Anything could happen feat Bethany

Les feuilles dansaient joyeusement dans la lumière de fin d'été. Les beaux jours allaient bientôt agoniser mais peu importait à notre artiste qui voyait le seul intérêt de la luminosité et non de la période de l'année. Il avait aujourd'hui opté pour le fusain, sa main caressait frénétiquement la feuille de papier sur laquelle son talent se déployait. Il avait décidé de reproduire simplement le paysage qu'il observait, une petite mise en jambe avant la rentrée tout simplement. Le Summer Camp et les festivités étaient bien loin désormais et c'est avec un certain plaisir que le Bostonien retrouvait ses ustensiles de dessin. C'est bien parce que le dessin était sa seule passion  que les études ne représentaient pas pour lui une obligation. Il était ainsi concentré à sa tâche lorsqu'une silhouette se détacha du paysage, fine et frêle, il ne la connaissait que trop bien. Un sourire vint ainsi armer ses lèvres. Toujours assis, il ne prit pas la peine de se lever mais lorsque la Distraite passa à sa portée il entonna : «  Baby Baby Baby ouhhhhhh » Alors que Beth se retournait, Aidan ricanait  bêtement, il ne lui en fallait pas plus parfois. « Tu es redevenue sage pour la rentrée ? C'est bien l'uniforme de la Beth sage que je vois là. » Tout en parlant, il incorporait sa silhouette dans le paysage qu'il dessinait jusqu'alors, donnant au dessin toute l'âme particulière de cette rencontre et du souvenir heureux qui l'accompagnait.

La vie avait repris son cours normal. Le Summer Camp n'était désormais plus qu'un souvenir agréable. Le souvenir d'un été réussi, dans un cadre idyllique, accompagné d'amis. Harvard était de nouveau peuplé d'étudiants. C'était le temps des retrouvailles, des petits nouveaux perdus et des bizutages. Cette rentrée n'était pas un fardeau pour moi. Au contraire, j'étais heureuse de reprendre le chemin des cours. J'étudiais ce qui me passionnait le plus, la musique, et il n'y avait rien de mieux qu'exercer sa passion au quotidien. Je sortais d'ailleurs d'un cours de piano et j'avais du temps libre devant moi. Mes pieds foulaient la pelouse verte qui s'étendait sur le Yard. J'aimais beaucoup cet endroit d'Harvard. C'était paisible. Soudainement, une voix interrompit mes pensées. « Baby, baby, baby ouuuuh. » Je me retournais vivement, un sourire aux lèvres, reconnaissant cette voix. Je vis mon ami Aidan, assis sur un banc non loin, un fusain à la main, une feuille à dessin posée sur ses genoux. Je m'approchais de lui. « Hey, t'as pas le droit de te moquer ! J'espérais que tu aurais oublié ce désastre. » Lors d'une soirée entre mon équipe et les Yodastream, Aidan m'avait défié de chanter une chanson de Justin Bieber, défi que j'avais bien entendu relevé. Je devais à présent en subir les conséquences. « Tu es redevenue sage pour la rentrée ? C'est bien l'uniforme de la Beth sage que je vois là. » Il était vrai que je n'étais pas aussi excitée qu'à cette soirée au Summer Camp. Je possédais deux facettes : une sage que je gardais en journée, et une extravertie que je réservais à la nuit. Peu de personnes connaissaient la seconde facette. Je souriais à Aidan. « N'oublie pas que la Beth déchainée n'est jamais loin. » Je lui faisais un clin d'oeil et me penchait sur son dessin. « Tu dessines quoi ? » J'étais curieuse de voir son talent à l'action.

Bethany avait souvent l'air sage mais elle ne se vexait jamais, au contraire elle était même la première à plaisanter et ça lui plaisait bien chez elle. « Comment oublier ça ! Enfin t'en fais pas y'avait bien pire que toi à cette soirée. » C'était à croire que chacun avait fait des choses insensées, à côté chanter du Justin Bieber, ce n'était vraiment pas grand chose. Il se mit à rire légèrement et rétorqua « J'aime ce dédoublement de personnalité. » Elle lui demanda ce qu'il dessinait. Habituellement, il n'aimait pas trop partager son art, mais l'assurance qu'il avait gagné avec les années et la sympathie qu'il avait pour Beth l'encourageait à se livrer davantage. Il lui fit signe silencieusement de venir s'asseoir à côté de lui. « Rien de transcendant, je fais une reproduction de paysage histoire de m'y remettre doucement. » Pour les artistes, le summer camp avait été souvent synonyme d'abandon des arts, tenir de nouveau des pinceaux avait été aussi salvateur qu'enrageant lorsqu'on constatait qu'on avait perdu quelques habitudes. «  Et toi la reprise ça a été ? » Il savait que Bethany était inscrite en musique et qu'elle pouvait donc comprendre l'exercice salvateur et assidu qu'exigeait un art.

« Comment oublier ça ! Enfin t'en fais pas, y'avait bien pire que toi à cette soirée. » Aidan avait raison sur ce point. Beaucoup de personnes avaient fini dans un piteux état, pour ne pas dire tout le monde. J'avais moi-même quelques moments de la soirée dont j'avais du mal à me rappeler. Ma performance avait certes attiré le regard pendant quelques instants, mais elle avait vite été oubliée. « Heureusement ! Il n'y a que toi pour me pondre un défi comme ça. » Je souriais. C'était notre petit jeu. Nous étions toujours en train de nous défier sur le principe du « cap ou pas cap ». Enfin, Aidan me défiait plus que je ne le défiais. J'étais celle qui avait besoin de repousser ses limites. Mais avant tout, par dessus le jeu, Aidan était un ami. « J'aime ce dédoublement de personnalité. » Peu de personnes me connaissaient sous mon vrai jour. On pensait souvent que je n'étais que la Bethany timide et discrète, alors que je devenais une toute autre personne, extravertie, la nuit. « Shy on the streets, sexy in the sheets. », disais-je avec un clin d'oeil, citant une phrase d'Alison dans Pretty Little Liars, une de mes séries favorites. Aidan me fit alors signe de s'assoir à côté de lui. Alors que je lui demandais ce qu'il dessinait, il me répondit. « Rien de transcendant, je fais une reproduction de paysage histoire de m'y remettre doucement. » Il me montra son dessin et j'admirais son travail. Ce n'était peut-être pas grand chose pour lui, mais je trouvais ça magnifique. « Tu rigoles ? C'est superbe ! Je serais incapable d'en faire autant ! » J'aurais été parfaitement incapable de reproduire ce qu'il venait d'esquisser. Je n'étais bonne qu'en musique. Le dessin ou la peinture n'étaient pas pour moi. Aidan me demanda alors si ma rentrée s'était bien passée. Je lui répondais avec un sourire. « Super ! Je sors d'un cours de piano. Ca fait du bien de vraiment reprendre la musique après deux mois sans beaucoup pratiquer. » Cela m'avait manqué. Je n'avais pas eu le temps d'exercer mon art pendant ces deux mois au Summer Camp. La reprise n'était pas vraiment une corvée pour moi, mais plutôt un réel plaisir.  

Avec elle c'était facile, sans prise de tête, y'avait des personnes comme ça avec qui ça accrochait tout de suite. Pourtant quand on observait la dégaine d'Aidan et la sienne, on se demandait ce que ces deux là pouvaient avoir en commun. Il partit à rire lorsqu'elle sortit sa petite phrase d'on ne savait où. Ouais, il regardait pas Pretty Little Liars lui. Mais en tout cas, il aimait bien ce qu'elle venait de dire. Elle admirait son travail, c'était classique, en même temps si il n'était pas doué il ne serait pas là. « Et moi, je serai incapable de jouer de la musique. Chacun son truc. » lui dit-il en jouant avec ses sourcils et en souriant. Bethany était ravie de sa rentrée, c'était un truc propre aux Lowell ça, être content de reprendre les cours, c'était aussi son cas, et l'université faisait bien exception à la règle. « Carrément, même si on est un peu rouillés pas vrai ? » Cette dernière phrase lui donna une idée, il se tourna alors légèrement vers elle et se pencha. « Allez, cap de me donner des cours de piano tandis que moi je t'apprends le dessin ? » Il regardait Beth avec entrain, ça le ferait marrer de se la jouer Elton John en herbe. « Il paraît qu'un artiste doit être complet. » ajouta-t-il d'un ton faussement hautain, en fait, il voyait surtout une occasion nouvelle de se marrer.

« Et moi, je serais incapable de jouer de la musique. Chacun son truc. » Aidan avait raison. Nous appartenions aux Lowell car nous étions des artistes. Certains étaient des musiciens, d'autres peints, d'autres encore étaient comédiens. Nous étions doués dans notre art mais nous n'excellions que rarement dans plusieurs formes d'art à la fois. « Carrément, même si on est un peu rouillés, pas vrai ? » Je souriais. Il n'avait pas tort. Après deux mois passés à ne pas s'exercer, il fallait un petit temps d'adaptation avant d'être de nouveau au sommet de notre art. Il fallait se remettre dans le bain. « C'est vrai, mais ça va nous revenir vite. C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas ! » C'était une comparaison un peu douteuse, mais bon. « Allez, cap de me donner des cours de piano tandis que moi je t'apprend le dessin ? » J'haussais un sourcil, intriguée. « Il parait qu'un artiste doit être complet. » J'arborais à présent un sourire en coin. Ce n'était pas mauvaise idée. Même si j'étais un pied en dessin, ça pourrait être amusant. Et puis, je ne pouvais pas refuser un défi d'Aidan, surtout quand celui-ci concernait l'art. « J'accepte ! Mais je te préviens, je suis comme un gamin de cinq ans lorsque je dessine... Maisons, arc-en-ciel et bonhommes avec une tête ronde et des traits pour les bras et les jambes ! » Un gamin de cinq ans était peut-être plus doué que moi, d'ailleurs. Je verrais bien si Aidan était bon professeur au point de faire des miracles.  

Le talent en art c'était comme le vélo, ça ne se perdait pas. Ouais, il était plutôt d'accord avec ça, et quelque part heureusement. « Ouais puis c'est pas comme si on arrêtait vraiment de pratiquer c'est juste que sans les cours on est pas autant stimulés à vrai dire. » Il avait rétorqué en riant discrètement, la faculté lui avait apporté une capacité à développer son don,à l'affiner, et il fallait dire que les vacances lui permettait de réaliser comme cela pouvait lui manquer. Faire preuve d'une telle assiduité, ça le surprenait toujours. Bethany lui expliqua qu'elle était très loin d'avoir du talent pour le dessin, il lui donna un petit coup d'épaule et rétorqua : « Je sens que ça va être drôle, parce que moi et la musique c'est un peu pareil. » En danse encore, il se débrouillait à peu près mais alors les instruments laisse-tomber. « Je t'ai même pas encore croisé chez les Lowell, pourtant t'as vu, j'ai relevé le défi, je suis de la maison désormais. » Oui parce que la principale raison de sa présence dans la maison des artistes c'était bien un défi lancé par la gentille personne assise à côté de lui, autant dire que c'était un défi qu'il ne regrettait pas.