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Qu'une Eliot ait dormi chez les Mather la nuit du deux mars n'avait échappé à personne. Non que Kaleigh soit plus reconnaissable qu'une autre au sein de la population d'Harvard mais, la jeune femme portait en elle la prétention et la supériorité propre à sa maison. Vous avez probablement entendu les dernières nouvelles; les Mather ont saccagés la maison des Eliot il y a quelques jours déjà, rendant nos petits snobs fous de rage. Les Cabot sont venus prêter main forte en aidant à la rénovation de la maison et ont accueillis les Eliot n'ayant de chambre ou se loger. Habituellement, notre jeune étudiante en musique aurait été la première à se lever pour les accueillir, histoire de faire bonne figure, de se donner bonne conscience; il en avait été tout autrement.Je ne me sentais pas bien et ça allait de mal en pis. J'ignorais de quels maux je souffrais mais savais au plus profond de moi-même qu'une chose clochait. J'avais tout d'abord un mal fou à me concentrer et le manque de sommeil n'aidait en rien mon inattention. Et pourtant j'essayais à l'aide de tisanes et de relaxation de m'endormir, rien n'y faisait, mes nuits se faisaient de plus en plus courtes et mon appétit n'allait pas en augmentant. Curieusement anxieuse, je cherchais ce qui pouvait me mettre dans cet état nuit et jour et m'agaçais à ne trouver aucune réponse susceptible de me satisfaire. Je ressentais un curieux mal-être, comme une impression d'étouffer, une impression de confusion telle qu'il m'arrivait depuis quelques jours de me demander quel jour nous étions et où je vivais.
Depuis quelques semaines déjà, soit après la Saint Valentin, j'avais refusé à Sasha l'accès à mon corps, prétextant avoir mes règles et me sentir malade. La vérité est que je n'éprouvais aucun désir physique, pour lui et de manière générale. Je me sentais vidée comme épuisée de tout plaisir de la chair, abandonnée, las des sentiments amoureux. Croiser Elie ces dernières semaines dans les couloirs avait été un véritable calvaire alors que nous avions du mal à nous voir entre les cours lorsque nous étions ensemble. Je m'étais demandée pour chaque homme avec qui elle parlait s'il s'agissait de lui; de l'inconnu, du Valentin Secret. J'avais imaginé mille scénarios, mille visages... J'avais soudoyé quelqu'un pour la suivre un soir, j'avais reçu une photo, Elie prenant un verre avec un jeune homme flou comme l'indiquait le cliché. J'en avais déduis que ma curiosité et ma jalousie m'avaient mené à une impasse. Elie avait des amis, des connaissances masculines, je n'arriverais donc jamais à trouver son valentin et peut-être ne l'avait-elle pas revu, comme elle me l'avait dit. Et puis j'avais occulté ma jalousie pour m'occuper de mon petit-ami, trop angoissée à l'idée qu'il découvre ma trahison, imaginant que mon ex petite-amie l'avait retrouvé pour tout lui dire. Il n'en avait rien été. J'étais aussi pitoyablement que tristement dans la même position, coincée avec Sasha. A cette pensée, je tentais de me ressaisir. J'étais heureuse avec lui, très heureuse même, j'en étais amoureuse, totalement. Il me comblait. Sasha était... c'était un homme. Tout simplement.
« J'ai besoin de toi, j'arrive. » Avais-je dit au téléphone, bouleversée par la nouvelle que je venais d'apprendre. Je n'aimais ni prendre les gens de court, ni l'inverse, cependant j'oubliais mes manières et mes habitudes pour me précipiter chez mon petit-ami, profitant qu'un Mather sorte pour bénéficier de l'ouverture de la porte. Montant quatre à quatre les escaliers, je frappais trois coups rapides à la porte. Mes jambes flanchaient, cédant sous le poids du choc. Sasha devait sûrement être au courant de la nouvelle, j'ignorais s'ils se connaissaient. A vrai dire ça importait peu, ça ne changeait rien aux faits. Lorsqu'il ouvrit la porte, je ne me précipitais pas dans ses bras et me contentais de le regarder rapidement avant d'entrer, déposant mon manteau sur une chaise et mon sac à côté du lit, m'asseyant dessus avec mes bottes couleur camel et mes cheveux attachés en chignon lâche sur ma nuque. « Cora est morte. » Je ne versais ni larmes, ni discours mélo-dramatique. Je me contentais de regarder le vide, sentant que j'avais besoin de quelqu'un, besoin de quelqu'un qui me connaissait un minimum et d'assez proche pour me réconforter physiquement. « La jeune fille qui est morte dans l'accident de voiture... c'était une amie. Une Eliot. » Baissant le regard, je me sentis bête. Curieusement bête et j'ignorais pourquoi. Regardant à côté de moi, je touchais la couette et glissais un pan entre mes doigts. « Tu as changé tes draps... » Constatais-je. « J'aime bien. » Murmurais-je en esquissant un faible sourire.
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