Memory Game. - Taylor

Je devais rester cette nuit au cas où que j'ai quelque chose de plus grave qu'aux premiers constats. J'avais deux points de suture à l'arcade et pour le reste, c'était caché sous les quelques bleus. Je n'étais pas satisfais du repas que m'a donné l'hopital et je savais qu'il y avait des distributeurs en bas. Alors je file en douce de ma chambre, portant un pantalon d'hopital et un tee-shirt en direction de mon saint graal. En réalité, il y avait plus qu'un distributeur, il y avait un petit shop pouvant satisfaire tous les besoins des patients, pour ceux qui le peuvent. Je fais le plein de nourritures, j'achète un chargeur pour mon téléphone et me voilà en train de chercher ma chambre. Mais au détour du chemin, je laisse mon regard vagabonder jusqu'à ce qu'il m'arrête net en plein milieu du couloir. C'était il y a longtemps, deux ans je dirais ? Mais je n'oublie pas une femme quand on me marque de la sorte. Pour sûr, elle est plus âgée que moi mais ce n'était pas ça qui m'avait attiré chez elle. Je n'ai pas ce délire de vouloir flirter avec une femme plus âgée que moi. Non, cette femme et moi avions flirté. Mais surtout, on s'était embrassé avec une telle intensité, je ne pensais pas que je garderais un souvenir, même léger, de ces lèvres voluptueuses. Il y a deux ans, elle m'avait frustré car elle a disparu peu de temps après ça. Je n'avais que son prénom. -- Taylor. mes lèvres échappent mes pensées alors que je m'approche de ce qu'il semblerait être un bureau. Je me tiens contre le pas de porte, espérant qu'elle ne me jette pas dehors. Elle m'en doit une. Je me sentais un peu lésé à l'époque et je me dis qu'elle pourrait bien se faire pardonner, non ? Je ne la quitte pas du regard, la fixant sans véritable émotion, essayant de lire ses réactions à elle.

Être de garde de nuit, c’est une des choses que je préfère au MGH. Dans l’hôpital, il règne une autre ambiance, une fois tous les visiteurs partis, un calme qui cache une tempête qui sommeille. Une adrénaline qui bouillonne. Qui patiente. Tout ce que j’aime. Et même le café a soudainement un goût différent. Si bien que lorsque je récupère mon gobelet au distributeur, je me délecte de ma première gorgée à l’aide d’un « Mhm… » discret.

J’arpente les couloirs plutôt que de me reposer dans la salle appropriée, je profite de cette tranquillité. Une tranquillité qui ne dure pas, parce que je croise rapidement une silhouette, et je ne rencontre aucune difficulté à comprendre que c’est un patient qui ne devrait pas être là. Cela dit, je reste figée, parce que son visage, c’est un effet de déjà-vu qu’il me fait. Un phénomène qui n’en finit pas de se produire, depuis que je suis rentrée… Mais là, c’est mon prénom qui sort de sa bouche, alors je sais que je ne fabule pas.

J’en ai fait, des conneries, avant de m’enfuir de l’autre côté de la planète, et lui… Lui ca a été ma dernière. Je me souviens de l’alcool, de la musique, de l’envie d’être une autre, d’être choisie. Je me rappelle mon aigreur, des maux de mon cœur. « Vous devriez être dans votre chambre. » J’ai jamais dit que j’avais du courage, non, moi, je pratique mieux la fuite, la peur.

@Saint Lodges

Je ne m'attendais pas à la voir ici. J'en savais pas grand chose sur Taylor, mais assez pour me rappeler de son prénom et de l'impression qu'elle a laissé avant de disparaitre. Quand son regard se pose sur moi, j'essaie de lire sa réaction. Me reconnait elle ? J'ai du mal à le deviner et je n'ose pas poser la question. Pas que j'ai peur d'être blessé, ça peut arriver qu'on nous oublie vu que ça n'a duré que quelques heures de notre existence. Taylor ne réagit pas plus que ça et me fait remarquer que je devrais être dans ma chambre. Je soupire, je m'attendais pas vraiment à cela. Surtout à me faire vouvoyer comme s'il ne s'était rien passé. -- J'avais faim, la bouffe est infecte. Je lui montre les quelques friandises que j'ai dans la main. Cependant, je fais un énième pas vers elle. Mais pas trop. -- On se vouvoie maintenant ? C'est plutôt blessant de se faire accueillir comme ça alors que c'est toi qui a disparu comme une voleuse. une partie de moi désirait la faire culpabiliser. c'est mon côté toxique, je l'admets. -- Tu crois que j'allais t'oublier malgré tout ce temps ? Est-ce qu'on peut discuter ou tu continues à faire comme si je n'existais pas ? les mots sont un peu fort. peut-être que j'ai fait exprès. je ne l'avouerais pas de suite.

Je pince mes lèvres, je conserve ma contenance, du docteur et du patient, la distance. Et je feins une mémoire pleine de défaillances. « J'avais faim, la bouffe est infecte. » J’en hausse les sourcils, incline le visage plusieurs fois par la positive, approuvant ses dires. A deux doigts de lui souffler qu’à présent que ses mains sont pleines, il peut rebrousser chemin, retourner dans sa chambre et faire comme si… rien. Comme s’il n’avait pas croisé le mien.

Mais je le sais d’avance, en fait, qu’il n’est pas du genre à reculer, qu’il ne va pas me délivrer. Pourquoi choisir la facilité ? « On se vouvoie maintenant ? » C’est brut, le ton sec, ça me fait sourciller et cracher un soupir, j’attends toutes les choses qu’il a me reprocher, vas-y Saint, ces derniers temps, t’es pas le premier, et certainement pas le dernier. « C'est plutôt blessant de se faire accueillir comme ça alors que c'est toi qui a disparu comme une voleuse. » Au moins, je lui accorde le mérite de ne pas prendre de pincettes, de m’envoyer la vérité en pleine tête. Je suis partie, comme une voleuse, sans me retourner, et je croyais que jamais je ne reviendrais. J’avais tort, je me suis plantée, je le sais. « Tu crois que j'allais t'oublier malgré tout ce temps ? » Peut-être parce qu’à la vérité, rien ne nous destinait au fait de nous recroiser. « Est-ce qu'on peut discuter ou tu continues à faire comme si je n'existais pas ? » Je l’entends d’avance, sa demande d’explication, son envie de connaître mes raisons.

D’une main, je déride mes traits, le prochain pas pour amoindrir la distance qui nous sépare, c’est moi qui le fais, « Ok. » discuter, je sais faire, tant que je ne dois pas faire face à mon propre procès. « Mais si on discute, c’est en prenant la direction de ta chambre. » J’ai mon boulot sur la conscience, et je ne sais pas quoi dire d’autre, à la vérité, je me sens idiote.

@Saint Lodges