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Je m’installe au piano. Mes doigts effleurent les touches lentement, de la plus aigüe à la plus grave. Je les frôle, de sorte que le seul son dans la salle soit celui de ma respiration ; elle aussi abordant des notes de temps à autres aigües puis graves. Du bout des doigts, je joue les premières notes de la chanson « Wake Me Up » d’Avicii mais m’arrête, laissant un bruit étouffer emplir l’air. Je tourne mon poignet vers le ciel et y observe le « L » calligraphique qui y est imprimé ; je me demande toujours pourquoi j’ai fait ça. C’est vrai qu’à l’époque je pensais que ça me servirais de leçon après avoir gagné mais maintenant… je luttais constamment pour lui donner une autre signification que « Leucémie » : « - Lavender, Life, Lendemain, Liberté… » Dis-je à voix basse. Mais j’aurais tous t’aussi bien pu dire d’autres mots moins ambitieux. Je joue les notes suivantes. L’acoustique de la pièce est époustouflante. Par la porte entrouverte, je sens le léger parfum du petrichor de fin d’été emplir la salle. Ça me rappelle mon chez moi. Les collines verdoyantes et l’embrun de l’Irlande me revienne alors que je chante bas les première paroles : «Feeling my way through the darkness… Guided by a beating heart… I can't tell where the journey will end… But I know where it starts…» Je me retourne violement, vérifiant que je suis bien seul ; et je le suis pour le moment. J’ai envoyé un sms à Bethany pour qu’elle vienne me rejoindre ici mais cela dit, j’ai peur de me faire rembarrer quand elle va entendre ce que j’ai à lui dire. Mais ce regard… je le connais tellement bien, à force de le voir presque tous les matins dans le miroir, que l’avoir aperçu dans ces yeux me laisse encore et toujours perplexe. «They say I'm caught up in a dream… Well life will pass me by if I don't open up my eyes… Well that's fine by me…»; ma voix se fait plus forte. C’est fou comme le passé des gens affect leur vie présente. Et même si dans mon cas, je ne parle pas vraiment de « passer », j’ai appris à faire avec. «So wake me up when it's all over… When I'm wiser and I'm older… All this time I was finding myself… And I didn't know I was lost…» J’entends la porte se fermer. Mes doigts quittent alors le piano pour saluer Bethany : « Salut ! Tu vas bien ? » L’avantage de cette pièce, c’est qu’il n’y a jamais personne.
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