your face seemed familiar (spencer/alex)

Ca y est, le Summer Camp est terminé et la rentrée ne va plus tarder. Je n'avais pas hâte, loin de là. Mais en même temps, ça allait de nouveau m'occuper l'esprit côté informatique plutôt que de me prendre la tête avec ma vie personnelle. Du coup, avant que les cours ne commencent vraiment, j'ai décidé de retourner sur le campus afin de voir les modalités de réinscription, comme tous les ans. Le gros bordel ? Bien sûr. Mais il fallait y passer, évidemment. Donc ouais, je m'étais mis en route vers le campus avec la ferme intention de ne pas y rester des heures. J'avais récupéré le dossier pour me réinscrire et j'avais plus qu'à compléter avec les documents manquants. Ça n'était pas sorcier de toute façon. Je reviendrai même aujourd'hui avec tout ce qu'il faut, j'ai pas envie de m'emmerder dix ans à photocopier des papiers inutiles. Mon dossier en main, je ressortais du bureau afin d'accéder au parking devant le bâtiment quand finalement je voyais une blonde qui allait vers moi. Je ne l'avais vue que quelques fois pendant le Summer Camp puisqu'elle était dans mon équipe mais je ne l'avais pas vue auparavant. Le truc, c'est qu'elle me rappelait quelqu'un... Une fille en particulier, de mon passé. Avec qui j'aurai grandi. Mais je n'étais pas certain que ce soit elle. Après tout, j'avais quitté les Strudwick à l'âge de huit ans, donc ça fait un paquet d'années maintenant. Enfin, j'allais très vite le savoir. "Excusez moi !" lui balançais-je alors que j'allais vers elle pour lui parler assez... sérieusement.

Plus de dix ans avaient passé. Spencer était parfois encore surprise de voir son reflet dans un miroir, quasi le même qu'avant, à peine marqué par les années. Ses traits avaient mûris certes, mais s'étaient surtout débarrassés du voile qui les obscurcissaient enfant. Un voile qui prend le nom de peur. De celle qui vous marque même à vingt-six ans, que vous ne voulez rappeler à personne, et surtout pas à ceux qui l'ont partagé. C'est sûrement pour cette raison que la nouvelle psychologue, tout juste sortie du bureau du Doyen où elle venait de renouveler sa volonté de rester, ralentit ses pas lorsque se dessina dans son champ de vision un souvenir du passé. Lui hésitait, elle, savait. Ange gardien discret, elle avait suivit de loin son parcours. Et maintenant qu'il était temps de réduire la distance entre eux, elle doutait que cela soit une bonne idée. Il avait l'air bien, heureux, de quel droit viendrait-elle bousculer tout ça ? Peut-être n'avait-il aucune envie de voir surgir de son enfance un fantôme blond. Pendant deux mois, au Summer Camp, son regard bleuté s'est attardé sur la silhouette de l'homme qu'il est devenu. Sans jamais oser franchir la ligne. Non, elle n'était pas prête. Elle allait ralentir, passer une porte au hasard. Déjà, baisser les yeux, fuir le contact. Sauf que.. "Excusez moi !" Réflexe trompeur : Spencer relève le regard, le plantant sur son interlocuteur. Et maintenant elle ne peut plus rien faire. A peine bouger, à peine respirer. « Euh.. oui ? » Sa réplique se prend les pieds dans sa voix toujours rauque. « Je peux faire quelque-chose pour vous ? » Le ton est maladroit, tout comme sa posture. Bordel, c'est n'importe quoi. Je peux faire quelque-chose pour vous ? T'es quoi, secrétaire ? En même temps, peut-être qu'il ne la reconnaît pas. Peut-être que c'est que le hasard qui s'amuse avec ses nerfs. Peut-être que c'est pas maintenant, le moment qu'elle attends depuis gamine.

Ça me turlupinait depuis le Summer Camp, bien que je ne l'avais vue que quelques fois. En fait, ces quelques fois, son air me disait quelque chose sans que je sache vraiment mettre le doigt dessus. Alors maintenant que je la tiens, je n'allais pas la laisser filer sans avoir les informations qui me convenait. Elle avait un air à une fille qui était avec moi, chez les Strudwick, seulement je n'étais pas sûr à 100% et donc valait mieux vérification avant de m'avancer sur quoique ce soit. "Euh.. oui ?" Elle m'avait fixé immédiatement du regard et mon coeur avait loupé un battement. Je n'étais vraiment pas sûr de ce que je faisais et ça me perturbait bien plus que je ne pouvais le penser. "Je peux faire quelque-chose pour vous ?" me disait-elle. On pourrait croire qu'elle était mal à l'aise de me parler... ou qu'elle cachait un truc. Je ne sais pas trop quoi penser de sa réaction et du coup, je préférais me lancer avant de trop réfléchir et me rétracter comme un petit con qui sait pas ce qu'il veut. "Je.. ehm.. Je me demandais si on ne se connaissait pas. J'ai vu votre visage quelques fois cet été et.. Vous me rappelez quelqu'un." Quelqu'un de très important même, mais je ne préférais pas la faire fuir dans le cas où ce n'était pas elle. Bien que là, avec ses yeux bleus, j'étais pratiquement sûr à 80% que c'était elle... Celle que je considérais comme ma grande soeur.

Si l'espace d'un instant Spencer cru pouvoir passer à côté de cette révélation, cet instant était désormais bien révolu. Alexander eu à peine commencé sa phrase, que la légère hésitation du début trahit la suite. C'était un vrai bordel dans l'esprit féminin, et tout son corps se détraquait. Les scènes qu'on s'imagine en boucle, en incluant tous les scénarios possibles, ne se déroulent jamais comme prévu. En plein milieu du hall, par une phrase qui pouvait passer pour de la drague maladroite, le passé se réconciliait avec le présent. La demoiselle essayait de contenir un sourire en se pinçant les lèvres, mais ses pommettes remontaient, légèrement rosies par le feu brûlant ses veines. Il se rappelait d'elle. Et rien que cette idée la submergeait. « Oh, vraiment ? » Limite si l'idiote ne gloussait pas comme une adolescente. Planter ses dents ne servait désormais plus à rien, c'est un large sourire, ravissant, qui habitait son visage. Si là il comprends pas, il a rien à foutre à Harvard. C'est presque en riant qu'elle reprend : « Et qui donc ? » Spencer n'avait maintenant plus aucun doute sur le fait que c'était une bonne idée. Elle était juste heureuse de se retrouver face à lui, sans chercher à fuir son regard comme cet été. Non, elle était libre de l'envelopper de ses prunelles, détailler ses traits, s'amuser de ses cheveux toujours bouclés. Qui aurait crû qu'ils se retrouveraient un jour ? Elle, toujours.

Il faut bien l'avouer, cet été a été fort en rebondissement. Déjà, j'avais revu une ancienne amie qui s'était faite passer pour morte l'été juste avant, mais que je connaissais de New York. Puis il y avait cette femme... Elle était dans mon équipe du Summer Camp mais très discrète que je n'avais su discerner que quelques traits de son visage sans grands détails. Elle m'avait intrigué depuis le premier regard et la revoir ici à Harvard m'avait fait prendre conscience que je devais aller la voir, ne serait-ce que pour être sûr que c'est elle... ou pas. Mais si c'était elle, elle me l'aurait dit non ? Elle serait venue me voir pendant l'été et... Et si elle ne se souvenait pas de moi ? J'inspirais en lui disant ce que je pensais et elle eut une réaction à laquelle je ne m'attendais pas. "Oh, vraiment ?" Elle s'était presque mise à rire, et avait le sourire aux lèvres. Alors... C'était elle ? Elle semblait déjà beaucoup plus détendue je crois... Merde, c'était sûrement elle. Après toutes ces années. Quinze ans il me semble... ouais. Quinze ans. "Et qui donc ?" Me lança--elle, presque avec défi et bonheur. Je déglutissais et un sourire se dessinait petit à petit que la certitude venait en moi. C'était elle, j'en étais certain à présent. "Spenc'." Avouais-je avec le sourire en coin. Je scrutais ses traits au visage et, bien qu'elle ait vieillit, elle était la même, en beaucoup plus belle. Les horreurs qu'on avait pu vivre pendant notre enfance, rien ne se voyait sur son visage. Rien. Et j'en étais bien heureux. Je ne voulais pas qu'on sache au premier regard les coups qu'on avait pu recevoir.

Comment avait-elle pu hésiter ? Même seulement douter que cela soit la bonne chose à faire. Bien sur que ça l'était, Spencer en était maintenant convaincue. Déjà car, contrairement à ce qu'elle avait pensé, le voir n'avait ravivé aucune blessure. Ca en soignait même certaines. Et puis, elle voyait dans son sourire naissant au fur et à mesure de sa certitude, que le bonheur était partagé. Autant dire que la demoiselle n'aurait pas su gérer un Alex fuyant, voir honteux. Car elle n'était pas là pour lui remettre le passé en tête, mais plutôt pour essayer de se faire une place dans son présent et futur. L'attentat avait été le déclic. Jamais lire une liste de noms fut aussi pénible que ce jour là, face à l'écran de télévision, avec l'identité des tués révélée au monde. A elle. Typhène et Alexander faisaient partit des rescapés, elle ne pouvait rester une seconde de plus loin d'eux. Puis les voilà, face à face, Spencer se languissant d'entendre son prénom sortir de la bouche masculine. « Spenc' », cela sonnait comme une autorisation de parcourir le mètre qui les séparait et l’incarcérer entre ses bras, son petit mètre soixante sur la pointe des pieds. « J'avais peur que tu ne me reconnaisses pas.. ou.. que t'ai pas forcément envie de me voir. » Qu'elle prononce à voix basse, toujours entrain de l’étouffer. Puis, prenant sûrement conscience qu'en tant que membre de l'encadrement ce genre de démonstration n'était pas forcément des plus appropriés, la psy libéra celui qu'elle considérait comme son frère, se raclant la gorge en simulant un peu de constance.

Avoir un passé comme le mien n'est pas forcément chose facile, au contraire. Je devais vivre avec le fantôme de mon passé tous les jours. J'avais des marques sur mon corps qui me le rappelait tous les matins. Et revoir cette femme là, dans le hall principal d'Harvard, ça m'avait rappelé mon passé. Je n'arrivais pas à retrouver qui c'était jusqu'au moment où finalement, elle me défiait de trouver. Et là, je n'avais plus eu aucun doute. C'était elle, ma grande soeur. Même si nous n'étions pas du même sang, nous avions été élevé ensemble. J'ai fait mes huit premières années avec elle et jamais je ne la considérerai autrement que ma grande soeur. "J'avais peur que tu ne me reconnaisses pas.. ou.. que t'ai pas forcément envie de me voir." me disait-elle alors qu'elle s'était rapprochée de moi rapidement pour me prendre dans ses bras. Je refermais les miens autour d'elle et j'enfouissais mon visage dans son cou. Elle était là, je ne l'avais pas perdue. Enfin.. Elle m'avait retrouvé. J'appréciais cette étreinte de retrouvailles mais je me reculais pour mieux la regarder, l'admirer. "Comment tu peux penser que j'veuille pas t'voir ?" disais-je en secouant la tête, n'en revenant pas. "T'es ma grande soeur quand même !" Le sourire était resté scotché à mon visage, n'arrivant pas à le défaire.