Vous voulez connaître mon histoire c’est bien ça ? Bon alors vu que je suis de bonne humeur aujourd’hui, je vais vous la raconter, mais écoutez bien car cela ne se reproduira sûrement plus jamais. Commençons par le plus simple, enfin dans mon cas c’est un peu plus complexe : ma famille. En réalité dans ma vie j’ai trois parents. Oui oui vous avez bien entendu mais vous me demanderez sûrement comment cela est possible. C’est en fait très simple, les deux personnes qui m’ont élevé sont mes deux mamans : Caitlyn et Ashley et vous ajoutez à cela un gentil géniteur Devon qui n’est autre que le meilleur ami de ma mère Caitlyn qui a bien voulu passé une nuit avec cette dernière pour procréer, bref je vous passe les détails et vous m’obtenez moi ! Bon j’avoue que c’est un peu bizarre mais bon que voulez-vous je n’ai pas vraiment décidée de ma vie mais bon il faut juste s’y faire et moi je n’ai nullement honte de mon origine. Et puis mes mamans n’avaient pas assez d’argent pour adopter ou je ne sais quoi, et elles préféraient de loin que je connaisse mon père. Du coup neuf mois plus tard je voyais le jour dans un hôpital californien sous le prénom de Dallas. Mon père biologique m’a reconnu sous accord de mes mères qui lui faisaient totalement confiance vu qu’il était prévu dès de le départ que les deux femmes désireuses d’avoir un enfant, m’élèvent. De ce fait aux yeux de la loi mes parents sont Devon et Caitlyn mais pour moi s’ajoute également Ashley. J’espère que vous suivez toujours et que vous n’êtes pas trop perdu, de toute manière je vous promets, il s’agissait là de la partie la plus tordue de ma vie.
Même avec deux parents de même sexe, je vous assure que j’ai eu une éducation des plus normales comme tous les jeunes de mon âge. De plus j’avais également à mes côtés une présence masculine vu que Devon fut également très présent dans ma vie, selon le souhait de mes mères. Cela m’apportait donc une stabilité supplémentaire. Et avec 3 parents c’est sûr, je partais bien dans ma vie. Me concernant, durant ma jeunesse j’étais une petite fille casse cou, pas vraiment garçon manqué mais en fait j’étais une vraie pile électrique. Et je préférais courir dehors après les papillons que jouer à la poupée. D’ailleurs je n’ai jamais eu de Barbie dans ma vie, mes mamans trouvant que cela faisait de la femme un mauvais exemple : la belle blonde avec les longues jambes et le rouge à lèvres, non ce n’était définitivement pas leur genre ni leur envie que je devienne comme ça. Elles préféraient que je trouve ma personnalité moi-même plutôt que de recopier un banal jouet fait pour façonner les petites filles en une espèce de bimbo sans cervelle. Mes années d’école quant à elle se déroulèrent plutôt bien sans réelles embuches excepté le fait qu’il était assez difficile d’expliquer le fait que j’avais deux mamans et non pas une seule bref un vrai casse tête qui faisait que je subissais parfois les moqueries de mes camarades mais grâce à mon père qui m’expliqua que j’étais une fille unique en mon genre, cela me rassurait et eu comme conséquence le fait que je m’affirme encore plus.
« Quelqu’un peut m’emmener à ma soirée chez Eleanor, vite je suis déjà en retard ! » avais-je dit en dévalant les escaliers de notre maison, mes escarpins dans la main. Je ne pouvais pas rater cette soirée car c’était celle de l’année. Car oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, au lycée je faisais partie des gens qu’on appelle les populaires et je dois sûrement cela à ma personnalité de la fille assez cool qui parle avec un peu tout le monde, parce que j’étais loin d’être la fille superficielle. Seize ans j’avais grandi, bien grandi, pour devenir une belle plante comme le disait si souvent mon père. « Allez viens je t’emmène c’est sur notre chemin. » finit par dire mon père qui était venu diner en compagnie de sa petite copine. Je m’étais donc précipité dans la voiture en plaçant côté passager, laissant la copine de mon père à l’arrière. Ben oui ce n’est pas parce qu’elle arrivait dans sa vie qu’elle allait prendre ma place tout de suite. J’étais tout de même sa première petite femme, si l’on peut dire. Durant tout le trajet, mon père n’avait cessé de me redonner les dernières recommandations que je connais par coeur : ne bois pas trop, ne fume surtout pas, garde ton portable sur toi et ne te retrouve pas dans une chambre seule avec un mec. Je l’avais d’ailleurs regardé avec des yeux pleins d’éclairs à cette dernière remarque, comme si j’allais parler de ma vie sexuelle alors qu’une fille que je ne connaissais absolument pas se tenait à l’arrière de la voiture. Et là BIM ! Le grand trou noir, un immense vide, long, sinueux, sans rien à quoi se raccrocher. On se laisse porter c’est tout, parce qu’après tout il n’y a rien d’autre à faire si ce n’est penser aux choses qu’on aime, à nos proches, aux derniers souvenirs partagés. 8 jours et 14 heures que je suis restée dans ce tourbillon sans fin, avant qu’un point de lumière n’apparaisse miraculeusement, s’agrandissant de secondes en secondes pour laisser apercevoir un visage trouble. Ma vue était voilée mais j’arrivais à reconnaître Ashley, un visage rassurant. Alors ça y est mon enfer était vraiment terminé, malgré la douleur que je ressentais ? Visiblement oui, j’étais bien sur Terre allongée dans un lit d’hôpital sans pouvoir bouger, et non au Paradis à sauter de nuages en nuages. J’avais mal partout et je n’osai même plus faire le moindre geste tellement la douleur était immense. Je pensai que rien ne pouvait être pire mais j’avais grandement tort lorsque les médecins m’apprirent que mon visage avait était gravement touchés et que je devrais subir des opérations de chirurgies plastiques si je voulais retrouver un visage normal. L’information fut difficile à avaler, à digérer. Je ne me voyais pas vivre avec un nouveau visage que celui que j’avais eu pendant des années. Il était pour moi, certain que je perdrai tout. Je ne pouvais même pas pleurer sur mon sort à cause de mes blessures.
Durant deux longues années, je passai ma vie à l’hôpital. J’avoue que ce n’est pas le meilleur endroit pour vivre. D'ailleurs pendant de long mois suivant mon accident, je n’avais plus eu le goût de la vie. Je me pensai trop faible pour pouvoir affronter tout ce qui m’attendait. Des dizaines d’opérations qui me permettraient plus tard d’avoir un visage digne de ce nom plutôt que des bandages, sans compter les centaine de séances avec un psychologue pour m’aider à surmonter mes plus grandes peurs lorsque je sortirai et que je reverrai enfin le monde extérieur. En parlant de ça, beaucoup de choses ont changés, je ne compte plus que quelques rares amis dans ma vie qui ne m’ont pas lâché, comme quoi certaines personnes accordent beaucoup plus d’importance au physique qu’à la beauté intérieure. Après je ne peux pas mentir en disant que je suis toujours la même fille. Ce genre d’événement traumatisant vous marque à vie, vous forge le caractère. Heureusement que j'ai su évacuer mon mal être dans quelque chose. On ne peut pas faire grand chose dans un lit d'hôpital alors je me suis mise à griffonner sur des feuilles, me découvrant un talent caché. Quelque chose dont j'aurais ignoré l'existence si je n'avais pas eu à faire avec cet accident. J'en ai donc appris beaucoup sur moi, sur les gens qui m'entourent.
Et pourtant, malgré tout ça, j'ai réussi à remonter la pente, à m'accrocher au peu qu'il me restait à savoir ma famille et mon art. J'ai déposé ma candidature pour intégrer Harvard, dans le but de m'éloigner des fantômes de mon passé, de ce lieu maudit où ma vie a changé du tout au tout. Et j'y suis parvenue, j'ai passé les tests avec succès en section arts plastiques, option histoire de l'art afin de compléter mes connaissances. J'entamerai d'ailleurs ma sixième année lors de la rentrée après ce Summer Camp. Vu de l'extérieur, on peut dire que je vais mieux et pourtant j'ai toujours autant de mal à me regarder dans le miroir, cette peur de ne plus être la fille que j'étais avant m'envahit toujours et donc me pousse à consommer encore plus d'antidépresseurs. Une addiction qui a de mauvais effets pas forcément sur mon corps mais sur mon comportement, tantôt de bonne humeur, tantôt plus violente prête à valser tout ce qui se trouve autour de moi. Bien sûr, je me refuse d'admettre que c'est nocif pour moi, mais bon sans ça je n'aurais pas de moments de bonheur donc je préfère avoir des périodes sombres que voir ces bons moments s'envolaient. Il faut parfois faire des sacrifices dans la vie même si le prix à en payer est cher. Que peut-on ne pas faire pour cette douce sensation qu'est le bonheur ?