CONNIE-M. HILLRIDGE ► Taylor Momsen

Tout conte de fée qui se respecte débute sans exception par un « il était une fois » avant de se clore par un « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. » On les lit aux enfants afin qu'ils pénètrent dans le berceau de l'innocence, mais la réalité en est tout autre. La vérité c'est que la vie n'est pas un long fleuve paisible et qu'il t'arrive bien souvent de t'égarer, sans personne pour te sortir de la noyade. Je suis née dans un monde où l'on nous dicte sans arrêt quoi faire, mais où l'on doit se débrouiller pour parvenir à ses fins. Je peine à me rappeler du jour le plus terrifiant de ma vie, bien qu'il ne me concernait pas, en somme. Le ciel était d'une laideur, grisâtre, presque noir. J'humectais une odeur de terre dans l'air, un orage approchait. L'ambiance quant à elle était maussade, plate et tout le monde était mélancolique sauf moi. J'étais faite d'une quiétude effrayante, j'étais venue au monde ainsi. Certains vous dirons que je suis une personne étrange, mystérieuse ou tout autre synonyme de ces mots. Je rétorquerais que le silence parle de lui-même bien souvent. Mes yeux étaient vides, je ne percevais aucun son, je me trouvais dans une autre dimension, mon exutoire. Ils criaient mon nom, me demandant une nouvelle fois de gérer la crise. Je gérais toujours les crises, j'étais venue au monde ainsi. Elle me suppliait de ne pas les laisser l'emmener, ces geôliers. Je lui lançais un regard désolé, elle, me promettant de faire des efforts. Sur le moment, je ne mis pas sa parole en doute, mais je ne pouvais pas, je ne devais pas. Je secouais la tête tout en répétant que j'étais navrée. Elle se mit à se débattre, à hurler. Ma tête allait exploser. Je savais que l'attitude que j'avais adopté était la bonne, pourtant j'avais l'intime conviction que ce que je faisais était mal. Ils posaient leur main sur mon épaule d'un air compatissant tout en disant « Tu as fais tout ce que tu as pu, Connie », je baissais les yeux. J'avais mal, très mal, mais ne disais rien, je me devais d'être forte, pour eux, pour moi, pour elle. Ils l'ont emmené, ça y est.. Je m'appelle Connie-Mackenzie, mais les gens m’appellent simplement Connie,  nous sommes le quatorze juin deux milles douze et j'ai dû faire interner ma cousine, aujourd'hui.

Les rayons du soleil filtrèrent les rideaux et chauffèrent ma peau. Mes lourdes paupières battantes, je mis un pied par terre puis l'autre. Aujourd'hui cela faisait moins d'un mois que ma cousine était hospitalisée. Je n'avais pas le droit de lui rendre visite mais je m'y étais accoutumée. C'était pour la tranquillité des patients et elle avait besoin de repos, pour le moment. Bien que j'étais fine, le planché grinçait sous mon poids. Je tentais donc de descendre en faisant le moins de bruit possible : avoir deux sœurs, c'est assez compliqué quelque fois. Une enveloppe était posée sur la table de la cuisine, et ma mère, mon unique modèle affichait un fin sourire. Prenant l'enveloppe, je fus à la fois étonnée et suspicieuse. « C'est Harvard. » Je me trouvais il y a de cela quelques semaines, à Brown, une université très quotté, également et avait demandé mon transfert à Cambridge, suite à la maladie mentale de ma cousine, appelée bipolarité. Mes mains tremblaient et je ne vis qu'un refus. Certes le Doyen n'avait fait que des éloges en ma faveur, mais à cette période de l'année, je n'aurais que des universités bas de gamme telle que NYU ou ... Je déchirais l'enveloppe sans ménagement puis la scruta. Je relevais mon visage tout en esquissant un sourire empli de gaieté. « Je suis prise ! »