| I am outside and I've been waiting for the sun with my wide eyes I've seen worlds that don't belong my mouth is dry with words I cannot verbalize tell me why we live like this - we are broken ; paramore |
« Ne m’ouvre pas avant le jour de tes dix-huit ans. », pouvait-elle lire sur l’enveloppe.
Elle n’avait jamais été du genre à respecter les règles. Elle avait toujours été la petite orpheline qui n’en faisait qu’à sa tête. Pourtant, cet ordre-là, elle l’avait respecté à la lettre. Et voilà, c’était le moment. Les doigts fins d’Alyona tracèrent les lettres et une larme coula sur sa joue. Pourquoi? Toutes les questions qui se bousculaient dans sa tête commençaient par ce mot. Elle savait pourtant qu’elle n’obtiendrait jamais les réponses à ces questions. Enfin, elle espérait que, dans cette enveloppe se trouvent les mots qu’elle avait tant voulu entendre. D’une main tremblante, elle finit par déchirer le fin papier, faisant bien attention à ne pas déchirer son contenu.
«
Alyona,
Je te dois bien des excuses et c’est ainsi que cette lettre commencera. Je suis désolée. Tu sais, j’aurais voulu te garder avec moi, mais c’était impossible. Je n’aurais pas pu m’occuper de toi comme je l’aurais souhaité. Je ne voulais pas être une de ces mères absentes qui doit occuper deux ou trois boulots afin que sa fille puisse vivre une vie relativement convenable. Tu dois probablement me détester aujourd’hui. Ou peut-être m’avais-tu déjà oubliée avant d’ouvrir cette lettre? C’est compréhensible, tu sais et je ne t’en voudrais pas si tel était le cas.
Je tiens seulement à ce que tu comprennes ce qui m’a mené à prendre cette décision. Je ne sais pas comment te dire ces mots sans te blesser, mais tu n’étais pas dans mes plans. C’était un soir d’hiver. Je n’avais nul part ou aller et cet homme, il était séduisant, est venu vers moi. Il m’a proposé de m’aider, de m’héberger au moins pour la nuit. Parce que les nuits ici sont plus que froides. Je n’avais d’autre choix que d’accepter alors je l’ai suivi. Il n’avait pas une grande maison, mais je ne m’en souciais guerre. Je me souviens, il a bu, beaucoup cette nuit-là. Il était ivre et est devenu un peu trop entreprenant, si tu vois ce que je veux dire. Ses mains ont glissées sou mon chandail. J’ai tenté de le repousser, je l’ai frappé, mais il n’y avait rien à faire. Il lui aura tout de même fallu un moment pour me retirer mes vêtements. Je pleurais, je ne voulais pas et pourtant, malgré mes cris et mes pleures, il n’en a fait qu’à sa tête. Et voilà que quatre semaines plus tard, je souffrais de nausées. Bien que la cause de ces nausées aurait pu être mon mode de vie, je savais qu’au fond, j’étais enceinte.
Je ne voulais pas de toi au départ. Je ne t’écris pas ces mots avec haine, loin de là. Je ne voulais seulement pas que tu vives comme je vivais. Ce n’était pas une vie. Je n’étais pas dans une situation qui m’aurait permis de te faire vivre convenablement. J’ai essayé, je te jure. J’ai essayé, ma puce, pendant cinq ans. Je crois ne pas m’en être sortie si mal, mais je ne voulais pas que tu ne connaisses que la misère alors, j’ai marché un long moment avant de trouver un orphelinat et je t’ai laissé là.
C’est bizarre d’écrire ces mots parce que je ne l’ai pas encore fait. En fait, je crois que je les écrits pour trouver la force de le faire. Tu sais, je me suis attachée à toi. Tu es la chair de ma chair. Bien que je n’aie jamais pensé t’avoir dans ma vie, maintenant que tu y es, je n’arrive pas à e départir de toi. Je sais déjà que tu vas me manquer. Tes grands yeux qui cherchent à comprendre tout ce qui se passe, tes petites mains qui créent déjà à ton âge des chefs-d’œuvre à partir de rien. Je ne croyais jamais que quelqu’un puisse prendre une place aussi grande dans ma vie. Tu es une partie de moi, mon ange et jamais des mots n’ont été aussi difficiles à écrire. Je dois te quitter parce que je ne peux plus. Il m’est impossible de continuer à prendre soin de toi.
Tu dois te demander pourquoi je t’ai demandé d’attendre à tes dix-huit ans pour la lire. En fait, tu sais déjà pourquoi. Je ne voulais pas qu’une petite fille lise ce dont je t’ai parlé. De plus, si tu lis ces lignes, je ne suis probablement plus de ce monde. J’ai d’atroces douleurs à la tête et je crois ne plus en avoir pour longtemps. Je ne saurais te dire ce que j’ai, mais je sens que c’est grave. Je suis faible. Je ne veux pas que ce soit le dernier souvenir que tu gardes de moi.
Tu trouveras dans cette enveloppe, toutes mes économies. Je sais qu’elles ne me seront plus utiles d’ici quelques mois, si je suis chanceuse. Ce n’est probablement pas grand chose, mais j’espère que ça puisse t’aider.
Je t’aime, tu sais. Je ne cesserai jamais de t’aimer. J’espère que tu te souviendras de moi, qu’une image de moi restera gravé à jamais dans ta mémoire. Tu es déjà une petite fille extraordinaire, Alyona. Tu accompliras de grandes choses, j’en suis certaine.
Prends soin de toi, petit ange.
Ta maman qui t’aime. »
Elle avait encore quelques questions, mais la plupart avaient trouvées des réponses. Elle regarda et compta les billets. Et sa mère qui disait qu’elle n’aurait pas bu s’occuper d’elle. L’année suivant ses dix-huit ans, Alyona la passa à retrouver sa mère. Lorsque la nouvelle tomba, les larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme. Décédée. Aly n’avait passé que les cinq premières années de sa vie avec elle, mais il n’en restait pas moins qu’elle était sa mère. Elle n’avait même pas eu droit à un enterrement. Elle n’était qu’une dépouille, enterrée quelque part dans un trou. Peut-être même était-elle avec les ordures, il ne restait plus rien. Qu’un papier certifiant qu’elle était née et cette lettre qu’Alyona gardait précieusement dans le sac à dos qu’elle avait toujours transporté avec elle. Tu accompliras de grandes choses. Cette phrase avait toujours résonnée en elle. Elle était perdue et ne savait pas ou aller, mais quoi de mieux que pour accomplir de grandes choses que s’envoler pour les États-Unis? Après tout, qui n’avait jamais entendu parler du rêve américain et de tout ce que l’on pouvait accomplir là-bas? C’est donc dans cet état d’esprit qu’Alyona a pris le premier avion disponible et s’est envolée vers Boston.
| Lost the battle, win the war I'm bringing my sinking ship back to the shore we're starting over, we'll head back in there's a time and a place to die but this ain't it If there's a future we want it now. |
Une fois arrivée à Boston, Alyona se retrouva encore plus perdue qu’elle ne l’était. Ne parlant pas anglais, se retrouver dans la ville n’allait pas être chose facile. Elle n’avait que des roubles et ne pouvait donc rien acheter. Elle passa des journées à mendier, amassant quelques pièces ici et là. Après quelques semaines à arpenter les rues et à supplier silencieusement les habitants de la ville de l’aider, un couple qui passait par-là vit la demoiselle recroquevillée sur le sol visiblement endormie.
« Charles, il faut l’aider. Regardes-la. Elle est frigorifiée. A-t-elle seulement vingt ans? »
Alyona ouvrit les yeux et prit peur en voyant ces deux inconnus qui la regardaient. Avec le temps, elle était parvenue à s’acheter un dictionnaire et à tenter de déchiffrer quelques mots. Elle n’avait peut-être pas les notions nécessaires pour comprendre, mais au bout de quelques minutes, Aly’ pu comprendre ce qui se passait. Ils ne voulaient pas lui faire du mal. Ils ne voulaient pas la blesser. Elle s’approcha lentement d’eux et posa sa main dans celle que la dame lui tendait. La femme désignait son mari et elle à tout de rôle avant d’emprunter le dictionnaire de la jeune russe. Elle trouva le mot « aider » et le montra à Alyona. La fille aux cheveux bruns acquiesça et suivi les deux individus. Après tout, qu’est-ce qui pouvait être pire que de vivre dans la rue et n’avoir rien à manger?
Les Thompsons n’avaient jamais eu d’enfant et Madame avait vu en Alyona la chance d’élever un enfant. Ils traitèrent la russe comme si elle était la leur. Comme si elle était la chair de leur chair, leur propre sang. Monsieur étant propriétaire d’une grande chaine alimentaire pu offrir à sa fille d’adoption des cours privés d’anglais. Jour et nuit, Alyona se donna corps et âme afin de maitriser cette nouvelle langue et ce le plus parfaitement. La russe devait posséder un certain talent naturel puisqu’après un an de cours intensif, elle maitrisait cette langue presqu’aussi bien que quelqu’un qui était né aux Etats-Unis. Bien qu’elle appréciait ce que les Thompsons avaient fait pour elle, Alyona ne s’exprimait que lorsqu’elle était avec son enseignant. Ses nouveaux parents avaient une luxueuse maison avec des dizaines de pièces. Pourtant, sa préférée était celle qui renfermait tous les instruments. Piano, guitares, guitares basses, batterie, tout y était ou presque. Alyona trouva rapidement confort auprès du piano. Il devint son meilleur ami. Jamais elle ne se livrerait à ses parents – elle ne se résoudrait jamais à les appeler papa et maman – mais elle pouvait tout dire à travers la musique. Rapidement, elle s’enferma pendant des heures à chaque jour pour composer. Que ce soit écrire des textes ou des mélodies, Alyona trouva un nouveau mode d’expression. Bien qu’elle soit confinée de son propre gré dans une pièce, il n’en restait pas moins que la musique qui émanait du piano emplissait tout de même la maison.
Rapidement, les deux adultes se rendirent compte qu’Alyona avait un certain talent. Monsieur Thompson étant un homme influent et un des donateurs à la chaire de recherche d’Harvard, il fut si simple d’inscrire Alyona dans l’une des meilleures universités au monde. Remplir un formulaire pour sauver les apparences, glisser une enveloppe contenant un généreux magot au responsable des admissions et le tour est joué. Alyona Vera Semenovitch est désormais une étudiante d’Harvard.