« Joyeux anniversaire mon cœur. Aujourd’hui tu reçois ta dernière lettre. Et tu vas enfin comprendre pourquoi je ne peux pas être près de toi. Mais d’abord je tiens à te dire que quoi que tu fasses, je serais toujours fière de toi et que je t’aime plus que tout. Il y a 16 ans, on a découvert que j’étais atteinte d’un cancer. Il était plutôt important et les risques que je vous quitte étaient très élevés. Ta naissance était pour ton père et moi un miracle. Je sais bien qu’il ne montre pas qu’il tient à toi mais il t’aime beaucoup tu sais. Les neufs mois de grossesse étaient difficiles et on m’a gardé à l’hôpital après que tu sois né. […] J’espère que tu arriveras à me pardonner de ne pas avoir été à tes côtés Justin. Ton père a beau te dire que tu es responsable de tout ça, c’est faux. Cette maladie n’est en aucun cas de ta faute. Prends bien soin de ton père et sache que je veillerai toujours sur toi. » Plutôt dur à encaisser le jour de ses 15 ans. Mon père avait posé l’enveloppe sur mon lit pour que je la lise le soir, en rentrant. J’avais passé la journée à essayer d’inviter des gens de mon ancien collège afin de fêter l’entrée au lycée et mon anniversaire en passant, mais je n’avais obtenu que 7 réponses positives. Et encore, 2 d’entre eux n’étaient pas totalement sûrs. A cette époque là, personne ne m’appréciait réellement. On ne me connaissait pas. J’étais invisible. Je m’amusais souvent à faire des comparaisons à Harry Potter et sa cape d’invisibilité mais ça ne faisait rire personne. Mon père n’avait pas l’air fier d’avoir à élever un loser comme moi. Je voulais croire ce que disait ma mère dans cette lettre mais son attitude ne cessait de me prouver le contraire. J’étais celui qui avait une lettre de sa mère à chacun de ses anniversaires, celui qui venait en cours à vélo, celui dont la porte du casier ne possédait aucune photo, celui qui obtenait toujours de bons résultats et qui n’avait pourtant aucune réputation. Je n’en pouvais plus de ces étiquettes que m’attribuaient les autres élèves. Mon père était riche, très riche même. Je voulais être populaire. Je voulais avoir des amis, une copine. Était-ce trop demandé ? L’entrée au lycée sera peut-être pour moi un nouveau départ, l’occasion de repartir à zéro.
Le lycée me réussissait plutôt bien. Aujourd’hui, je réalise que tout est différent du collège de New York. J’ai des amis, pleins d’amis même, et une magnifique copine. Mona. C’était la plus belle chose qui me soit arrivé jusqu’à aujourd’hui. On s’est rencontrés à la rentrée et le hasard a fait que l’on s’est retrouvé dans la même classe dans chaque matière. Elle était belle, un vrai rayon de soleil. Son rire était incroyable et d’ailleurs, elle était la seule à apprécier mes blagues. Elle me manquait à chaque fois qu’elle n’était pas à mes côtés. Comme ce matin là. Je sortais de cours avec deux ou trois amis et alors que je partais dans un long monologue sur la problématique du cours précédent, une silhouette dans le couloir me fit penser à Mona. Malheureusement, ce n’était pas une bonne nouvelle. Contre un casier, elle était en train de s’enlacer avec un autre élève. Malgré que notre conversation fût intéressante, j’abandonnai mes camarades et je m’élançai vers ma petite amie pour la séparer de ce mec qui n’avait rien à faire avec elle. Seulement, à l’instant où j’arrivais près d’eux, je les vis s’embrasser et je sentis mon cœur se serrer soudainement. « Mona ! » Cette parole, pourtant courte, la fit sursauter et elle repoussa le jeune homme comme si elle voulait me faire croire qu’elle était innocente. « Justin je peux t’expliquer. Ce n’est pas de ma faute, je t’avais déjà parlé de lui tu te souviens ? Ce n’est pas ce que tu crois. » Non je ne me souviens pas. Elle ne m’en a jamais parlé et pourtant j’aurais aimé que ce qu’elle était en train de me dire soit vrai. J’attrapais ses poignets pour retirer ses mains de mes joues en disant. « Pas besoin de t’expliquer Mona. Tu es libre de faire ce que tu veux maintenant. » Ça me déchirait le cœur de devoir lui dire ça mais je ne pouvais pas lui pardonner de me tromper. Je ne voulais pas de ses explications. Ce que je venais de voir me suffisait. Ce n’était peut-être pas la première fois et si je ne l’avais pas vu, cela aurait pu se reproduire encore et encore. Je ne supportais pas de voir ses yeux briller ainsi, elle ne pouvait pas pleurer devant moi. Je me raclai difficilement la gorge et afficha un sourire pour éviter de verser des larmes à mon tour. « Je ne pensais pas ça de toi. Je pensais que tu étais différente. » « Non non Justin, je t’aime, je t’aime plus que tout. Je suis désolée ! Je suis différente. » Je lâchais ses mains à contre cœur en secouant de gauche à droite ma tête. Je jetais un dernier coup d’œil au jeune homme derrière elle qui avait l’air aussi mal à l’aise qu’elle. Je reculais d’un pas hésitant avant quitter l’établissement pour rentrer chez moi. C’était trop dur à supporter. Je ne voulais pas continuer ma journée comme si de rien n’était. Je venais de perdre Mona. Nous allions bientôt célébrer nos 15 mois ensemble, j’ai bien peur que ça n’arrivera jamais.
J’avais une passion plutôt hors du commun, le tir à l’arc. En effet, ce n’était pas un sport très pratiqué mais mon père avait l’habitude de jouer avec moi quand j’étais plus petit et je ne m’en lasse plus depuis. Il m’arrive de prendre des cours de temps en temps afin de me perfectionner dans ce domaine. Un jour alors que je venais de rentrer de l’un de ces cours, je vis mon père installé sur le canapé avec son ordinateur. Probablement en train de rédiger des courriers pour son entreprise. Je ne voulais pas le déranger, cette entreprise lui rapportait des millions de dollars, autant le laisser tranquille. Amusé, je me mis sur la pointe des pieds et avança tel un voleur derrière le canapé jusqu’à ce que mon père m’interpelle. « Oui papa ? » Les mains derrière le dos, je me dirigeai vers le fauteuil du salon pour écouter ce que mon père avait à dire. Je m’affalai d’un coup sur ce dernier après avoir pioché dans le bol de chips sur la table basse. « Justin, tiens toi correctement, il faut qu’on parle. » J’entendis la musique de son ordinateur qui indiquait qu’il l’éteignait. Je me redressai alors et m’assit convenablement sans dire quoi que ce soit. « C’est la fin de l’année, et tu vas rentrer à l’université. Nos ancêtres vont à Harvard depuis des générations. Moi-même j’y étais. » Je roulais des yeux en soupirant. Il me ressortait son speech sur Harvard. Mais cette fois-ci c’était sérieux. « Papa je sais bien mais Harvard ce n’est pas pour moi tu sais. » Je vis des plis se former sur son front alors qu’il fronçait les sourcils. Harvard avait l’air beaucoup trop sérieux et je ne me voyais pas y passer trois années. Mon père se leva et mit ses mains dans ses poches en marchant dans le salon. « Comme je viens de dire, ça fait des générations que les Grayson vont là-bas. Tu vas donc quitter New York dès la fin août et démarrer ta nouvelle vie à Cambridge. J’ai tout préparé pour toi. Une carte de crédit sera à ta disposition, je sais bien que tu n’es pas très shopping, mais on ne sait jamais. Ton inscription a été acceptée bien évidemment alors tu me feras le plaisir d’aller Harvard et d’obtenir ton diplôme comme tous les autres Grayson. » Je n’avais pas trop le choix n’est-ce pas. J’hochais la tête sans hésiter tandis que mon père s’appuyait sur mon fauteuil derrière moi. J’avais un peu la pression, il était hors de question que j’échoue. Je ne me doutais pas que Harvard allait me changer de la tête aux pieds.
« Hey attention ! » Ces derniers temps, je croisais tout le temps la même personne. Où que j’aille, je voyais sa silhouette à quelques mètres de moi. Ce jour-là, je sortais de Harvard avec l’intention d’aller m’acheter de nouvelles chaussures. Mon regard ne lâchait pas mon téléphone depuis un moment déjà. Il était tout beau, tout neuf et je ne le lâchai plus depuis son achat. Finalement je le rangeai dans ma poche afin de ne pas utiliser toute la batterie, qui était déjà plutôt faible, et releva la tête. Heureusement d’ailleurs. Blaise était en train de traverser et apparemment elle n’avait pas regardé si aucun véhicule ne passait. Blaise, c’était cette silhouette que je voyais tout le temps. Le hasard avait fait qu’aujourd’hui, j’allais lui sauver la vie. Je voyais le bus arriver plutôt rapidement alors que la brunette marchait lentement. Sans hésiter, je m’élançai vers elle et la tira par le bras tandis que le bus allait la frôler. « Rien de cassé ? Tu devrais faire plus attention la prochaine fois. » J’avais beau engager la conversation avec elle, cette dernière ne décrochait jamais un mot. Je vais finir par croire qu’elle était muette. Non. Elle ne l’était pas puisque je l’avais déjà entendu parler, rire. Enfin bref, elle me regardait bizarrement, comme si je venais de faire quelque chose qu’il ne fallait pas. Elle avait peur ou ? « Allô ? T’es toujours avec moi ? » Je faisais des gestes assez bizarre pour qu’elle réagisse. Finalement, après de durs efforts, j’ai réussi à obtenir un « Merci. » de sa part, rien de plus. C’était déjà pas mal. Puis elle est partit. Bon ok. Je venais de sauver la vie à cette jeune femme et tout ce qu’elle trouve à me dire c’est merci et puis rien. Je devrais m’estimer heureux d’avoir eu un remerciement tout de même. Le hasard a ensuite fait qu’on est tombé l’un sur l’autre de multiples fois encore. Contrairement à elle, je lui fais des signes, lui souris, la regarde, la salue. Quant à elle, je n’obtiens qu’un mince sourire ou bien un faible signe de la tête. Je ne sais pas ce qu’il se passe, je n’ai rien fait de mal pourtant. Blaise m’intrigue et je compte bien insister, j’aimerai bien faire connaissance avec elle. Elle aurait peut-être mal interprété mon attitude ?