans un sommeil de plomb. Veinarde. En se redressant dans son siège, le garçon de vingt-deux ans lança un regard risqué sur sa droite et croisa brièvement le regard de sa mère qui détourna vite la tête. Giuseppe étouffa un soupire en fermant à nouveau les yeux pour s'échapper du quotidien. En dépit de sa récente aptitude à s'attirer des ennuis, il détestait particulièrement que les gens eu veulent, encore plus quand il s'agissait des gens comptant vraiment. Il n'appréciait pas franchement d'être en désaccord avec ses parents, plus particulièrement depuis qu'il l'était lui-même. Il avait beau aimer sa gamine, (en même temps, comment ne pas l'aimer ? Elle était trop mignonne et puis elle avait son sang) il reconnaissait volontiers n'en avoir jamais voulu, ou du moins pas maintenant, pas alors qu'il n'était majeur que depuis peu de temps. Par dessus tout, lorsqu'il songeait à l'avenir et à l'éventuelle idée de fonder une famille, il ne s'était jamais imaginé père célibataire. C'est une chose d'avoir un bébé avec la personne que vous aimez et de procréer sans le vouloir. Il se souvenait de son envie de gerber lorsqu'il avait apprit qu'il avait mit sa petite amie, qui l'était depuis deux semaines, enceinte. Il avait été pris d'une envie de courir à toutes jambes pour s'échapper. Son endurance dut à une pratique sportive assidue l'aurait permit, mais non. Il était resté là, mortifié. Il avait dix-sept ans. Et un bébé en route. Giuseppe décida de croire que c'était à cet instant précis que sa vie avait commencé à devenir l'immonde bordel qu'elle était aujourd'hui. Lorsqu'il avait annoncé son nouveau statut de futur parent à ses parents, il avait crut que sa mère allait l'étriper. Finalement, elle avait respiré fort en baragouinant ce qu'il savait déjà : ce n'était pas le genre de vie qu'elle et son père avaient prévus pour lui. Enfin, si ça pouvait les rassurer, c'était pas non plus son programme. En dépit des critiques liées au préjugé du 'les garçons ne font pas de la danse classique, enfin, les garçons hétéros', Giuseppe n'avait jamais envisagé une autre voie que la danse pour lui. Il y avait bien aussi le théâtre, qu'il pratiquait pour le plaisir, mais ce n'était pas pareil. Rien ne se comparait au classique. Il faut dire qu'il en faisait depuis plus de quinze ans et avait désormais acquis une certaine technique. Sans en avoir jamais ouvertement discuté avec elle, Giuseppe savait que sa mère pensait la même chose : qu'à l'évidence il était fait pour ça. Il n'était pas fait pour être père en revanche et il n'avait pas cessé de le prouver depuis la venue au monde sa fille.
▶ Flash info : un charmant jeune homme a perdu sa virginité en mer du Nord.Soit, il n'avait pas eu la chance d'être épaulé. La mère de l'enfant s'était tirée de l'hôpital abandonnant le bébé. Vivant à l'époque en Italie, le brun de dix-huit ans s'était retrouvé, fou de rage, coincé à l'hôpital, ne pouvant se résoudre à laisser sa fille à des inconnus. Elle s'était déjà fait abandonnée par sa mère une fois et il n'avait ni le courage ni la cruauté de renouveler l'expérience. Pour autant, il n'avait pas développé l'instinct protecteur de sa père. Encore enfant et fondamentalement égoïste, il ne pouvait s'imaginer avoir à prendre soin d'un autre que lui, sachant qu'il avait déjà du mal à faire ça. Alors soit, il avait une vie plutôt saine à l'exception de cette histoire de grossesse, mais tout de même, il était encore bien trop jeune. Heureusement, l'argent n'avait jamais causé le moindre soucis au sein de la famille ainsi, ce ne fut pas un problème sur ce point là et le brun passa des années difficiles jusqu'à sa majorité. Les cours, la danse, un bébé. Sa mère l'aidait tant bien que mal, mais c'était compliqué. Giuseppe ne parvenait pas à se résoudre à laisser sa propre vie de côté et ce n'était pas ce qu'on lui demandait, mais il était malgré tout trop désinvolte. Lorsque vint le temps de s'inscrire pour la fac, il ne put se résoudre à trouver le moyen de faire rentrer son bébé dans ses projets. Il n'eut pas le choix cependant. Ses parents n'acceptèrent pas de s'occuper de l'enfant tandis qu'il rejoignait le campus de la prestigieuse université Berkeley qui venait d'accepter sa candidature. Blasé, mais n'ayant pas le choix, Giuseppe écouta avec mauvaise foi les sermons de ses parents sur les responsabilités quand on est forcé de grandir un peu plus vite que les autres. Lui a vécu ça comme une forme d'injustice : il ne se droguait pas, ne fumait pas, entretenait un niveau correct en cours et bossait plus sur la danse qu'il ne sortait avec ses amis. Il avait tout fait comme il fallait et il se retrouvait puni. Difficile à digérer. Il n'était pas d'humeur à devoir jouer les pères responsables et il avait du mal à revêtir sur ce costume après avoir toujours été le bébé de la famille. Ca avait un côté furieusement paradoxale. Enfin, il quitta donc son Italie natale pour les Etats-Unis, pour San Francisco plus précisément. Pourquoi ce choix alors qu'il aurait put trouver d'excellentes écoles dans son pays, ou du moins sans mettre autant de distance avec sa famille ? Car au niveau de son éducation, le brun a toujours visé une forme d'excellence. Il a grandit avec une petite cuillère en or dans la bouche et la pratique de la danse l'a rendu très sévère à ce sujet. Acharné, il peut travailler durant des heures sans ménagement. A Berkeley il emménagea avec sa petite Elena dans un appartement financé par ses parents. C'était toujours ça : ils finançaient ses cours et bien heureusement, car il aurait eut toutes les peines du monde à bosser ses cours, la danse, à s'occuper d'un bébé et à gagner du fric. Les années à Berkeley ne furent pas un long fleuve tranquille. Rendu tête brulé par sa situation peu confortable à son goût et ayant toujours eut le sang un peu chaud, Giuseppe connut pas mal de disputes sur ce campus. Il se laissa un peu aller et ce même en danse, ce qui en disait long sur le fait qu'il y avait bien quelque chose qui clochait chez lui. Il picolait un peu trop en semaine et s'il avait maintenu la barrière du 'on ne fume pas auprès de mon bébé', il commença à fumer lorsqu'il était seul, ce qu'il trouvait dégoûtant par le passé. (Et peu lui importait qu'on le compare de façon moqueuse à un enfant de chœur) Ce fut aussi sa période la plus volage, niveau amour. Il connut ses premiers coups d'un soir et le sexe sans attaches. Enfin cette petite descente n'eut pas de fin heureuse et c'était ainsi qu'il se retrouvait dans ce siège, dans un avion, en première classe. Il avait faillit perdre son bébé des mains des services sociaux au cours de sa dernière bagarre. Il avait finit à l'hôpital et il avait une jolie cicatrice au niveau du ventre pour s'en souvenir. Il avait encore une odeur de sang dans la bouche, mais il était un peu à l'ouest depuis l'arrivée de ses parents. Peut-être que c'était dans sa tête.
Tu vas rester un peu à la maison. Ta soeur est en vacances, ça vous fera du bien à tous les deux. La voix de sa mère sortit Giuseppe de sa torpeur. Elle n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'ils étaient montés dans l'avion. Bon, un peu de pression avait dut retomber. Après avoir jeté un regard à sa petite puce endormie, Giuseppe tourna la tête vers sa mère. Il approuva brièvement en hochant la tête. De toute façon, elle n'allait sans doute pas lui laisser le choix. Sa mère avait l'air fatiguée. Elle avait tirer ses cheveux bruns en un chignon et cela n'avait rien à voir avec les chignons qu'il l'avait vu se faire chaque jour avant d'aller au boulot. Ce n'était pas un chignon de danseuse. C'était un chignon de femme fatiguée, éreintée. Pas franchement le genre de coiffure que sa mère aimait. Il faut dire qu'ils étaient bien loin tous les deux de leur apparence précieuse dans la salle de danse.
Je suis désolé, maman. Lâcha finalement Giuseppe en ramenant ses jambes contre lui dans un geste défensif, comme il le faisait gamin lors d'un conflit, lorsqu'il était contrarié ou mal-à-l'aise. Sa mère poussa un petit soupire, perdant son air figé des dernières heures.
C'est bon, tu es là. Elena aussi. C'est l'important répondit sa mère d'une voix dans laquelle perçait les marques de frayeurs laissées par les derniers évènements. Il approuva d'un mouvement de la tête à peine perceptible. Pas besoin de plus, elle le connaissait comme si elle l'avait fait (sans commentaire) et il savait pertinemment qu'elle interprétait chaque signe chez lui.
Ne t'inquiètes pas pour tes cours. Ton père va s'en occuper. Il a quelques contacts à Harvard et ils pourront venir te voir danser, histoire de les persuader de te prendre. Elle lui adressa un sourire qu'elle voulut sans doute réconfortant et il lui renvoya un sourire crispé. Mouais, c'est pas ce qui le perturbait le plus en cet instant précis, mais pourquoi pas.
▶ Je t’aime pas et je t’ai jamais aimé... J’ai une tête à t’aimer ? J’ai une tête a t’aimer ?⊰ Il pense que les gens peu tolérants sont des gens stupides, confinés dans leurs pauvres petites certitudes. Il est pas du genre adepte des jugements et de la méchanceté gratuite, mais là-desssus, il changera pas d'avis. ⊰ Il sait déjà fait chambré pour la danse classique qu'on assimile à un sport de filles. Il s'en moque, si ça le pesait un peu lorsqu'il était gamin, aujourd'hui il a la conviction qu'il est bon d'être Giuseppe plus que d'être comme tous les autres. ⊰ Il est très souple : le travail des années. ⊰ Du fait de son choix de passions extra-scolaires il a plus souvent eu des copines que des copains. Dans le fond, ça lui va bien : les mecs peuvent être si cons, il ne donnerait pas tord aux filles à ce sujet. ⊰ Il a gardé son accent italien. ⊰ Il a perdu sa virginité à l'âge de quatorze ans. ⊰ Il s'est découvert un petit amour pour le théâtre à l'âge de seize ans, grâce à une de ses ex-copines qui en faisait. ⊰ Il a très peur des chiens depuis que celui de sa couine l'a mordu quand il avait neuf ans. ⊰ Il pourrait tuer pour le risotto de sa mère. ⊰ Il a une très bonne résistance à la douleur. ⊰ Il n'est pas franchement pudique, mais à horreur d'aller se baigner à la piscine. Sans qu'il puisse clairement s'expliquer pourquoi, ça le dégoûte. ⊰ Il vient d'arriver à Harvard, sans son bébé, sa mère ayant accepté de l'alléger un peu de ce poids le temps qu'il se remette des bouleversements dans sa vie. ⊰ Son bébé lui manque, mais c'est le mieux pour eux deux. Il ne sait pas s'occuper d'elle et même si ça le bouffe sérieusement, c'est comme ça. ⊰ Quand il était petit, il arrivait à se passer les pieds derrière la tête et il y arrive encore. ⊰ Il répugne à manger quoi que ce soit dans l'emballage. (Giuseppe, en mode petite nature) ⊰ Il demeure un vrai maniaque sur l'hygiène dentaire. ⊰ Il a regardé Avatar une bonne trentaine de fois.