Tu vois la connasse là, aux allures et manières bourgeoises, vêtue de la courte robe noire dernière collection Chanel, dans la cour du lycée, qui est en train d'humilier publiquement cette fille parce que son sac est totalement démodé, suivi de près par ses meilleures amies, ses chiennes en réalités, ses toutous qui profitent de sa popularité pour pouvoir se faire remarquer et briller, et qui ne peut se détacher de son air arrogant et son expression « j'suis meilleure que vous tous, bande de loosers ? « Eh bien, cette connasse, c'est toi Théa. Petite fille de riche pourrie gâtée par excellence, née avec une cuillère en or, tu as toujours cru que le monde serait, si tu le demandais, à tes pieds. Une bitch, comme les autres t'appellent, comme si tu en avais quelque chose à foutre de l'opinion des gens, surtout ceux qui n'appartiennent pas à ta classe sociale. Cependant, il faut avouer que l'éducation que tu as reçu y est pour beaucoup. En effet, étant la cadette de la famille, après ta grande sœur, tes parents ne t'ont jamais rien refusé, surtout ton père, qui vouait une adoration pour ses deux filles. Ton père ? Sergueï Leonov, ministre des affaires étrangères russes.
Provenant d'une famille aisée, ayant fait fortune grâce au pétrole, Sergueï est né et a grandi dans la capitale russe. Élevé dans un environnement plus que confortable, malgré l'alcoolisme de son père et les fréquentes disputes que cela engendrait et une mère qui le chérissait, le jeune homme entreprend de brillantes études de droit et politique à l'université de Moscou. C'est d'ailleurs à cette époque que Sergueï rencontra celle qui devint sa femme par la suite, Irina Korjaïev, une étudiante en journalisme, ayant quitté l'Ukraine, son pays natal, pour ses études. Après avoir obtenu son diplôme avec des félicitations, Sergueï décida de s'engager pendant quelques années au sein de l'armée, où il atteint rapidement un haut grade, celui de Général de division. Connu pour son sérieux, son autoritarisme et sa détermination de fer, Sergueï commence ensuite à s'intéresser plus en profondeur à la politique de son pays, abandonnant finalement son poste militaire pour intégrer en tant que député, dans un premier temps, le parti de droite de Boris Gryzlov, «Russie unie», relayé ensuite à Vladimir Poutine. Ce dernier, ayant eu connaissance des valeurs patriotiques et conservatrices de Leonov, notamment lors de ses années dans l'armée, le nomme très vite ministre des affaires étrangères, dans lequel il montre de grandes compétences et excelle, accompagné la plupart du temps par sa femme Irina. Aînée d'une fratrie de trois enfants, Irina est née et à vécu jusqu'à ses dix-huit ans à Kiev, en Ukraine, avant d'intégrer l'université de Moscou, en Russie, pour entamer des études de journalisme, ayant une passion évidente pour l'écriture. Appartenant à une famille noble, célèbre de la haute société, la jeune femme n'a manqué de rien financièrement parlant, et a été élevé dans de strictes conditions, afin d'être conforme à l'image que leur famille renvoyait. Suite à sa rencontre avec Sergueï à l'université, et après sa proposition, Irina accepte de se mettre en couple avec lui, avant qu'il ne lui demande sa main un an plus tard, ce à quoi elle dira oui. Des noces célébrées en grande pompe devant tout le bon gratin russe et ukrainien, à laquelle s'ensuivit une lune de miel dans les îles caribéennes. Une union heureuse, des époux qui se complètent, et notamment le fait qu'Irina encourage et supporte son mari dans son travail de ministre mais également qu'elle véhicule si bien les valeurs du christianisme orthodoxe ravit le peuple.
Quelques mois plus tard, la jeune femme apprend qu'elle est enceinte, une nouvelle qui couvre de bonheur leurs familles respectives ; et après concertation avec son mari, Irina décide d'abandonner complètement son métier de journaliste pour se pavaner au côté de ce dernier, une décision que les Korjaïev n'approuve pas cependant. Selon eux, leur fille devrait continuer à travailler et ainsi gagner en indépendance, et ce, même s'ils n'ont aucun souci à se faire pour l'aspect financier. Mais Irina ne les écoute pas, et neuf mois plus tard, l'aînée du couple, ta grande sœur, naquit. Lilia Korjaïev-Leonov. Quatre ans plus tard, ta mère tombe à nouveau enceinte. Et c'est le 12 février 1992, à minuit dix, que tu es venue au monde. Siri Théa Aïlis Korjaïev-Leonov. Le dernier bijou de la famille.
Grandissant dans une luxueuse et immense villa, implanté dans un quartier résidentiel chic et calme de Moscou, ta sœur et toi aviez eu une enfance plus qu'heureuse, obtenant absolument tout ce que vous souhaitiez, et vivant dans un havre de paix. Étant donné le travail prenant de votre père, qui tentait de vous tenir le plus loin possible de la vie politique dans laquelle il était impliqué, et l'absence de votre mère occupée à accompagner son mari dans tous ses déplacements et à se montrer dans la bonne société du pays, vous aviez été principalement élevé par une gouvernante, Mélina, que vous adoriez et qui vous couvrait d'amour, vous traitant comme ses propres filles. En plus de Mélina, Lilia prenait son rôle de grande sœur très à cœur, dès son plus jeune âge, se souciant de toi comme une petite mère. C'est d'ailleurs influencée par cette dernière, que ton caractère s'est formé. Car oui, les petites Korjaïev-Leonov étaient déjà redoutables à cette époque. Les bibelots de fortune qui se cassaient suite à vos courses poursuites dans la maison, la farine que vous renversiez dans les cheveux des cuisinières, ce qui les rendaient folles, la tête des poupées de vos cousines que vous coupiez pour les faire pleurer, quand vous vous enfermiez dans la salle de bain et laissiez couler l'eau de la baignoire partout pour créer une sorte de piscine. Infernales, voilà ce que vous étiez.
A l'âge de trois ans, tu as été envoyé au meilleur jardin d'enfants de la capitale, l'équivalence de la maternelle. Tu n'as pas apprécié du tout, te mettant à pleurer dès que ta mère t'a lâché la main pour repartir sans toi, pas habituée à te retrouver seule dans un lieu inconnu. Et cet endroit ne ressemblait clairement pas à une boutique Gucci où Irina t'emmenait de temps à autre. Non, ici, il y avait plein d'autres gamins, des jeux partout dans la salle, et une maîtresse qui organisait votre journée. Ne pas pouvoir faire ce que tu voulais, ça t’énervait déjà à cette époque. De plus, ta sœur n'était même pas avec toi. Si bien que tu restais dans ton coin, boudeuse et silencieuse, refusant de ta mêler aux autres. Ça ne t'intéressait absolument pas de participer, préférant largement rester tranquillement dans ta chambre aux murs de couleur lilas. Mais malheureusement, on te déposait chaque matin, à une heure où tu aurais préféré rester dans ton lit, à l'école, contre ton gré. Et malgré tes innombrables crises, on n'a pas cédé à tes caprices. Lorsque tu as finalement compris que rien ne changerait la décision de tes parents, tu as commencé à causer des troubles, pour ton amusement personnel, tirant les cheveux des fillettes et leur faisant des croches-pattes, te bagarrant avec les garçons, désobéissant à la maîtresse. Et même si tu te faisais chaque fois punir pour tes bêtises, tu n'as jamais cessé d'en faire, forgeant ainsi ton caractère. A cette époque-là, tu as fais la découverte d'une passion qui deviendra tienne ; la danse classique. En effet, un soir où ta mère t'a emmené voir un ballet, tu as été émerveillée par toutes ces danseuses en tutu, telle des princesses, esquissant des mouvements si gracieux. C'était tellement beau, qu'à peine sortie, tu as dis à Irina que tu souhaitais en faire à ton tour. Et le lendemain, tu étais inscrite au Théâtre Bolchoï.
Douze ans. Le début de l'adolescence. Tu étais devenue une très jolie jeune fille, Siri ; un visage parfaitement ciselé, de magnifiques yeux bleus, et une corpulence fine. La collégienne que tu étais alors n'avait pas changé d'un pouce de l'infernale gamine que tu avais été plus petite. Tu séchais les cours au profit des escapades avec tes amis, pour aller fumer des cigarettes et joints, aller faire du shopping avec Lilia, te rendre à tes cours de danse entre autres... Car les cours scolaires ne t'intéressaient pas. Pourtant, tu récoltais tout de même d'excellentes notes, surtout pour tout ce qui concernait les mathématiques, sans même avoir besoin de travailler ou de réviser. C'était d'une logique, de ton point de vue en tout cas. Tous les problèmes annoncés, tu les résolvais de manière ultra rapide, et si facilement. Une grande intelligence, probablement hérité de tes parents. D'excellentes notes certes, mais les appréciations, elles, n'étaient pas terribles. Bavarde, absente, qui dérange la classe, malpolie... Et encore tellement d'autres, qui tâchaient tes bulletins. Si bien qu'à la vue de ce désastre, ton père, qui ne pouvait rester de marbre, et après de nombreux sermons, décida de t'envoyer dans une école plus stricte. Si au début, tu as tenté de protester et exprimer ton désaccord, suite à la sourde oreille de Sergueï, tu as finalement décidé de te ranger à sa décision. Mais l'effet escompté n'a pas eu lieu. Hors de question de devenir une élève modèle, et ressembler aux intellos de ta classe, assis au premier rang de la salle, qui écoutent de manière avide les propos des enseignants. Certes, tu te pliais aux règles de bonne conduite, mais une fois le cours terminé, le naturel revenait au galop.
Du moins au début. Car, avec l'entrée au lycée, ton comportement change de tout au tout, ravissant ta famille. Plus distinguée, plus posée, tu décides de mettre un terme aux soirées trop arrosées ainsi qu'aux drogues douces et autres substances illicites, afin d'améliorer ta réputation, notamment en vue des inscriptions à l'université. Car en effet, tu as obtenu ton diplôme de fin de lycée avec succès. Le baccalauréat français quoi, mais en russe. Et étant donné le nom de famille prestigieux de ta famille mais également grâce à ton livret scolaire quasi-irréprochable, les anciennes appréciations exclues, les meilleures universités du monde t'ont ouvert leurs portes. Et c'est sans hésiter que tu as opté pour celle de Moscou, tout comme tes parents. Trois ans là-bas, avant de réaliser que tu souhaites ardemment étudier en Amérique, bien que ton père ne soit pas vraiment pour. Mais réussissant à t'imposer, tu décides de t'inscrire à Harvard ; d'une, parce qu'elle réputée pour son enseignement parfait, et souhaitant étudier les relations internationales ainsi que les neurosciences, et continuer la danse classique aussi, c'était un choix adéquat, et de deux, pouvoir te rendre aux États-Unis, loin de la pression familiale. Et donc, septembre arrivé, bonjour Harvard !