Un temps de merde, à St Johnsbury, fin Octobre ? Vraiment ? Ouais. On m’avait prévenu que le Vermont était pas toujours clément, c’est pas comme si les locaux m’avaient pas glissé l’idée de me préparer un peu plus. Après, j’imagine qu’être en gueule de bois, et un peu en manque de sommeil aide pas. Et clairement, immobile sur le bord de route depuis une heure et demi, non plus. Franchement, les gens rencontrés dans le coin étaient plutôt sympa, accueillants et tout, mais c’est pas la même paire de manches quand il faut faire du stop. A moins que les gens d’ici ne partent jamais, restent dans leurs petites maisons de briques rouges aux toits pointus, et que ça soit ceux de passage qui manquent de clémence? Bonne question.
Bref, je continue à faire les cent pas, le cou rentré dans les épaules, genre tortue centenaire avec mon énorme sac sur l’échine. Dès qu’une voiture se dégage de l’horizon, je tends un pouce un peu moins optimiste à chaque fois, ça commence à me gonfler cette histoire. Franchement la flemme de retourner en ville et flinguer encore plus de sous pour choper un train. J’me donne aller… Encore une demie heure avant de désespérer pour de bon.
Je continue à marcher pour pas geler sur place, le regard perdu au loin, quand j’entend le bruit lointain d’un moteur. Je me retourne, nouvelle carrosserie je devine. Je tends le bras, et là, trop beau pour être vrai : c’est bien un clignotant que je vois me faire un clin d'œil ? La voiture s’arrête à quelques mètres de moi, je sautille presque jusqu’à la portière avant. Le conducteur baisse la vitre, c’est un jeune gars, la vingtaine, la bouille sympa. “Hey, salut mon grand!” Le froid m’est peut-être monté à la tête, je suis peut-être un peu trop avenant avec mon sauveur ? J’enchaîne : “Ouais, euh… Dis moi, est-ce que par chance tu descends dans la direction de Boston ?”
(Emery Whitaker)