8 janvier 1992, Denver, Colorado. C’est là que je suis née. Mais avant ma naissance, il faut savoir que je n’étais pas le premier bébé que la famille Connor avait. En fait, j’étais le deuxième. Mais ces deux naissances étaient totalement différentes.
1990, New-York. Henry Connor et Lucy Kovalevski venaient de passer les portes de l’hôpital. Lucy pleurait, et son petit ami tentait de la rassurer du mieux qu’il le pouvait. Comment ce couple de 17 et 18 ans chacun aurait pu s’occuper d’un bébé ? Ils avaient assez de problèmes à gérer. Lucy était tombée enceinte sans le faire exprès, et elle s’était rendu compte de sa grossesse deux semaines après la date légale pour avorter, sinon elle l’aurait fait. Ça avait très vite été clair pour les deux adolescents : ils abandonneraient leur bébé. Lucy n’avait même pas été fichue d’arrêter la drogue pendant la grossesse, et leur fils avait même eu des problèmes à la naissance à cause de ça. Ils étaient dans un mauvais état, les tourtereaux. Mais quelques mois après cet évènement, lorsque Lucy eut fini le lycée, ils décidèrent de se sortir de la galère dans laquelle ils s’étaient mis. Ils quittèrent alors New-York pour le Colorado où Henry avait de la famille. A Denver, plus précisément. Ce ne fut pas facile pour eux de se ranger, d’arrêter la drogue, les fêtes, l’alcool, mais ils réussirent. Lucy suivait une formation afin de travailler dans une agence immobilière et Henry reprit la ferme familiale, son père, se faisant beaucoup trop vieux pour s’occuper des centaines d’hectares de terrain dont sa ferme disposait. Un an plus tard, Lucy apprit qu’elle était enceinte et cette nouvelle ouvrit de profondes cicatrices chez elle. Elle ne s’était jamais vraiment remit de son accouchement sous X, et elle pensait régulièrement au petit garçon qu’elle avait laissé. Bien entendu, elle avait fait ça pour son bien et elle ne pouvait pas le regretter : l’adolescente qu’elle était à l’époque n’aurait jamais pu assumer la responsabilité d’avoir un enfant. Alors elle et Henry se marièrent, et les Connors se sont alors promis d’aimer ce nouveau bébé doublement, en compensation de l’amour qu’ils n’avaient pas pu donner au premier.
Et c’est là que j’entre en scène. Je suis née dans une famille aimante, bien que mes parents, fraichement mariés, n’étaient pas très vieux. Ma mère n’avait même pas vingt ans, et elle n’avait pas pu commencer son travail puisqu’elle était tombée enceinte de moi. Nous vivions dans la ferme dans laquelle mon père avait grandi, c’était un lieu assez propice au développement d’un enfant. Je côtoyais mes grands-parents presque tous les jours puisqu’ils vivaient à deux pas de chez nous. J’étais une petite fille éveillée, et très tôt, je me pris de passion pour l’histoire. Quand j’étais enfant, j’avais commencé par m’intéresser à l’égyptologie. A chaque fois qu’une exposition venait à Denver, ma mère m’y conduisait et mes parents savaient toujours quoi m’offrir quand ils voulaient m’offrir des cadeaux. Ça commençait par des livres pour enfants sur l’histoire de l’Amérique, la mythologie Egyptienne, Grecque, Romaine. Et plus je grandissais, plus les cadeaux étaient… comment dire… plus sérieux ? En tout cas, cette passion pour l’histoire ne passait pas inaperçue, notamment à l’école. J’étais connue pour être une vraie encyclopédie historique. Il y avait les camarades de classe qui trouvaient ça drôle, voir même classe. Et ceux qui trouvaient ça nul, et qui me prenaient pour la première de la classe, même si c’était loin d’être le cas. J’étais une enfant au niveau scolaire assez modeste. Disons que j’avais du potentiel, mais que je me contentais du strict minimum. Les seuls cours pendant lesquels j’étais la plus réveillée et la plus active étaient les cours d’histoire.
Le jour de mes seize ans, mes parents m’offrirent un appareil photo. Pas un petit appareil photo banale, non. Un bon appareil photo, le genre d’appareil qui fait des photos juste magnifiques. Un appareil de pro. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais lâché cet appareil. J’avais cette envie de prendre tout ce que je trouvais beau en photo. Il n’y avait pas que l’histoire des grandes nations qui m’intéressaient, mais l’histoire qui habitait chaque coin de rue, chaque maison de Denver. Je prenais tout en photo, et j’imaginais ce qui avait bien pu se passer ici et là. J’ai toujours été un peu dans mon monde, et ça n’a jamais été un gros problème pour moi. Disons que j’avais mon monde bien à part, un monde auquel j’étais la seule à en faire partie, et un deuxième où je devais côtoyer les gens de mon entourage. Mes parents, ma famille, mais aussi mes amis au lycée. D’ailleurs, j’ai mis un certain temps avant de m’intéresser aux garçons. En fait, j’ai commencé à m’intéresser à eux uniquement à ma dernière année de lycée. C’était assez bizarre, parce que dès le secondaire, les filles parlaient des garçons, des baisers échangés et même parfois des premières fois. Et moi, je m’en fichais. J’en étais même venue à croire à un moment donné que j’étais peut-être lesbienne. Mais je n’étais pas lesbienne. Et ça, je le compris quand j’ai rencontré Tom. Il était dans le même cours de sciences que moi, et j’étais une vraie quiche en sciences. Il m’avait proposé de m’aider, et j’avais accepté. Et rapidement, j’étais tombée folle amoureuse de lui. Tom fut mon premier amour. Mais le premier à me briser le coeur aussi. Surtout quand je n'ai pas voulu faire l'amour avec lui; il n'a pas hésité une seule seconde et m'a laissé tomber. Ca ne m'a pas aidé à avoir une bonne image des hommes, ça c'est sûr.
J’avais postulé pour suivre des cours d’histoire et d’histoire de l’art à l’université d’Harvard. Sans grande conviction, en fait. Mais j’ai réussi à passer les SATs avec brio, et à avoir une bourse d’étude alors tenter une université aussi prestigieuse qu’Harvard avait été un rêve. Un rêve qui allait devenir réalité. Mes parents étaient tellement fiers de moi, bien qu’ils avaient peur de me laisser partir aussi loin. Cambridge, c’est juste à côté de New-York, et New-York avait été leur bête noire. C’était là qu’ils avaient sombrés tous les deux, et ils ne m’avaient jamais caché cette partie sombre de leur histoire. Même s’ils avaient omis de me parler de mon grand frère. C’est d’ailleurs avant que je parte pour l’université que mes parents m’avaient fait m’asseoir dans le salon. Mes bagages n’étaient pas encore faits, et j’étais un peu sur les nerfs, très nerveuse à l’idée de quitter le cocon familial et de partir aussi loin de chez eux. C’était la grande aventure.
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Un... quoi ?, répétais-je en regardant mes parents. Alors là, j'avais du mal à y croire.
J'arrive pas à le croire... J'avais toujours rêvé d'avoir un frère ou une soeur. Je m'étais souvent sentie seule, puisque j'étais fille unique. Enfin, je pensais être fille unique.
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Mais ça ne change rien Holly... nous ne savons même pas ce qu'il est devenu. Il doit avoir grandie dans une bonne famille et il doit être heureux aujourd'hui..., avait répondu ma mère en tentant de me sourire. Mais je voyais bien que ce sourire était forcé et sonnait donc forcément faux.
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Et si ça n'est pas le cas ? Il a peut-être été baladé de foyer en foyer ? Qui vous dit qu'il est parfaitement heureux aujourd'hui ?-
On ne peut pas en être sûr c'est vrai. Mais si on avait gardé ce bébé Holly, il aurait été quand même malheureux, parce que nous ne pouvions pas nous en occuper à l'époque. Crois-moi, on a fait ça pour lui. Ça n'avait pas été facile à accepter. Je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que j'avais un frère, quelque part dans ce pays. Il devait détester mes parents de l'avoir abandonné. Enfin... nos parents. Il n'y avait absolument aucun moyen de le retrouver, alors je présumais que c'était exclu de pouvoir le rencontrer. Sauf qu'en arrivant sur le campus d'Harvard, je me sentais tellement seule que j'ai décidé de le chercher. Je n'en ai pas parlé à mes parents, parce que je savais que ça leur ferait de la peine quelque part. Mais je sentais que j'avais ce besoin indescriptible de le connaître. Le chercher toute seule, c'était exclu, parce que c'était totalement impossible. Alors je me suis mis à travailler au Luna Caffé en dehors de mes études afin de mettre de l'argent de côté en plus de ma bourse qui servait surtout à payer mes frais de scolarité et mon appartement que j'avais pas très loin de la fac. Ouais, parce que je ne voulais absolument pas entrer dans une confrérie, ça n'était pas du tout, mais pas du tout mon genre. Au bout de deux ans et demi à économiser de l'argent, j'ai pu embaucher un détective privé.
Août 2013,
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Je suis sur une piste. Il faut juste que je vérifie mes sources, mais on est pas loin du but mademoiselle Connor. Je déglutis, un peu anxieuse.
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Tenez-moi au courant.Septembre 2013-
J'ai son nom. Alexander Strudwick.