▽oh darling don't you ever grow up, it could stay this simple. manoir stanbury beaufort, liverpool, angleterre. ; 1992. phoebe et nereida ●● Liverpool la belle, Liverpool la grande, Liverpool l'immortelle, c'est là-bas que commence cette histoire. Parmi la foule se précipitant au dernier moment à travers les rues enneigées de la ville portuaire à la recherche d'ultimes cadeaux de noël, on peut apercevoir une jeune femme âgée d'à peine vingt ans, vêtue d'une robe noir et d'un tablier crème, se prélasser sous les flocons. Les gens autour d'elles sont nerveux et impolis, la bousculent sans même s'excuser, mais elle n'y fait pas attention. Tout en serrant son sac de provisions fort contre soi, elle se fraie un passage au milieu de la foule. Ses pas étouffés par l'épaisse couche blanche recouvrant les trottoirs, elle sent la tranquillité l'envahir alors qu'elle arrive aux abords de la ville, là où le trafic se fait plus discret et où les demeures, quant à elles, vous surplombent de toute leur somptuosité. Ici, les gens sont moins nombreux et c'est d'un léger signe de tête et d'une élégante révérence qu'elle les salue : pas question de nuire à la réputation de la famille. Petit à petit, au fond de l'allée se dessine un énorme portail doré, brillant, comme illuminé par un aura doux et magique. Le plus beau du quartier, sans aucun doute. Devant ledit portail se tient un homme vêtu d'un costume trois pièces et portant d'élégants gants blancs. C'est John, le portier du manoir, que la jeune Nereida connait depuis sont arrivée dans la métropole portuaire. « Vous êtes toute en beauté aujourd'hui mademoiselle Nereida. » dit-il tout en ouvrant les grandes portes du portail. La jeune femme se contente d'un sourire gêné et continue son chemin, traversant l'immense jardin, d'habitude si vert mais si féerique aux premiers flocons de neige. Liverpool et la neige, comme une histoire d'amour. Les premières années en Angleterre furent difficiles pour Nereida : troquer les plages azures du Brésil pour le ciel gris de l'Angleterre n'est jamais quelque chose de facile à faire. Pourtant, elle avait fini par s'habituer aux averses incessantes et aujourd'hui, si on lui donnait le choix, elle ne reviendrait en arrière pour rien au monde. L'intérieur du manoir est lui bien plus chaud, mais tout aussi accueillant. Du vestibule d'entrée elle peut entendre diverses voix et le crépitement du feu dans la cheminée : noël chez la famille Stanbury Beaufort a toujours été une fête spéciale, et ce n'est sûrement pas aujourd'hui que cela va changer. Rapidement, elle ôte son manteau et le range au vestiaire, là où s'entassent les vestes de la vingtaine d'invités déjà arrivée. Sentant son coeur se mettre à battre légèrement plus fort, elle passe une main souple dans ses cheveux, essayant vainement de se recoiffer. Gracieusement elle se rend au salon, saluant au passage Ruby, la femme de ménage. Arrivée dans la pièce principale, c'est d'une énième révérence qu'elle marque sa présence. Personne ne la salue, personne même ne lève les yeux. Elle en a l'habitude. Debout à l'entrée de la pièce elle attend, les bras croisés derrière le dos. Ses yeux se baladent discrètement sur les gens présents ce soir, elle ne les connaît que trop bien : les familles les mieux loties de toute la ville. Madame et Monsieur Goodison, directeurs du plus grand restaurant de la ville, Monsieur le maire et sa femme, Monsieur et Madame Cavanaugh, qui eux sont les héritiers de la plus grande maison horlogère de la ville, et tant d'autres. Ce n'est qu'une dizaine de sourires et discussions toutes aussi hypocrites les unes que les autres que la maîtresse de maison, Ambre Stanbury Beaufort, ne se rend compte de sa présence. Un léger sourire aux lèvres en guise de salut, elle s'approche gracieusement, aussi douce qu'une plume. « Mademoiselle Nereida, allez réveiller la petite de sa sieste et la préparer pour l'occasion voulez-vous : un premier noël est toujours une étape importante. Et dites aux jeunes là-haut de descendre, l'apéritif a commencé depuis un certain moment maintenant. » « Oui Madame Stanbury. » Sans plus un mot elle emprunte le grand escalier, le tapis recouvrant les marches empêchant les marches de grincer sous son poids. Le Manoir des Stanbury Beaufort, contrairement a la majorité des autres manoirs de la région, la caractéristique de renfermer de nombreux chefs d'oeuvres de la peinture moderne, rendant la bâtisse encore plus impressionnante qu'elle ne l'est déjà : les hauts plafonds, les colonnes et les murs en marbres, tout ce dont rêve la plupart des gens. Les couloirs sont longs, interminables, et les pièces nombreuses, c'est pourquoi ce n'est que cinq minutes plus tard qu'elle atteint la chambre du bambin. Grâce à deux coups contre la porte massive de la pièce, elle fait part de sa présence aux deux autres enfants présents, se permettant d'entrer suite à leurs sourires respectifs. « Mademoiselle Stanbury, Monsieur Cavanaugh, vos parents vous demandent dans le grand salon : la cérémonie a commencé il y a quelques minutes. » Alors que les deux enfants quittent la pièce, leur éclat de rire brisant le silence apaisant de l'étage, la jeune brésilienne se penche au dessus du berceau de la plus jeune des Stanbury, couvant du regard la petite créature couchée dans ce dernier. Le bambin, à la vue de son visage, laisse échapper un son joyeux et tend les bras, réclamant plus d'attention. Nereida, attendrie par tant d'amour, ne peut que craquer et la prend dans ses bras, faisant attention à ne faire aucun faux mouvement. Déposant un léger baiser contre son crâne, elle l'entraîne dans le dressing, prête à la changer. « Allez Mademoiselle, il est temps de se faire toute belle. » Le rire répondant à sa phrase ne fait que de l'attendrir un petit peu plus, si cela est encore possible.
▽ obsessed by you, your looks, well, anyway, i would any day die for you. liverpool, angleterre. ; 2008. phoebe et steven ●● Steven a tout pour plaire : son sourire en ferait craquer plus d'une, ses yeux bleus comme l'azure donnent des envies de voyages et d'inconnu. Sa voix, si grave et pourtant si douce, comme une mélodie qu'on aimerait entendre sans répit, jour et nuit, hante les pensées de la jeune Stanbury Beaufort. Steven est un artiste, un musicien né, talentueux. Un don tombé du ciel, que d'autres jalousent tant. Steven aime Phoebe, et la jeune fille l'aime aussi. Mais Steven n'est pas noble. C'est pourquoi ils doivent se cacher. Leur histoire est passionnelle, intense, jamais ennuyeuse, interdite. Ils se retrouvent le soir, loin du regard méprisant et mesquin de la haute société scouse. Seulement là alors se sentent-ils en liberté, en harmonie. Leurs rendez-vous sont peu nombreux et pourtant cela donne tout son charme à leur relation : elle est complexe, les autres n'accepteraient sûrement pas. Phoebe le sait très bien : si ses parents l'apprenaient, alors elle serait foutue. Mais elle l'aime. De tout son corps, det tout son coeur, de toute son âme, et pour rien au monde elle ne changerait ça. Dehors, le ciel est noir et dégagé. Pas un bruit ne perturbe le silence presque pieux du manoir Stanbury Beaufort. Dans la poche de la jeune femme, son téléphone portable vibre. Il est temps pour elle de partir : il l'attend. Dans l'antichambre elle se retrouve face à face avec celle qui avec le temps est devenue son unique amie, la seule en qui elle peut avoir confiance, celle vers qui elle se dirige en cas de détresse. Nereida. « Courrez Mademoiselle Stanbury, je vous couvrirai en temps venu. » « Combien de fois t'ai-je dis de m'appeller Phoebe, Nere ? » Ce n'est que quelques mètres plus loin qu'elle se retourna, un sourire sincère aux lèvres. « Merci. » Dehors, les rues sont silencieuses et personne ne semble se promener à une heure si tardive. Dans sa poitrine, son coeur bat la chamade, dans son ventre, les maintenant fameux papillons se font une place. Deux semaines qu'elle ne l'a pas vu. Deux semaines d'ennui, de peur, de besoin, de manque. Deux semaines, longues, interminables, d'attente. Enfin, l'Albert Dock se dessine au loin et déjà elle peut entendre le clapotis de l'eau. Alors qu'elle s'apprête à franchir les derniers mètres la séparant de leur point de rencontre, une main se saisit de son poignet, la stoppant dans son élan. Son coeur s'arrête : cette partie de la ville n'a jamais été un endroit très recommandé pour des jeunes filles seules. Ce n'est que lorsqu'une paire de lèvres frôle son oreille que son coeur reprend définitivement un rythme normal. « I've missed yer so much. » Son accent la fait sourire. Celui de la rue, celui qu'elle aime tant. Pas celui de la noblesse, malheureusement. Sans plus attendre elle se retourne et ses lèvres trouvent celles du jeune homme. Instantanément, ses mains viennent se perdre dans la chevelure du jeune homme, tirant légèrement sur les mèches soyeuses. Elle se sent en sécurité, libre, heureuse, complète. Lorsque les mains de Steven sont sur ses hanches, elle se sent prête à tout, prête à conquérir le monde et à découvrir l'inconnu, prête à s'en aller, à partir loin, loin, à courir sans plus jamais ô grand jamais se retourner. « Tu m'as tellement manqué. » Ses paroles ne sont que des murmures et pourtant, dans le silence inquiétant de la ville, ces quelques mots résonnent comme un cri. Un cri de détresse, de dépit, d'amour. Un cri de désespoir, d'attente, de ras-le-bol. Tout le poids qui a pesé sur les épaules de la jeune femme ces dernières semaines s'envole avec ses paroles, cet aveu. « Je ferais n'importe quoi Stevie, n'importe quoi... » « Je sais ma Rose, ne t'inquiète pas. Tout ira bien. » Et c'est là, dans le secret et le mystère de la nuit que leurs deux corps s'enlacent, s'embrassent, se retrouvent. Dans la chaleur et le rythme brûlant de leur amour, un amour sans fin et sans limites, un amour passionné et passionnel, charnel, sensuel, qui leur est interdit et qui pourtant donne un sens à leurs vies.
▽ tell me now where was my fault, in loving you with my whole heart? manchester airport, angleterre. ; 2008. phoebe et l'inconnu ●● 'Phoebe, j'aurais aimé ne jamais avoir à faire ce que je suis entrain de faire, mais on ne m'a pas laissé le choix. Vous devez quitter la ville, que cela vous plaise ou non. Vos parents ne veulent plus vous voir fouler les trottoirs de la ville avant nouvel avis. Vous partirez ce soir même, pour New Heaven, dans le Connecticut. Ils veulent vous envoyer le plus loin possible pour un certain laps de temps, Dieu seul sait combien de mois, combien d'années même peut-être, mais ils veulent laisser le temps aux gens d'ici d'oublier tout ça, ils veulent que tout cela s'oublie et ne soit plus qu'un triste souvenir. Vous savez comment marche la société ici : un seul faux pas ne pardonne pas. Vous êtes à présent fichée, et vous devez vous en aller si vous voulez un jour peut-être retrouver votre réputation d'avant. Vos parents, votre soeur et moi allons bientôt partir pour la maison de campagne et vos géniteurs m'ont tout bonnement interdit de vous réveiller. Cela me tue de faire ce que je suis entrain de faire, Mademoiselle Phoebe, je peux vous le jurer. J'ai vu le regard de votre mère lors ce qu'elle a vu ces photos en premières pages du journal, et je l'ai comparé avec le votre sur ces mêmes photos, Mademoiselle Phoebe, et ce que j'ai vu m'a brisé le coeur. J'ai vu les étoiles dans vos yeux, je les ai vu briller et sourire : j'ai vu le bonheur dans vos yeux Phoebe. N'importe qui pourrait voir que vous êtes heureuses lorsque vous êtes aux côtés de cet homme. L'accepter est une autre chose, et vous connaissez vos parents bien mieux que moi. Je vous le redis encore une fois, j'aurais aimé ne pas avoir à faire ça. Vous séparer, c'est la pire tâche que l'on ne m'a jamais attribuée. Dans cette enveloppe se trouve un billet d'avion, celui qui vous attendra ce soir. Partez loin, et voyez ce départ comme une échappatoire, comme une chance. Je sais que c'est dur, que ça vous tue de l'intérieur : moi aussi j'y ai eu droit, il y a de ça dix-huit ans maintenant. Et aujourd'hui, je ne changerai ça pour rien au monde. Pour avoir eu la chance de vous rencontrer, vous, mon petit diamant brut. Je ne devrais sûrement pas vous écrire tout cela, Mademoiselle Phoebe, et si jamais votre mère demande à lire cette lettre avant que je ne vous l'envoie, je ne remettrai certainement pas les pieds dans votre Manoir, mais je me dois de le faire. Je voulais vous remercier, pour tout ce que vous avez fait pour moi, sans même vous en rendre compte. Pour m'avoir redonné goût à la vie après avoir quitté toute ma famille, pour m'avoir fait sentir à part, aimée. Vous avez été comme une enfant pour moi, Mademoiselle Phoebe, et vous voir partir me donne envie de fondre en larmes, mais je sais, tout au fond de moi, que c'est pour votre bien et je sais que vous arriverez, un jour ou l'autre à vous retrouver. Vous êtes jeunes tous les deux et avez toute la vie devant vous. Je crois en vous, Mademoiselle Phoebe, et je sais que vous allez faire de grandes choses. Du fond de mon coeur, je vous embrasse, et vous souhaite tout le meilleur pour votre futur. Merci. Pour tout.' « Last call for passengers travelling to Boston, Massachusetts. Please proceed immediately to gate number 32. » Les jambes lourdes et les yeux encore plein de larmes prêtes à tomber, la jeune Stanbury se lève de son siège et c'est d'un pas lent qu'elle se dirige vers la porte d'embarquement : embarquement pour une nouvelle vie. Passport à la main, prête pour un dernier contrôle, elle se permet de jeter un ultime regard en arrière. Non, elle ne pleurera pas, elle ne leur fera pas ce plaisir. Un petit sourire à l'hôtesse de l'air et il est temps pour la jeune Phoebe de rejoindre son siège. Alors que l'avion prend son envole, ses yeux ne quittent pas la terre. Un dernier souvenir. Adieu le protocole, l'hypocrisie, les petits fours et la haute société. Adieu les formules de politesse en veux tu en voilà, les banquets interminables. Aujourd'hui, pour la jeune Stanbury, c'est le commencement d'une nouvelle vie, un renouvellement. « Bonjour New Heaven, bonjour l'Amérique. »