@Daemin Weaver -- Mercredi 30 Octobre. Accueillir les clients, les faire asseoir à une table, leur donner le menu, leur proposer un apéritif, prendre leur commande, envoyer le bon en cuisine, débarrasser les tables qui viennent de partir, les nettoyer et les redresser, apporter les plats… Gymnastique presque quotidienne depuis quelques années dans ce petit restaurant coréen qui t'avait employé, que tu pouvais faire même les yeux fermés. Pour certains, ce serait le moment de se dire qu'ils y ont passé trop de temps, qu'il serait temps de changer de boulot, que ça devenait trop répétitif et lassant. Mais pour toi ça te permettait de continuer à faire du bon travail, le petit sourire professionnel placardé sur la face, tout en laissant ton esprit vagabonder là où il le voulait. D'habitude il se dirigeait vers ta grand-mère, toujours au pays. Ou à ta soeur qui te tuerai si tu oubliais de lui répondre à son message à ta pause. Ou d’idées de trucs à coder, à programmer, qui serait intéressant pour les gens d’acheter. C'était différent, ce soir, et au fur et à mesure que le soleil de Boston se couchait - de plus en plus tôt dans cette fin de mois d'octobre - il y avait un truc en toi qui gigotait, alors que tu savais que dans quelques heures, le mignon vétérinaire d’en face viendrait enfin se présenter pour demander une table. Et c'est dans ce genre de moments que tu remerciais ta nature calme et posée, qui te permettait de continuer à travailler, à garder la tête froide, malgré la mince couche d’appréhension qui se posait sur ta figure. T'avais eu le cran de trouver son numéro et de lui envoyer un message comme un stalkeur après tous les petits regards que vous aviez eu depuis quelques semaines, et la discussion qui en avait suivi s'était peu à peu rallongée. Mais toi-même t'étais le premier à savoir que parler par message et en face à face pouvait être si différent, et que la vibe pouvait retomber aussi vite. C'est pas grave, c'est qu'un gars que j’connais pas, si ça se passe mal c'est ciao. C'était pas comme si ça changerait quoi que ce soit à ta vie. Pourtant il t’attirait, alors malgré toi, malgré tes principes, y a une petite voix qui espérait. A bien remettre ta chemise blanche dans ton pantalon - l'uniforme de travail imposé, les photos que tu lui avais envoyé ayant été prises durant ta pause - tu continuais de bosser, posant malgré tout de plus en plus l’œil vers la porte entrouverte du restaurant, même quand il était clair qu'elle était vide de nouveaux clients. Et tu te refusais de porter ton regard plus loin, vers cette baie vitrée du cabinet, à pas vouloir lui donner satisfaction si jamais il regardait par là et que vos regards se croisaient. Focus. Alors tu reprenais la routine, jusqu'à ce que dix-neuf heures arrive, et que cinq minutes plus tard c'était bien lui, qui se présentait à la porte. Comme une indication pour ton cœur de se mettre à battre un peu plus fort sans que tu lui ai donné l’autorisation - et bordel, c'est qu'il était vachement beau de plus près, le zieuter d'aussi loin ne faisait pas justice à son charisme. Alors t'essuyais légèrement tes mains sur ton tablier noir de serveur, et tu t'avançais vers lui, le sourire professionnel, comme s’il était un client comme tous les autres. « Bonjour Monsieur, une table pour une personne je présume ? Vous préférez à l'intérieur ou sur la terrasse ? » Que tu commençais à dire, avant de laisser le sourire en coin trahir de ton amusement - comme si t'aurais pu ne pas le reconnaître.
(SeoHo Min)
« j'vais pas t'mentir : j'suis pas vraiment ton prince charmant, si tu veux bien sortir avec moi, c'est pour le pire, j'ai rien à t'offrir, à part des mauvais souvenirs. ça sera p't-êt' pas tous les jours la fête, j'suis qu'un homme : j'réfléchis pas toujours avec ma tête. maintenant tu sais à quoi t'en tenir, si tu veux bien sortir avec moi : c'est pour le pire. » |