FIRST CHAPTER
« Maman, pourquoi doit-on partir ? Où est papa ? » Tout autour de moi semblait partir en live, le sol se fissurait sous mes pieds et même si j’étais suffisamment âgé pour comprendre que quelque chose n’allait pas je conservais cette certaine forme d’innocence qui ne me permettait pas de voir les choses d’un aspect tout de suite très négatif et sombre. Pourtant, ma mère avait pleuré, son maquillage en attestait, elle faisait nos valises à toute vitesse et tentait de masquer à l’aide d’un foulard de vilaines marques violettes sur sa gorge. A dix ans j’étais encore un enfant plutôt innocent, pas habitué à subir la violence dans mon foyer, je ne m’étais jamais rendu compte que mon père violentait ma figure maternelle et pourtant, tout cela ne datait pas d’hier. « Tu m’as toujours dit que tu voulais voyager, on va commencer par l’Italie. Tu sais, le pays où ta marraine s’est installée ? » Elle tentait de conserver son calme même si elle savait très bien que le temps nous était compté, si mon père rentrait du travail ne serait-ce que cinq minutes plus tôt que d’habitude alors nous serions tous les deux dans de sales draps, ma mère en particulier puisque mon paternel n’avait jamais eu le moindre geste violent à mon encontre. « Il ne faut rien dire à papa, il ne doit pas savoir que l’on part ! » Je fronçais les sourcils, enfonçant l’une de mes peluches préférées dans mon sac tout en jetant un œil sur ma chambre, les tiroirs de mes placards étaient vides et ouverts, mon dressing ne contenait plus aucun vêtement non plus. « Mais comment il va faire pour nous retrouver alors ? » Demandais-je inquiet, je ne voulais pas partir sans mon père, nous étions tous les deux très proches. « Il ne pas nous rejoindre Jagger, il ne doit pas nous retrouver ! » Son ton était tout à coup davantage sévère, elle s’emportait et c’était bien la première fois que je la voyais dans un tel état. « Mais… Mais pourquoi ? » Elle soupirait tellement fort que même les voisins auraient pu l’entendre faire. Elle s’était avancée vers moi afin de me prendre la main et de descendre rapidement au rez-de-chaussée afin de rejoindre devant l’entrée le taxi qui nous attendait. « Tout va bien se passer ne t’inquiètes pas, et puis… Tu pourras voir tes petits cousins, ça fait longtemps qu’on ne les a pas vus. » Sans poser davantage de questions j’étais donc monté dans le taxi comme ma mère me le demandait.
SECOND CHAPTER
Il y a maintenant huit mois que nous étions arrivés en Italie, à Rome. Par chance pour ma mère, le mari de sa sœur était un agent immobilier qui avait toujours mis de l’argent de côté au cas où un pépin se produirait, il semblerait que notre arrivée en était un, dans le plus grand des secrets il avait donc prêté cet argent à ma mère pour qu’elle puisse trouver un appartement à louer le temps que les choses se tassent et qu’elle puisse avoir des revenus. C’était à présent le cas, j’étais scolarisé dans une école non loin de chez nous, quant à elle, elle était parvenue à se faire engager dans un restaurant où elle se débrouillait du mieux qu’elle pouvait pour comprendre les clients italiens tout en faisant certains ménages au black chez les familles qui avaient les moyens de s’offrir les services d’une femme de ménage. Notre vie n’était pas des plus aisées au quotidien mais je tâchais de ne pas trop me plaindre, malgré le fait que je ne comprenne toujours pas pourquoi est-ce que nous avions été obligés de quitter le Brésil je me plaisais plutôt bien ici et j’étais même devenu en un temps record bilingue, si bien que l’on aurait très bien pu croire que toute ma vie j’avais vécu en Italie. Aujourd’hui exceptionnellement j’avais terminé les cours plus tôt, la maitresse devait emmener son fils à l’hôpital puisqu’il avait attrapé une grosse grippe qui le laissait sur le carreau depuis quelques jours, sans signe d’amélioration elle s’était mise à paniquer et peut-être bien qu’elle avait raison au final, avoir une grippe aussi foudroyante à seulement cinq ans n’était pas normal. Passons, j’étais donc sagement rentré chez moi, dans le plus grand silence afin de faire une surprise à ma mère. En entrant j’avais entendu le bruit d’une assiette ou d’un verre qui se brisait au sol et un petit cri à peine étouffé de la part de celle qui était derrière mon éducation. « Ne t’avise pas de me toucher à nouveau espèce de connard… Et puis, comment m’as-tu retrouvé ? » Mon cœur se mit à battre la chamade, mon père se trouvait-il lui aussi dans la pièce ? Il m’avait tellement manqué. Accélérant le pas j’étais arrivé jusque dans le salon, de là j’avais un bon angle de vue sur la cuisine sans forcément être remarqué, de toute manière mes deux parents étaient bien trop occupés à faire quelque chose qui vint immédiatement me glacer le sang. « Qu’est-ce que tu croyais espèce de sale chienne ? Que tu parviendrais à disparaitre avec notre fils comme dans un mauvais film de science-fiction ? Je savais que tôt ou tard tu inscrirais notre fils à l’école, voilà comment je vous ai retrouvé ! » Sans plus attendre il vint lui mettre un coup de poing en pleine face, la faisant perdre l’équilibre et tomber, tête la première au sol. A cet instant je compris enfin pourquoi nous étions partis aussi vite quelques mois en arrière, j’avais grandi depuis et je commençais donc à me rendre compte que nous n’étions pas dans le monde des Bisounours. Sans faire le moindre bruit, alors que mon père ne se faisait pas attendre pour mettre un bon coup de pied dans le torse de ma mère, au sol et sans défense, je m’étais éloigné afin de m’emparer du téléphone fixe qui se trouvait dans le hall. J’avais composé le numéro de ma marraine qui, après seulement une sonnerie avait décroché le téléphone. « Tata ? » Ma gorge se serrait et ravaler mes larmes était devenu impossible, jamais je n’avais été témoin d’une scène aussi cruelle, je ne reconnaissais plus mon père. « Jagger, tu n’es pas à l’école ? » Dans un sanglot je parvenais faiblement à m’exprimer. « Papa est à la maison ! » Le ton joyeux de ma marraine était devenu nettement plus sombre, elle était inquiète. « J’arrive tout de suite, ne bouges surtout pas ! » Je m’étais contenté de raccrocher, en état de choc, étant tout juste capable d’entendre les cris étouffés de ma mère à chaque fois qu’il lui mettait un coup de pied. Un traumatisme qui n’était pas prêt de me quitter de sitôt.
THIRD CHAPTER
Dix-sept ans, je n’étais à présent plus le pauvre enfant qui ne comprenait pas toujours ce qu’il se passait autour de lui. En l’espace de quelques années j’avais énormément gagné en maturité, pas vraiment difficile vous me direz lorsque vous aviez été témoin d’un procès des plus affreux entre votre père et votre mère. Pendant une longue année nous avions été amenés à régulièrement retourner au Brésil où nous avions fini par nous réinstaller à nouveau afin d’éviter les multiples dépenses en transports afin d’assister à de nouvelles séances puis il avait finalement été décrété que mon père avait beaucoup de torts, l’avantage avait donc été donné à ma mère et ce dernier avait donc reçu une interdiction de nous approcher à moins de cent mètres auquel cas il aurait été emprisonné. Nous n’avions depuis pas eu de nouvelles de sa part et la vie avait donc repris son court, nous n’avions pas déménagé à nouveau, Rio de Janeiro était bien assez grand pour que nous ne puissions pas vivre sans croiser mon paternel et tout avait plutôt bien fonctionné jusque-là. Bien-sûr que mon père me manquait mais je n’avais jamais digéré le fait qu’il ait pu battre ma mère quasiment à mort en Italie devant mes yeux même s’il ne savait pas que j’étais présent dans la maison avant que ma marraine, accompagnée de la police, ne soit intervenue afin de l’arrêter. En dernière année au lycée je respirais donc la joie, comme n’importe quel autre adolescent de mon âge je découvrais peu à peu ma sexualité, m’étant exercé avec des filles et récemment avec un garçon lors d’une soirée à laquelle j’avais un peu abusé de la bière. Tout allait comme sur des roulettes et ma journée de cours était quasiment terminée à présent, de quoi me laisser pensif quant à ce que j’allais faire en rentrant à la maison, mes devoirs pour commencer ? Non, plutôt une ou deux fiches de révisions avant de sauter sur le nouveau jeu-vidéo que j’avais acheté, au moins j’aurais bonne conscience et je pourrais toujours tenir tête à ma mère en lui confirmant que j’avais révisé. Pourtant, mon portable vint à vibrer alors que je me trouvais en cours de maths, un chapitre peu passionnant auquel je ne trouvais aucune difficulté pour conserver ne serait-ce qu’un peu d’intérêt. Me situant au fond je m’étais baissé afin de pouvoir répondre sans vraiment être discret cela étant dit. « Maman je suis en cours ! » A l’autre bout du téléphone ma mère semblait apeurée ce qui me fit immédiatement songer au pire. « Jagger, ne rentres pas à la maison… Ton père est drogué et… Il est à la maison ! » Comment pouvait-il oser revenir vers nous alors qu’il nous avait brisé il y a des années déjà ? Pour autant j’étais très inquiet, que faisait-il chez nous ? « Je ne te laisse pas toute seule avec lui, je serais là dans dix minutes ! » Ma mère me coupa net sur ma lancée, répondant du tac au tac. « Non, ne viens pas ! Il est armé… Je t’aime Jagger. » De là elle avait raccroché, me laissant avec un très mauvais pressentiment. Sans demander la permission à mon professeur j’avais bondi de mon siège afin de rejoindre l’extérieur de la classe, les dix minutes, temps que mettait mon bus à rejoindre mon quartier, semblaient être une éternité et je m’étais donc efforcé de courir jusqu’à l’entrée de ma maison. Ce n’est qu’en arrivant à la porte que j’entendis un gros bruit sourd. Quelque chose était arrivé, mes membres se mirent à trembler les uns après les autres alors que j’entrais dans la maison, prêt à affronter ce que tout enfant n’aurait jamais dû avoir à subir. Toutes mes forces furent rapidement divisées par cent lorsque j’aperçus, dans les escaliers le corps, sans vie de ma mère, du sang s’écoulant de part et d’autre des marches et arrivant jusque sur mes pieds. A côté d’elle, mon père, fusil en main, pleurait, comme s’il s’était rendu compte de ce qu’il venait de faire, il lui avait ôté la vie, il avait arraché la seule partie de ma vie qui était source de bonheur. « Qu’est-ce que tu as fait ? » Demandais-je, les larmes coulant à vitesse grand V de mes yeux. « Je suis désolé Jagger, je ne voulais pas… Je… Je… » La rage était tellement forte, il avait fait de ma vie un enfer sur terre pendant une majeur partie de mon enfance et il venait de me priver de la seule personne sur cette putain de terre qui pouvait encore m’assurer une stabilité psychologique. J’aurais pu m’effondrer mais à la place je sentis ô combien la haine montait en moi et c’est cette haine qui me fit perdre les pédales. Je m’étais rué sur mon père que j’avais finalement couvert de coups, je le frappais tellement fort, jamais je n’avais usé de la violence et mes doigts en ressentaient les conséquences. « COMMENT AS-TU PU ! ASSASSIN ! » Je pleurais de rage, frappant toujours plus fort. Ce fut finalement la voisine, alertée par le coup de feu qui vint m’arrêter sur ma lancée. Elle connaissait notre situation à ma mère et à moi et elle n’avait donc pas eu besoin de se poser beaucoup de questions pour comprendre ce qu’il s’était passé. Elle s’était jetée sur moi pour me faire perdre l’équilibre et lorsque je m’étais finalement arrêté la seule chose que j’avais pu constater, au-delà de la douleur que me procuraient mes doigts ainsi que la mort de ma mère, c’est que mes mains étaient ensanglantées et que mon père ne bougeait plus. « Oh mon dieu… Qu’ai-je fait ? »
Comment pouvais-je encore tenir debout alors que ma mère était décédée et que j’étais coupable de la mort de mon père ? Je l’avais frappé avec tellement de force que je lui avais cassé les pommettes ainsi que le nez, il avait finalement succombé à une hémorragie interne et même s’il ne signifiait plus rien à mes yeux depuis des années je m’étais depuis senti coupable. La culpabilité me bouffait au quotidien mais j’avais appris à en faire abstraction, la justice ne m’avait pas sanctionné, je m’étais contenté de protéger ma famille où plutôt ce qu’il en restait à l’époque et tout cela avait donc été classé comme étant de la légitime défense. S’ils voulaient croire en cela alors tant mieux, je ne m’en sortais pas mieux pour autant. Je m’étais jeté corps et âmes dans les études et, à grand renfort de séances chez la psychologue je m’étais progressivement reconstruit, je m’étais appris à occulter cette partie de ma vie afin de me concentrer sur tout ce qui pouvait me permettre de rebondir à présent, ce n’était bien entendu pas facile mais je faisais avec, je ne devais pas baisser les bras et je l’avais compris peut-être tardivement mais suffisamment tôt pour pouvoir me reprendre en main. La dernière étape de mon deuil avait été de quitter le Brésil en me promettant de ne plus jamais y remettre les pieds, boursier pour Harvard j’étais parvenu, à l’aide de l’héritage qu’avait laissé à mon nom mon père, à me payer le voyage et mes premières années, de là je m’étais très rapidement adapté à la vie américaine, je m’étais très vite habitué à l’anglais que je ne maitrisais pas complètement aujourd’hui encore mais rien qui ne m’empêchait de mener la vie qui m’inspirait. Même si tout mon passé continuait de me hanter je parvenais à ne pas en faire un point central de mon présent ou de mon futur… Ici, personne n’était au courant de mon passé et je pouvais donc repartir de zéro.