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Assise en salle de pause, je regarde la trotteuse de l’horloge bouger chaque seconde et profite de mon café avant de devoir y retourner. J’aime mon métier, j’aime ce que je fais mais je dois dire que ce n’est pas tous les jours facile de travailler avec des enfants malades et des parents angoissés. Je ne sais pas ce qui est le pire entre les deux mais pour sûre, ce que je préfère, c’est aider les parents angoissés à voir le positif, à se rendre compte que ce qui vient de se passer est effrayant mais un mauvais moment qu’ils ont enfin passé. Et c’est difficile à le faire entendre quand les aiguilles remplacent les stéthoscopes et que les enfants terrorisés épongent le stress de leurs parents. Si la journée a été difficile jusque là, je sais que les deux heures qu’il me reste seront plus douces. Ce ne sont que des contrôles afin de s’assurer que tout va bien. À l’exception d’un patient que ma collègue vient de me donner, devant partir au plus vite pour récupérer son enfant malade à l’école. Je ne comprends pas tout ce qu’elle me dit et c’est pour cela que j’ai le visage plongé dans le dossier du petit Simon lorsque j’entre dans la chambre qui leur a été attribuée.Bonjour. Je suis l’infirmière Hedda et c’est moi qui m'occuperai de Simon aujourd’hui. Les mots sont soufflés avec entrain et joie, comme pour instaurer un climat positif et joyeux. L’ours en peluche dans la poche de ma blouse dépasse largement, comme pour rassurer les enfants. Le reste de la mise en scène est pour les parents. Enfin, le parent. Parce que lorsque je lève les yeux du dossier, ces derniers se posent sur le père du petit Simon et j’ai l’impression de prendre un coup en pleine tête. Rainier, à Boston ? Avec un enfant ? Je suis renvoyée des années en arrière lorsque l’on passait notre temps à s’occuper ensemble lors des galas auxquels nos parents nous emmenaient. Et puis, il y a ces magazines que j’ai vu ici et là en salle d’attente. Le divorce de ses parents, le fait qu’il était bien ici, au Massachusetts mais je n’ai jamais fait le lien entre toutes ces informations, comme si cela me semblait impossible, presque irréel. Stoïque au milieu de la pièce, c’est un cri qui s’échappe des lèvres du petit, des lèvres de son fils, qui me ramène à la réalité.Oui bonhomme, on est là pour toi aujourd’hui. Que je souffle avec un sourire avant de m’approcher.Rainier… Ça fait… Des années. Une éternité. J’ai l’impression que c’était dans une autre vie, c’est pour dire.Woaw. Que je souffle en laissant un léger rire s’échapper de mes lèvres. Je ne m’y attendais pas, vraiment pas. Mais quelle belle surprise, je dois le dire.
(Hedda Rosenqvist)
i love you, i'm sorry.