Lisa, Billie, Sidney & May ✿ Who run Harvard? Eliots!

Je poussais machinalement la porte sans grande conviction. Encore un amphithéâtre, quelle surprise... Ce n'est pas comme si c'était ce que j'avais trouvé derrière les 12 dernières portes que je venais d'ouvrir. Heureusement celui-ci n'étais pas occupé par une classe en plein cours comme le précédent. Je refermais la porte en soupirant et continuait mon exploration. Je n'avais décidément aucun sens de l'orientation, cela faisait peur - et peine - à voir. J'avais beau être à Harvard depuis un mois maintenant, je ne m'habituais toujours pas au labyrinthe que constituait le bâtiment des salles de cours et aujourd'hui encore je n'en retrouvait plus la sortie. Je devais tourner en rond depuis bien trente minutes, les autres étudiants de mon groupe avaient disparu depuis belle lurette et en cette fin de journée le Tercentenary Theatre était quasiment vide. Je ne pouvais donc compter que sur moi même pour me sortir d'ici... ou peut-être pas finalement! Au détour d'un couloir je remarquais alors deux personnes qui quittaient un amphithéâtre. Sautant sur l'occasion, je m'approchais d'eux tout sourire et prenait mon ton le plus distingué : « Bonsoir! Excusez-moi de vous déranger mais je me suis perdue, seriez-vous assez aimable pour m'accompagner jusqu'à l'Eliot House je vous prie? » Ne pas oublier les règles élémentaires de politesse. J'attendais leur réponse en battant gentillement des cils, toujours avec le sourire.

Réveillé par les bruits stridents du micro, j’émerge doucement de mon sommeil pour me retrouver au milieu d'un amphi, entouré d’inconnus. Bon sang, j’ai dû m’endormir lors de mon cours deux heures plus tôt, un peu trop longtemps, et me voilà prisonnier entre deux rangs d’élèves. Parmi eux, un seul visage familier, celui de Billie, une bizute Mather que j’ai pu croiser plusieurs fois sur le campus. L’occasion de me sociabiliser un peu. Je l’interpelle d’un signe de la main. « C’est quel cours, là ? » Histoire de savoir où j’ai atterri.
Heureusement, cinq minutes plus tard arrive ma délivrance : la fin du cours. Tout le monde se lève, moi je remballe mes affaires –c’est-à-dire le sac à dos qui m’a servi d’oreiller- et suis le reste de la foule à l’extérieur de l’amphithéâtre, en compagnie de Billie. « Alors, ça se passe bien ton bizutage ? » Je continue de discuter avec elle jusqu’à ce qu’une autre jeune femme nous aborde. D’un regard, je la dévisage. Plutôt mignonne, un de ces minois qui respire l’innocence. Et qui a l’air totalement perdue, puisqu'elle nous demande quelques indications pour la guider vers la Eliot House. Ah. Les Eliot, nos chers amis. Je lui adresse mon sourire le plus charmeur, la pauvre n’a rien fait de mal, elle a juste choisi le mauvais camp. « Ca dépend, tu veux visiter ma chambre sur le chemin ? Oublie les Eliot, chez les Mather on est plus accueillant. », en terminant ma phrase par un clin d’œil.

Qu'est-ce qu'il était long, ce cours. Et ça n'aidait pas qu'il fasse beau dehors. Je n'avais pas totalement dessaoulé de la fête de la veille, je crois bien que j'avais écrit trois ou quatre fois le mot "lapin" dans mes feuilles. Je n'avais qu'une envie, c'était de fumer une clope en me dorant la pilule au soleil. Sauf que j'avais décidé de me pointer à mon cours et maintenant, je n'avais plus le choix. Quand Sidney m'interpella, je me tournai vers lui avec un sourire au coin des lèvres. Je l'avais repéré en entrant dans l'amphi, assoupi sur une table. Il n'était pas dans ma filière je crois, donc il n'avait rien à faire là logiquement. « C’est quel cours, là ? » - « Design graphique et multimédia, » lui dis-je en riant un peu. Le prof nous libéra - hallelujah - alors nous nous empressâmes de sortir. « Alors, ça se passe bien ton bizutage ? » Je haussai les épaules en sortant une pomme de mon sac. Pourquoi j'avais ça, moi ? « Ça avance, j'en suis à la moitié, on va dire. Et l'tien ? » Il allait me répondre, quand une jeune fille blonde débarqua et se posta devant nous. Elle avait l'air un peu trop joviale. « Bonsoir! Excusez-moi de vous déranger mais je me suis perdue, seriez-vous assez aimable pour m'accompagner jusqu'à l'Eliot House je vous prie? » Oh, une Eliot. C'était pas le moment. J'étais une ancienne Eliot mais depuis le Housing Day, j'avais sérieusement du mal à les dissocier des conneries de leur bizut qui avait blessé une Mather. « Ca dépend, tu veux visiter ma chambre sur le chemin ? Oublie les Eliot, chez les Mather on est plus accueillant. » Je ris ; la petite nouvelle allait directement goûter à la rivalité Mather/Eliot. « Oh, si tu veux on peut te montrer le chemin. Il y a un raccourci, » ajoutai-je avec dans l'idée de la mener partout sauf à la Eliot.