Valentin était une blague. Sa mère n'avait aucune idée qu'elle était enceinte. Elle avait seulement 17 ans. C'était une fille de bonne famille, une fierté pour ses parents. Tout le monde la voyait comme une fille sérieuse et pure. Malheureusement lors qu'une soirée un peu trop arrosée elle était tombée enceinte d'un homme qu'elle ne connaissait même pas.
« .. Dis moi que c'est une blague Lily. »
Ce fut la première chose que dirent les grands-parents. Valentin était une blague, une erreur. Il n'aurait jamais du être né, pourtant il était la, dans la salle d'accouchement contre sa mère qui avait eu seulement quelques heures pour réaliser ce qui était en train de se passer. Elle avait fait un véritable déni de grossesse et n'avait presque prit aucun poids. C'était un bébé tout petit et tout faible, ce qu'il est resté en grandissant d'ailleurs. Elle n'avait pas eu envie de le laisser. En regardant ses yeux bleus, son petit nez et déjà une ébauche de sourire, elle se rendit compte qu'elle voulait l'élever, et qu'elle allait être à la hauteur. Le père de Valentin était français, elle avait couché avec lui juste une fois, il était beau, elle se souvenait de l'odeur de sa peau, mais pas de son prénom.
La mère de Valentin n'eut pas le droit de rester longtemps à la maison. En réalité ses parents la mirent dehors très rapidement. C'était ce genre de famille très catholique et bien trop attaché à des principes. Déjà que coucher avant le mariage était vu comme un vrai péché, avoir un enfant dans ces conditions était la pire des choses. C'était une honte. C'est comme ça que Lily se retrouva à 17 ans, dans la rue, avec un bébé et sans savoir quoi faire.
La situation ne dura pas bien longtemps. Les premières années furent un peu difficiles mais Valentin grandissait et adorait sa mère. Lily avait trouvé un homme d'une quinzaine d'années de plus chez qui s'installer. Elle l'aimait, Valentin l'aimait moins, peut être parce qu'en secret il le frappait. C'était un gamin très renfermé, il avait du mal à s'intégrer à l'école. Il ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas de vrai père et pourquoi il ne pouvait pas aller chez ses grands-parents le mercredi après-midi, comme les autres. Lily ne lui avait jamais caché que Jones n'était pas son vrai père. Il ne pouvait même pas faire semblant. Il détestait Valentin, peut être parce qu'il prenait trop de place, qu'il faisait du bruit, et que c'était un gamin tout simplement. C'était un enfant intelligent malgré le fait qu'il n'ai jamais été aidé pour quoi que se soit niveau scolaire. Dès qu'il su tenir un stylo il se mit à dessiner. C'est d'ailleurs ce qu'il faisait le plus clair de son temps. Valentin pouvait rester des heures dans une pièce sans déranger personne.
Les années passaient, il se sentait mal. Les cours devenaient pesant. Il entendait souvent des cris venant du salon, des disputes. Il se renfermait, il avait l'impression d'avoir tout gâché, d'être une erreur. Les gens ne le comprenaient pas. Il trouvait les gamins de son âge puants et insupportables. Toujours à se plaindre pour des conneries. Plus il grandissait, plus il se sentait rejeté. Certaines garçons étaient réellement méchants. Les filles étaient mauvaises et disaient des choses atrocement blessantes. Il su rapidement qu'il ne pourrait jamais en aimer une. Il aimait les hommes. Il aimait les regarder discrètement dans les vestiaires, il aimait la protection qu'ils pouvaient donner. Il ne voulait pas être avec une fille. Valentin se considérait presque comme une fille. Jones le copain de sa mère l'avait comprit depuis un moment et il ne pouvait pas le concevoir. Déjà qu'il devait supporter le fils de Lily depuis des années, si c'était en plus une tapette il ne le voulait plus sous son toit.
« Tu dégages. J'veux plus te voir ni toi, ni lui. »
Il avait été son beau père pendant 14 ans. Il venait de cracher ses mots à Lily un samedi après-midi alors qu'il pleuvait. Jones les virait littéralement. Valentin ne l'avait jamais aimé, il lui devait de nombreux bleus et certains de ses cauchemars. Après réflexion c'est extrêmement étonnant que lui et sa mère soient restés si longtemps ensemble. Elle avait besoin d'argent, de réconfort, d'un modèle de père, et il avait été la. Maintenant elle faisait ses valises. Valentin emporta juste son matériel de dessin et deux trois fringues, il n'avait pas le temps de faire correctement ses valises.
« Monte à l'arrière.
- Mais maman j'suis plus un gamin je-
- J'ai dis monte à l'arrière ! »
Peut être pour pas qu'il ne la voit pleurer. Ou peut être parce qu'elle le voyait toujours comme un bébé pas assez grand pour monter à l'avant. Toujours est-il que ça lui a sauvé la vie. Un camion qui grille un feu rouge, une route glissante, du brouillard trop présent. Un gros choc. La petite voiture de Lily venait de littéralement s'enfoncer dans le grand camion de devant. Valentin hurlait, il ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Il se souvint juste de sa mère, défigurée à l'avant, son corps complètement enfoncé sous deux plaques d'acier. Lui coincé entre les sièges, incapable de faire quoi que se soit. Il ne sentait même plus la douleur, mais tout son monde venait de s'écrouler.
Il passa plusieurs semaines sans prononcer le moindre mot. Les médecins ne savaient plus trop quoi faire. Il était comme éteint. Sa mère était morte, ce qui avait été son modèle paternel ne voulait plus le voir, son père était inexistant et ses grands-parents ne l'avaient jamais aimé. Il était affreusement seul et ne savait plus quoi faire. Il perdit beaucoup de poids. Il était atrocement maigre. Valentin s'en voulait, et en voulait à la terre entière. La seule chose qu'il faisait encore, c'était dessiner.
« Valentin tu dégages !
- Mais c'est notre chambre.
- J'en n'ai rien à foutre tu vas dormir ailleurs ! A moins que tu veux que je poste les photos que j'ai fait hier soir. »
Il essuya d'un revers de manche les larmes qui coulaient sur ses joues et sortit de la pièces, se dirigeant vers un débarras. Il avait fait plusieurs familles d’accueil mais celle-ci c'était la pire. Il se retrouvait avec un garçon, de trois ans son aîné. Néanmoins il avait redoublé et se trouvait dans le même établissement que lui. Il le frappait, tous les soirs. Et parfois l’obligeait à se déshabiller pour prendre des photos de lui nu. Ce malade le touchait même parfois. Ça le répugnait. Valentin n'aimait plus les garçons, ni les filles. Il pleurait, dormant tous les soirs sur le sol froid d'une pièce noire. Sa mère adoptive n'était pas méchante, mais il ne pouvait rien dire contre James qui le martyrisait en permanence.
Au bout de 6 mois il finit par tout expliquer. Il voyait des psy et avait arrêté d'aller à l'école un moment. James avait balancé des photos extrêmement humiliantes de lui sur les réseaux sociaux. C'était un harcèlement permanent. L'assistante sociale contacta ses grands-parents qui décidèrent de l'envoyer chez une tante en Amérique.
Il avait maintenant 15 ans et essayait de repartir sur de bonnes bases. Il n'alla pas au lycée, étant beaucoup trop fragile et touché par la moindre chose. Il fit des cours à domicile, eut des profs particuliers et commença à se reconstruire. Sa tante était une personne bien, elle l'aimait. Il se surprit à penser parfois à Jones, étrangement il lui manquait. Sa mère lui manquait, beaucoup trop. Il se remit à sourire. Lily disait toujours qu'il fallait sourire, quoi qu'il arrive. Il eut un piano et une guitare. Il passait beaucoup de temps à lire et s'inscrit dans un club de dessin. Pour la première fois de sa vie on lui dit qu'il avait du talent. Il reprit peu à peu confiance en lui. Il en pinçait littéralement pour son prof de maths et passait son temps à écrire dans son journal intime rose toutes ses qualités. Il était d'une niaiserie infinie et sa tante se moquait gentillement de ça. Il se fit quelques amis à ses cours de dessin et de piano. En grandissant, les gens l'appréciaient de plus en plus. Il avait un très bon fond. Valentin était l'ami gay idéal. Il aurait fait n'importe quoi pour rendre les gens heureux. Il avait envie de rendre fière sa mère. Après avoir beaucoup travaillé pendant quelques années il fut reçu à Harvard et jamais il ne se sentit aussi heureux.
N'étant pas allé en cours pendant des années il était légèrement nerveux. Il n'a jamais eu de relation avec un garçon mais le cache de peur de paraître débile. Si on lui demande si il est puceau il répondra toujours non. Il n'essaie pas d'être populaire mais aime se faire apprécier. Valentin veut réussir dans les arts et enfin prouver qu'il peut faire quelque chose de sa vie.