UN PETIT PEUPLE LIBRE EST PLUS GRAND QU'UN GRAND PEUPLE ESCLAVE.
victorhugoVous devriez avoir honte de vous. Votre famille devrait avoir honte de vous. Un bon petit gars comme vous, finir comme ça... Ça m'dépasse ! Quelle jeunesse ! Quelle jeunesse ! Tu écoutais les paroles du policier sans broncher, ne lâchant pas son regard. Il possédait un fort accent berlinois.
Pas d'ici. Tu étais fermement assis sur la chaise en métal, ton drapeau serré contre toi. Tu n'avais pas voulu le lâcher. Pas voulu leur céder. Tu n'écoutais plus rien. Dans tes oreilles résonnait le bruit des clameurs, l'acharnement, le bourdonnement de l'adrénaline. La sensation d'être vivant. Celle qui te murmurait à l'oreille que ta vie n'avait pas servi à rien. Être important. Tu étais le plus déterminé et le plus hargneux d'entre tous. Combattre encore. Ne jamais se laisser marcher dessus. Ne jamais sombrer. Beaucoup avaient fui, face à la brutalité des forces de l"ordre. Quelle ironie. Les protecteurs frappent la jeunesse. Ils n'en veulent pas, c'est une épine dans leur cul qu'ils doivent éliminer au plus vite. Ils détestent les gens qui pensent les jeunes engagés. Cela fait longtemps qu'eux-même ont arrêté de rêver. Ils te frappaient encore et encore, pendant que tu hurlais tous les slogans que tu avais en réserve, les mélangeant, les tordant, jusqu'à ce qu'ils ne s'apparentent plus qu'à un long cri de rage contre ce système qui te dégoûte et te rejette. Tu avais quinze ans à l'époque. Ta famille était l'une des plus importantes d'Autriche. Peut-être l'est-elle toujours, tu n'en sais rien. Tu refusais leur stupide éducation bourgeoise et leur mœurs hypocrites. Tu étais le Marx de ton époque. Né riche, mais dégoûté par la richesse. Tu relevais la tête. Le policier continuait à crier comme un très gros singe désirant amuser quelques enfants idiots. Il te parlait de l'honneur, de l'intégrité, de ta famille qui comptait sur toi pour reprendre le flambeau, de l'avenir de ton pays, de la citoyenneté, de ta famille qui comptait sur toi, de ta famille qui comptait sur toi... Plus son discours avançait, plus tu serrais le bout de ton drapeau. Un pavillon noir. Ses yeux s'arrêtèrent soudainement dessus. Il devint alors rouge de rage.
Tu es un salaud de petit anarchiste ! Avec tout ce que ton pays a fait pour toi ! Putain d'idéaliste ! Tu serrais très fort, le bâtonnent se brisa, laissant choir le drapeau sur le sol du commissariat. Il resta au sol, océan profond, cicatrice indélébile de l'incompétence de ce monde. Tu ouvris la bouche. Instantanément, il se tut.
Vous. Vous êtes un salaud. Vous véhiculez des idées erronées dans l'esprit de la jeunesse, dans mon esprit. L'anarchie n'est pas synonyme de chaos. Elle est synonyme du désordre. Mais pas du désordre imparfait comme celui qui s'échappe de vos misérables lèvres non. Elle le désordre qui s'oppose à votre Ordre pourri jusqu'à la moelle votre hiérarchie qui considère qu'il y aura toujours quelqu'un au dessus de moi et qui m'empêchera toujours de m'accomplir en tant qu'être, en tant qu'individu pensant et libre. Votre système capitaliste nous a amené la crise pétrolière, les riches toujours plus riches et les gosses qui meurent de faim dans les rues. Et les guerres. Les guerres. Tous ces gens tués, massacrés sous le drapeau américain voulant répandre sa démocratie malsaine et égocentrique. Je ne participerais jamais à votre monde, vous m'entendez ? Jamais. Vous feriez mieux de m'enfermer. Sinon je risque de recommencer. L'énorme policier avait les lèvres closes et les yeux gros d'un merlan frit. Cela devait être la première fois que quelqu'un le contredisait. Engoncé dans sa honte, il baissa la tête, vaincu. Et en un seul mouvement, se laissa lourdement tomber à terre. C'était la seule réponse possible. Depuis les différentes crises qui ont secoué ce monde, toutes les petites gens acceptent la capitalisme, par résignation, observant les dépenses d'argent outrancières par les gens aisés, pendant que eux se serrent la ceinture, encore et encore. Tu étais désormais debout, surplombant son corps gras et transpirant. Il était fini. Tu le savais très bien. Tes paroles acérées avaient broyé toutes ses défenses. Ne restait plus que la complète résignation. Un long silence s'imposa. Tu avais gagné. Il peina à se relever, les idées embrouillées. Il te pris par la bras et te ramena dans la lumière du hall, où se bousculaient les alcooliques et les femmes violées. Ton regard les balaya, emprunt d'une certaine empathie. Tous transpiraient le désespoir. La plupart des plaintes n'aboutiront pas. Tu serrais les dents. La rage montait en toi. La rage de ne rien pouvoir faire. Dehors, une voiture t'attendait. Tes yeux s'assombrirent. Elle devait coûter plus que le PIB du Niger. Quelle décadence. Une vitre se baissa, laissant apparaître un visage dur et froid, taillé par les années, buriné par une cruelle indifférence. Il te détestait. Tu n'étais pas comme ses deux autres enfants, dans la droite lignée de ce qu'il était. Tu faisais office de vilain petit canard. Mais tu savais que jamais tu ne deviendras un cygne. Tant mieux après tout. Cet animal hautain te révulse. Ton père t'invita à monter. Tu refusais. Ton visage tuméfié fixa le visage ridé de ton père. Ironie de la chose, tu lui ressemblais beaucoup. Même si tu n'avais jamais osé le reconnaître.
Je marcherais père. Comme tous ces gens que vous méprisez. Comme tous ceux qui n'ont rien. L'homme ne répondit rien et se contenta de remonter sa vitre, ultime défense contre ta haine qui suintait de tous tes pores. A cet instant, quelque chose se brisa. Tu fixais la voiture s'éloignant vers l'horizon. Tu comprenais le message. Inutile de revenir.
TU ES BEAU PIERRE TU ES GRAND COMME LA VENGEANCE.
lorenzaccioTu pénétrais dans ton appartement. Minuscule, miteux. C'est ainsi que tu le désirais. A ton image. Tu refusais de vivre dans le luxe, comme ta famille décadente. Ton compte était pourtant affreusement rempli : ta mère, la seule personne qui ait pu te donner un peu d'affection ne pouvait s'empêcher de t'envoyer un peu d'argent constamment. Elle ne désirait pas voir son cadet mourir de faim au milieu d'un squat d'artistes drogués. Tu as pu l'aimer, un tout petit peu, mais tes idéaux ont toujours pris le dessus. Elle était trop décalé. Née dans un monde aseptisé, elle mourra dans un monde aseptisé, apprenant ce qu'était faire l'amour lors de sa nuit de noces, cette dernière se transformant en un viol caractérisé. Tout transpirait l'horreur dans cette maison. Tu es bien heureux de ne jamais y remettre les pieds. A cette époque de grand dénuement, tu as presque vingt ans. Tu as déménagé en Angleterre, te rapprochant des milieux undergrounds et contestataires. Cette période fut sans doute l'une des plus belles et des plus fastes de ta vie. Tu étais heureux, entouré de gens intelligents, refusant également ce système. Tu vivais de troc et de services rendus. Ton cœur était ouvert, constamment à la fête et battait d'une nouvelle force. Tu te sentais galvanisé car pour la première fois, tu te sentais soutenu. Dans les manifestations autrichiennes, il n'y avait que des jeunes en quête de sensations fortes. Ici, tu te trouvais face à de vrais penseurs. Vieux ou jeunes, tous étaient décidés à ne jamais plier. Tu n'étais plus seul. Jusqu'à ce que tout dérape. Cet événement est encore flou dans ta mémoire. Tu étais dehors avec des amis, refaisant le monde à coup de cris et de larges goulées d'alcool. Tu marchais sur la lune, appréciant le son du saxophone de l'une des personnes qui te suivait. La nuit était grande et belle. Ce soir, tout était possible. Soudain, une voiture se stoppa devant vous. Ta tête se mit soudain à te démanger. Elle te rappelait quelque chose, sans que tu puisses mettre une pensée précise dessus. Tu serrais les dents. D'où pouvait-elle venir ? Un homme en sortit. Tu ne pouvais distinguer son visage. D'autres le suivirent et se jetèrent sur tes amis qui, dans leur résistance, emportèrent ces sbires loin de toi. Tu n'as jamais revu aucun d'entre eux. Ton regard était fixe, face à l'homme te faisant face. Tu eu à peine le temps de réagir que déjà il plantait un couteau dans ta cuisse. La douleur te transperça. Tu laissas échapper un long cri lancinant, que les habitants du quartier n'oublieront jamais, tant il était désespéré. Il reviendra les hanter dans leurs pires cauchemars, les tirant hors de leurs vies sans intérêt. L'homme recula de quelques pas, contemplant ton visage déformé par la douleur. Ton sang ne fit qu'un tour. Tu attrapas le redoutable couteau avant de l'enfoncer violemment dans le cœur du protagoniste. Le corps humain n'avait aucun secret pour toi, tu savais où il fallait frapper pour te défendre. Pour sauver ta propre vie. L'homme ne laissa échapper aucun son. Tu ne voyais que l'air qui s'échappait de sa bouche en de larges fumerolles. Tu sentais le liquide chaud couler sur tes mains, gicler sur ton visage. Tu ne réalisais pas encore ce que tu étais devenu. Une caricature. Un stéréotype. Un meurtrier. Tu n'avais plus besoin de lumière pour deviner que tu étais un parricide. Tu déglutis. Tu te mis à courir vers ton appartement où, frénétiquement, tu nettoyais tes mains sur l'eau glaciale. Tu devais fuir, immédiatement. Pour la première fois, tu allais utiliser l'argent que t'avais légué ta génitrice. Tu te dirigeais vers l'aéroport et pris le premier avion en direction de Boston. Partir loin. Plus loin que l'infini.
PAR LE POUVOIR DE LA VÉRITÉ J'AI DE MON VIVANT CONQUIS L'UNIVERS.
vpourvendettaL'Amérique. Dieu que tu la haïssais. Et pourtant, depuis ce jour funeste, elle te sert de maison. D'asile. D'accueil. Tu as pris le temps de la découvrir, de la décortiquer. Tu la connaissais mieux que personne, elle et ses défauts. Depuis ce jour où tu avais atterris à Boston, tu n'as eu de cesse de te déplacer partout où le vent te guidait, comme si ton instinct de survie te hurlait qu'il fallait fuir, ne jamais rester au même endroit. Ta vie était devenu un éternel road-trip. Tu as rencontré plus de gens en dix ans que certains en rencontreront dans toute une vie. Tu as vu la misère dégueulasse comme le luxe désespéré. La joie. Le bonheur. Le malheur. Tout cela t'a traversé de part en part, ton sang s'imprégnant de toutes tes rencontres. Peu à peu, tu devins un paradoxe : haïssant l'humanité, mais ne pouvant vivre sans elle, sans ses peurs, ses espoirs, ses contradictions, sa gentillesse, sa cruauté. Il fallait lui offrir toute sa confiance mais également s'en méfier comme d'un chien galeux. Elle était tout et rien. Ton chemin te conduisit devant l'université d'Harvard. Réputée, prestigieuse, gigantesque. Tu lui portais un certain intérêt, tu savais qu'elle ne sait pas comme les autres. Tu t'y fis admettre comme professeur sans problèmes, brillant par ton intelligence et ton esprit vif. Cette nouvelle vie casanière continue parfois à t'effrayer, peut-être te retrouveront-ils. En attendant, tu observes. Tu observes la vie qui s'écoule, tel un grand fleuve majestueux, que rien ne pourra jamais arrêter.
TOUT EST REALISE DESORMAIS. JE SUIS L'ALPHA ET L'OMEGA, LE COMMENCEMENT ET LA FIN. MOI; JE DONNERAIS GRATUITEMENT A CELUI QUI A SOIF L'EAU DE LA SOURCE DE VIE