Les titres sont des titres de musiques. Cliquez et hop, une musique d’ambiance.Palais Esterházy, au cœur du domaine d'Eszterháza, ville de Fertöd, Nord-Ouest de la Hongrie. Si en ville, tout à l’air normal, si pour le commun des mortels il s’agit d’un jour comme un autre alors que la neige a recouvert le monde de son épais manteau blanc, ce n’est pas le cas pour un jeune couple, composé d’un prince cinéaste et de la comtesse actrice qu’il a révélé au grand public, il y a de cela cinq ans. Très tôt dans la nuit, aux alentours des trois heures du matin, la comédienne avait ressentit les contractions annonciatrices de l’arrivée imminente de son bébé, dont le sexe était encore un secret. De fait, le couple s’était rendu à l’hôpital en urgence et la Princesse Esterházy, couverte de sueur, s’époumonait maintenant dans la salle d’accouchement, en poussant pour donner le jour, hurlant pour entendre enfin les cris de son enfant, alors que son cher et tendre était occupé à la soutenir en lui donnant la main. Si le travail durait depuis une bonne heure, il n’y avait toujours pas de complications et l’enfant commençait à sortir.
Le premier cri, enfin. Le soulagement d’une mère qui cesse de souffrir, le bonheur d’un père qui regarde sa crevette s’époumoner, encore maculée de fluides. Immédiatement, une sage-femme met l’enfant contre la mère qui sourit, simplement heureuse de sentir enfin cette peau douce contre la sienne. Les Esterházy s’étaient mariés deux ans auparavant et cette petite au nom étrange, venait enfin pour former une vraie petite famille. Depuis deux ans, le couple l’attendait, cette merveilleuse petite Elsy Roza Pandora Esterházy...
La mère et l’enfant restent quelques jours dans une chambre de l’hôpital, à attendre de pouvoir rentrer chez elles, où le lit du bébé l’attend déjà depuis des semaines. Le sapin aussi attends, depuis la nuit du 24 décembre au cours de laquelle les proches du couple se sont retrouvés pour le décorer ainsi qu'échanger leurs cadeaux, et à peine arrivé, le couple dépose l’enfant au pied de celui-ci pour la photographier. Simplement parce que cette petite Elsy est née au jour de Noël, lorsque l'enfant Jésus, pour le peuple Hongrois, est censé venir déposer les cadeaux pour tout un chacun, qui s’est montré sage au cours de l’année. Mais le nourrisson n’aime visiblement pas le feu des projecteurs et commence à chouiner, n‘appréciant guère, de toute évidence, le fait d’être la cible de ces paparazzis pour le moins originaux. Ses cris retentissent, impériaux. Mais l’enfant se calme bien vite, lorsque la chaleur d’un sein maternel vient frôler ses lèvres. Un sein blanc, que le nourrisson vient téter goulûment, sous les yeux larmoyant de bonheur de ses géniteurs. Ce qui lui vaux, d’ailleurs, une nouvelle salve de photos et un passage par la caméra de Monsieur qui a le cœur gros en songeant, déjà, que le mois prochain il sera loin : au Texas, pour son nouveau film.
Il y a les enfances faciles, comblées de rire, de chant, de joie, d’amitié. De goûters d’anniversaire, d’invitation à venir dormir. Les enfances disons simples, sans prises de tête, sans valises à faire et défaire incessamment. Il y a les enfances malheureuses, orphelines, avec la solitude pour seule compagnie le soir de Noël venu. Ces enfances tristes qui vous mettent les larmes au cœur et qui vous transpercent jusqu’au plus profond de votre âme, de par la lourdeur qui les accompagne. Enfin, il y a les enfances qui se trouvent entre les deux ou celles qu’on ne comprend pas très bien. C’était le cas de l’enfance d'Elsy. D’ailleurs, ce jour-là, comme tant d’autres fois…
L’enfant court dans le couloir de l’hôtel luxueux dans lequel sa mère est descendue avec elle, deux semaines auparavant. C’était toujours comme ça… Elsy était trimbalée entre l’avion et l’aéroport, entre les suites de luxe et les plateaux de tournages, trimbalée par ses parents, un coup par l’un, un coup par l’autre. Le couple avait du mal à se voir, à cause de projets personnels. De fait l’enfant n’en voyait très souvent qu’un sur deux, aussi bien que s’ils avaient étés divorcés. Mais ils s’aimaient follement. Et la fillette a ainsi grandit avec cet exemple d’amour pur, intouchable et indestructible. Un brin mielleux, de cet amour qu’on voit dans les films ou entre ses Barbies et ses Ken.
L’enfant court donc, désireuse de retrouver la douce chaleur de la suite qu’elle occupe avec sa mère. En larmes. Vous ne savez pas comme les enfants de stars sont des petits péteux imbuvables pour la plupart ! Elsy a beau être aussi pourri-gâtée qu’eux, elle a un caractère bien plus facile à vivre et beaucoup moins… disons prétentieux. Oui voilà, c’est le mot ! Et encore une fois, la petite Hongroise a fait les frais de sa bonté, de sa douceur. L’Espagne ? C’est un pays qu’elle n’aime pas. Les autres enfants sont beaucoup trop péteux à son goût. Et les garçons sont plus méchants ici qu’ailleurs, songe l’enfant en fermant la porte de la suite pour courir à son lit récupérer un livre. Ah bon sang, comme la fillette voudrait être à Fertöd, avec son papa et sa maman, à glisser dans la glace de la patinoire dans laquelle ils vont quelques fois, quand ils peuvent se retrouver…
Le temps passe et la demoiselle lit toujours lorsque sa mère vient la chercher pour manger. L’enfant descend en donnant la main à sa maman, le cœur gros. Elle voudrait tellement voir son cher petit papa. La princesse leur en veux un peu. Ils sont célèbres, ils lui manquent et en prime elle déteste les flashs qui crépitent sur eux, sur elle. Ce que la fillette veut, c’est avoir une vie normale avec des parents normaux. Un employé de banque et une enseignante, par exemple ! Cela lui éviterait de passer de villes en villes, d’amis en amis, de précepteurs en précepteurs… Mais la brunette a beau crier à l’intérieur, personne ne l’entend. Et sa vie n'est que cours de maintient, déceptions, bonne manière, lassitude, gros chagrins... et souvenirs. Car, étant hyperthymésique, l'enfant se souvient de bien des choses et cette maladie l'oblige a passer des pans entiers de ses journées plongée dans sa mémoire.
C’est un jour comme les autres dans la belle ville de Fertöd et la petite famille est réuni pour passer quelques jours de vacances ensemble, entre deux tournages. L’été était enfin là et réchauffait la terre de ses doux rayons. Alors les parents emmenaient leur fille dans les jardins, pour des promenades au cours desquelles l'enfant plongeait les pieds dans les fontaines, du haut de ses six ans. Enfin, elle les fêterait bientôt, en fin d’année. Mais aujourd’hui, les deux tourtereaux prévoient de sortir d'abord en amoureux avant de faire la promenade familiale. Alors l'enfant est confiée à une vieille bonne et les parents promettent de « revenir très vite ».
Elsy attend patiemment le retour de ses parents en feuilletant quelques livres dans la bibliothèque de l'immense bâtisse. Perdant toute notion du temps qui passe, l’enfant ne remarque pas la course des aiguilles sur l’horloge. Du moins pour un temps. Car bientôt elle vient tirer la jupe de la vieille dame pour attirer son attention. Celle-ci a un sourire pour cette petite frimousse sur laquelle se peut lire l’expression la plus parfaite de l’impatience. Et l’enfant la questionne alors.
«- C’est quand qu’ils rentrent mon papa et ma maman ?»«- Je ne sais pas ma petite…»La vieille dame reprend son tricot et l’enfant boudeuse se réinstalle dans un fauteuil pour lire d’autres livres alors que le temps court encore. Des courses bien longues : plus de deux heures sont passées depuis le départ de Monsieur et Madame Esterhazy. Et la petite fille ne tarde pas à pleurer, à l’heure du goûter, réclamant son papa et sa maman en disant qu’ils ont promis d’aller promener. L’enfant l’ignore mais les choses ne sont pas toujours si faciles dans la vie. Et cette dernière peut contrecarrer bien des plans, faire bien des ravages. Si le couple n'est pas encore rentrés, ce n’est certainement pas par manque d’envie ou d’amour. Mais pour des raisons bien plus graves encore.
Le temps passe encore et toujours aucune nouvelle du couple. L’enfant s’impatiente, s’ennuie et veux les voir. Mais rien n’y fait, le couple ne pointe toujours pas le bout de son véhicule au fond de l'allée. Que se passe-t-il ? Ni la vieille femme ni Elsy ne le sait. Finalement, on toque à la porte et un majordome fait entrer un homme avant de le conduire à l'enfant et la bonne. L'homme s'incline puis s'éclipse tandis que le visiteur entraîne la nourrice à l'écart. Celle-ci ne revient qu'un peu plus tard pour parler à l'enfant, la faisant asseoir dans un fauteuil. Alors la petite fille a droit à des explications qu’elle ne saisit pas bien. « État critique. Mort. Accident de voiture… »
Ces explications à peine données, Élisabeth sort avec Elsy, qu’elle fait asseoir dans la voiture en fermant la porte alors qu'un chauffeur prend place pour les conduire. Tout trois prennent alors la direction de l’hôpital où Monsieur Esterhazy avait été transporté en urgence, dans un état critique. Madame, elle, était déjà morte sur le coup, comme leur chauffeur. La petite fille a du mal à comprendre ce qu’il se passe et suit la bonne, en silence, alors que celle-ci descend du véhicule.
Le trio se renseigne à l’accueil avant de grimper dans les étages pour attendre le retour du bloc du Prince. Une longue attente, encore. A tel point que la fillette s’endort, en attendant que son papa se réveille. La bonne la transporte dans une chambre, après qu’une infirmière les ait prévenus du retour du bloc de Monsieur. S’éveillant à cause de l’inconfort du voyage, la fillette peut enfin voir son père et lui ouvre les bras en pleurant, sans comprendre pourquoi il y a des appareils un peu partout. Et innocemment, en câlinant son papa, l’enfant demande où est sa petite maman, déclenchant de nouvelles larmes chez son paternel.
Dans une robe de mousseline, Elsy laisse aller ses larmes en se coiffant. Comment ne pourrait-elle pas être peinée par l’événement qui se prépare sous son propre toit ? Son père s'apprête à prendre une nouvelle épouse, veuve également et mère d'un garçon de trois ans son aîné. Du haut de ses douze ans, l'adolescente en veux à son père. A tel point qu'elle le songe infidèle au souvenir de sa mère. Comment peut-il épouser cette nouvelle femme ? Qui est tout à fait le genre de femme vulgaire et sans élégance que dépréciait tant sa mère. Elsy ne peux s'empêcher d'avoir des hauts le cœur devant les tenues, bien trop courtes, de celle qui, dans quelques heures, deviendra légalement sa belle-mère. Comment son père a t il put s'en amouracher au point de vouloir l'épouser ? Elsy ne comprend pas. Elle ne peux pas.
La cérémonie commence et, le cœur lourd, la jeune femme précède la nouvelle épouse de son père en jetant des pétales de fleurs. Elle entends les invités de madame qui s'extasie. Les chuchotements incompréhensifs de ceux de son père. Pour ceux-là, Elsy se sent pleine de sympathie. Parce qu'ils remarquent son air triste, son cœur gros. Mais son père affiche un air ravi. Alors par amour pour lui, la jeune femme se reprend et affiche un sourire forcé qui se veux naturel et de circonstance. Arrivant devant l'autel, la miss dépose son panier et court prendre place là où d'autres l'ont installés, choisissant pour elle. Impuissante et muette, elle assiste à l'échange des vœux entre son père et cette femme en robe blanche trop courte, trop décolletée.
Impuissante encore, mais une larme roulant sur ses joues, l'adolescente regarde son père embrasser cette femme. Se retournant sur la gauche, vers sa grand-mère paternelle qui ne semble guère appréciative elle aussi, Elsy cache son visage dans la toilette de la vieille dame en se gardant bien de hoqueter. Pourtant, elle a envie de crier, de hurler. De faire cesser ce mariage par la simple force de sa détresse. Mais ce ne serait pas une raison valable pour annuler ces épousailles et, de toute façon, le prêtre a déjà posé la question fatidique.
En troupeau, tout le monde quitte la petite église pour précéder les jeunes mariés, afin de leur jeter des pétales de roses. Elsy avait bien suggéré le riz, juste pour enquiquiner sa belle-mère, voire lui faire mal en en jetant trop fort, mais son petit plan n'avait pas marché ne serait-ce qu'une seconde. Pour son plus grand désappointement. Mais à vrai dire, elle s'était quelque peu douté qu'un prince ne se laisserait pas jeter du riz dessus. C'était à prévoir.
Recevoir les félicitations fut le plus difficile dans cette cérémonie. L'enfant avait envie de hurler à chaque invité de sa belle-mère, de sourire à chaque invité de son père qui, elle le savait, ne procédait aux félicitations de par politesse et bonne éducations. Cependant, quelque uns s'abstinrent, ce que la petite demoiselle ne manqua pas de remarquer et, en secret, de remercier.
- Déconseillé (voire interdit) aux mineurs. Le passage est extrait de mon roman, je comprendrai s'il vous semble trop inapproprié, trop crût:
Le corps couvert d’une fine couche de froide sueur, Elsy pousse un cri perçant dans la nuit noire, à l’heure où plus personne n’est là pour l’entendre. Personne hormis le perfide qui, sadique et appréciateur, lui fait pousser ce cri de terreur, de ceux qui vous glacent le sang immédiatement. La naïveté et l'innocence de ses douze ans l'entravent et Elsy ne comprend pas ce qui lui arrive alors que les mains de Gyula se posent sur son corps, sur sa peau, soulevant sa chemise. Le vêtement est long pourtant mais il ne faut guère de temps pour que le garçon le remonte jusqu’au milieu des cuisses et immisce une main sous la lingerie qu'il sait défendue. Une larme glisse sur le visage délicat et un nouveau cri se fait entendre. Le cœur bat la chamade, le corps se débat vivement, sans pouvoir échapper aux doigts qui le déshabillent. Elsy ne comprend pas comment son frère d'adoption peut lui faire ça, la dévêtir de la sorte… Qu’avait-elle donc bien pu faire pour que le jeune homme, de trois ans son aîné, la mette ainsi nue et regarde son corps, le détaillant les yeux avides en retirant ses propres habits ? Elsy l’ignore : tout ce qu’elle sait sur l’instant, c’est qu’un pressentiment lui ordonne de fuir sa chambre, sauter du lit sur lequel Gyula vient de l’allonger, pour courir jusqu’à la porte et l’ouvrir. C'est ce qu'elle fait.
Si la jeune fille parvient à atteindre la poignée et à sortir, sa course s’arrête pourtant au milieu des escaliers, alors que son bourreau au regard sombre lui attrape fermement le bras pour l’empêcher de s’enfuir et la tire de nouveau vers la chambre où il compte bien officier, à l’abri de tous. Qu’est-ce-qui pourrait l’empêcher de nuire, de toute façon ? Elsy est trop fluette pour se débattre efficacement. Et leurs parents respectifs ne peuvent rien empêcher, puisqu’ils sont tout deux absents de la maison, en raison d’un anniversaire auquel ils ont étés conviés.
Revenus dans la chambre, l’adolescent nu jette sa demi-sœur terrifiée sur les draps et s’allonge au-dessus d’elle en lui adressant un sourire carnassier, celui du prédateur qui s’apprête à dévorer sa proie. Et Elsy a beau se débattre, griffer son agresseur à la joue, celui-ci continue, sans donner l’impression d’être ne serait-ce que gêné par les gestes désordonnés. Au contraire. Son regard froid fixe le visage baigné de larmes et un nouveau sourire se dessine sur ses lèvres.
Cette nuit devait faire naître une bombe à retardement. Le jeune homme pénètre la jeune fille qui crie sa douleur. Au moment où son hymen se déchire, Elsy hurle. L'acte est destructeur, dans ce silence feutré perturbé par les plaintes de l'adolescente qui tente encore désespérément d’échapper à son frère adoptif. Elsy envoie les pieds, les poings, les griffes. Mais Gyula s'en moque et se fait plus brutal entre ses cuisses. Comme si les cris et les supplications de la demoiselle lui donnaient finalement plus de plaisir, de vigueur et de motivation à poursuivre ses coups de reins.
Les aiguilles tournent sur le cadran de la pendule. Les secondes s’écoulent par centaines dans un tic, tac, tic, tac lugubre et celle qui était vierge il y a encore quelques minutes à peine pleure toujours en continuant de se débattre, avec faiblesse toutefois, épuisée qu’elle est d’avoir donné tant de vigueur auparavant.
Le jeune homme se retire du corps dont il vient de détruire l'âme et qui est encore secoué de larmes. En hoquetant, prostrée sur les draps blancs de son lit, tâchés d’un peu de son sang, Elsy ne réalise toujours pas réellement ce qu'elle a subit. La souillant encore, Gyula se masturbe quelques instants et s’abandonne sur le visage innocent.
Après une courte pause pour reprendre ses esprits, durant laquelle il maintient encore Elsy, il la pousse finalement du lit pour pouvoir en changer les draps. Pour être tranquille et éviter une nouvelle tentative de fuite de sa victime, Gyula enferme sa sœur dans la petite pièce d’eau contiguë à la chambre. Alors il retire les draps et les porte à la machine à laver pour cacher son crime aux yeux de sa mère et de son beau-père tandis que, de l’autre côté de la porte, la blonde s’est effondrée sur le sol qui recueille les larmes perlant de ses yeux.
La porte s’ouvre et la silhouette de Gyula se découpe dans le contre-jour, terrifiant la jeune fille qui cherche à lui échapper en rampant, de sorte à se cacher sous le lavabo. Empoignant l’adolescente aux yeux bleus inondés de larmes par les cheveux, le jeune homme la force à quitter sa cachette, à se relever et la pousse contre le mur de la douche avant d’allumer le jet d’eau. Prenant un gant, le jeune homme entreprend de laver sa cadette alors que celle-ci hoquette encore, les yeux dans le vague, sans chercher à échapper aux mains de le jeune homme.
La faisant sortir de la douche, Gyula sèche Elsy avant de la plaquer contre lui, dos à son torse. Tant et si bien que la demoiselle peut sentir l’objet infernal contre l’une de ses fesses. Mais le jeune homme ne la pénètre pas de nouveau, non. Il se contente d’orner d’un suçon l’échine de la blonde. Sa marque, dit-il en relâchant sa victime qui s’effondre de nouveau sur le sol, puis il quitte la pièce, la laissant à son triste sort, pour rejoindre son lit et s’endormir comme leurs voisins qui, dans la quiétude conférée par les anges, ne se doutent pas un instant qu’un monstre habite leur rue.
Elsy ne pleure plus, ne dit plus rien. Elle avance comme une automate. Dans un état second, elle pose la main sur la poignée de sa porte et quitte la pièce. Sidérée, la jeune fille ne réalise pas ce qui vient de se jouer dans cette chambre. Étrangement calme, la demoiselle se glisse sous ses draps dans sa position fœtale habituelle, sa peluche contre son cœur. L'adolescente ne donne plus l'impression de penser. Ses yeux vides fixent le mur qui lui fait face, éclairé d'un rayon de lune. Elle ne dit toujours rien, mais le sommeil ne vient pas, pendant un long moment.
Ce n’est qu’aux alentours des quatre heures du matin qu'Elsy s’endort enfin, emportée par la fatigue. Fatiguée d’avoir trop pleuré, trop hurlé, de s’être débattue avec autant de vigueur. Peu après, les parents rentrent, parfaitement inconscients de l’acte commis par Gyula. Elsy ne les entend pas et ne se doute même pas de leur arrivée. Pas plus qu’eux ne se doutent de l’état lamentable dans lequel a été laissée la jeune fille.
***
Le lendemain matin, rien ne trahit le drame de cette nuit sur le visage d'Elsy. Tout semble normal à la table du petit déjeuner. Ou presque. Habituellement bavarde, la demoiselle s'est renfermée ce matin et c'est sans un mot qu'elle mastique ses tartines de pâte de cacao, les yeux rivés sur un point fixe qu'elle seule semble pouvoir voir. Puis l'adolescente débarrasse ses affaires, se lève de table et se hâte de se préparer pour aller en cours. Cartable sur l'épaule, elle quitte la maison avec un sourire, après avoir déposé un baiser sur la joue de son père et un sur celle de sa belle-mère. Sur le chemin du collège, Elsy rencontre une camarade, avec qui elle poursuit sa route en parlant de la pluie et du beau temps. A l'extérieur, tout semble aller bien.
Comme si de rien n'était, la jeune fille entre dans la cour du collège et salue ses amis, l'air seulement un peu plus absent que d'ordinaire. Alors que la cloche sonne, elle gagne sa salle de classe sans prononcer le moindre mot. Le cours de mathématique débute. La demoiselle s'applique à recopier les notes indiquées au tableau par le professeur. Elle est présente tout en ne l'étant pas. Tout son univers a sombré et sombrera encore. Car les démons tapis dans l'ombre ne le restent jamais bien longtemps.
Seule face à son assiette, Elsy contemple les victuailles qui la remplissent sans oser y toucher. A ses côtés, tout le monde se goinfre et remplit sa panse. Mais la demoiselle a depuis longtemps perdu l’appétit. Deux ans que son frère l'a violée. Deux ans de souffrances, de souvenirs incessants. On oublie jamais un viol. Encore moins quand ont est hyperthymésique... Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Combien de temps va-t-elle encore pouvoir tenir ? La jeune femme l’ignore totalement. Ses bras sont striés de marques.
Le mal que la belle affronte à cette table a un nom. Anorexie. Dégoutté par son image, le corps salit par les mains de ce frère plus ou moins incestueux, la demoiselle ne se supporte plus. Maigrir, laisser voir ses os, paraître squelettique. S’enlaidir dans la maigreur pour repousser son agresseur, c’est tout ce que l’adolescente a trouvé. C’est comme ça qu’elle a commencé. Aujourd'hui, elle n’arrive pas à s’arrêter. L'adolescente veux simplement disparaître. Alors dans sa folie douloureuse, dans un silence glacial comme celui emplissant les plaines hivernales, la brunette s’enfonce toujours un peu plus.
On chuchote à sa droite et la demoiselle se tourne donc. C’est son père qui propose d’aller à la piscine. Mais comme toujours, Elsy refuse. Pour que son son père et sa femme ne puissent pas voir les hématomes qui recouvrent son buste, son ventre, le haut de ses bras… Voilà des années que la brunette fait attention à ses activités et ses vêtements. D’ailleurs en sport, elle se change toujours dans les toilettes. Pour que personne ne puisse constater sa détresse, pour qu’on ne puisse pas la juger.
La demoiselle se lève et porte son assiette jusqu’à la poubelle où elle la vide avant de mettre la porcelaine, le verre et les couverts dans le lave-vaisselle. Et puis elle gagne sa chambre, s’allonge sur le lit et fixe le plafond sans avoir rien mangé. Comme très souvent. Comme trop souvent. Les mêmes idées que d’ordinaire lui passent pas la tête. La fugue, l’appel à la police… mais rien ne lui semble bien. Il lui faut soit assumer ce qu’elle vie, soit être à la rue. Elsy a peur des deux résultats. Assumer son malheur ? Ce serait tout bonnement horrible. Le mal serait décuplé. C’est comme ça qu’elle pense depuis le début et qu’elle pense encore en s’allongeant de profil pour s’endormir en fixant le mur, une larme roulant sur sa joue.
Quatorze longues années ont passés depuis la nuit où Elsy a subit la folie de son frère. A l’âge de dix-sept ans, au fond du gouffre, épuisée par le poids du souvenir, la jeune femme a essayée de mettre fin à ses jours. Curieusement, c’est Gyula qui l’avait sauvé ce soir là en la sortant du bain sanglant dans lequel s’écoulait ses veines. Terrifié, il avait appelé des secours qui avaient rapidement emmenés la demoiselle à l’hôpital où ses proches avaient attendus, dans l’inquiétude, son éveil. Après cela, son père avait décidé de l’envoyer chez une psychiatre. Tout juste sortie de ses études, Mademoiselle Pillsbury avait été charmante avec l’adolescente et, avec le temps, après des séances où la princesse n’avait pas dit un mot, elle s’était décidée à parler, à se confier. Et Sandrah l’avait encore beaucoup aidé par après. Grâce à elle, Elsy put raconter à son père ce qui était arrivé. Si l’homme entra dans une colère noire, près à tuer son beau-fils, il fut retenu par l’idée que, d’un autre côté, c’était grâce à lui qu’Elsy vivait toujours. Alors il appela la police en évitant de croiser le rejeton de son épouse, pour ne pas perdre tout ses moyens. Emmené au poste, Gyula fut interrogé et soumis à des tests psychiatriques, qui lui valurent, devant le juge, d’aller dans un hôpital spécialisé plutôt que derrière les barreaux. Et, avec l’aide de Sandrah encore une fois, Elsy avait trouvé le courage d’aller en visite auprès de son demi-frère. Une seule fois, pour dire qu’elle ne lui en voulait plus et qu’elle essaierait de garder de lui les heureux souvenirs de leurs jeux d’avant son malheur, même si, elle le lui avait précisé, ce serait bien dur.
Poussée par sa psychiatre, devenue son amie, la jeune adulte se jeta à corps perdu dans le patinage comme jamais auparavant et décida d’en faire son métier. Ce qui lui vaux aujourd’hui d’être l’une des patineuses les plus célèbres, se préparant pour représenter la Hongrie aux prochains jeux Olympiques, quoiqu’elle ait quitté le pays depuis des années, ne pouvant plus « exister si près de sa petite mort » disait-elle.
Avant de quitter la Hongrie, Elsy a reçut de Sandrah le plus beau cadeau que cette dernière pouvait lui offrir. Psy et patientes puis amies, les deux femmes devinrent compagnes et, si le temps fut long avant que la patineuse accepte de s’offrir à sa chère et tendre, elle ne le regretta pas ensuite et se maudit simplement de ne pas s’être sentit «prête», si tel peu être le mot, plus tôt. Ainsi la jeune femme est telle réconciliée avec l’amour physique, bien qu’elle ne puisse pas accepter de voir l’acte.
C’est Sandrah qui a quitté Elsy quelques jours avant le départ de cette dernière pour New-York. Si la demoiselle pleura un coup, malgré la promesse de rester amies quoi qu’il arrive, elle savait bien que la psychologue avait raison en disant qu’elle avait été «la bouée de sauvetage, aimée le temps de se reconstruire». Au fond, cela avait été davantage de la reconnaissance que de l’amour, pour toute l’aide que Sandrah lui avait apporté.
Aujourd'hui encore, c'est à Cambridge qu’Elsy continue de mener sa barque et de pratiquer son sport, tout en étudiant à Harvard et en cherchant à s'amuser, à se rassurer sur son avenir. Suivie par un psychologue de Cambridge, la jeune femme cours chez lui sitôt qu'elle se sent flancher ou que tout tangue autour d'elle, que ses troubles reviennent. Enfant blessée, la princesse cherche à réparer sa vie, à masquer ses démons, sous un masque de joie et de séduction. Elle est aussi mannequin.