clandestine meetings and longing stares (w/ Teddy)

Ces dernières années, Vee était devenue intimement familière avec les nouvelles bouleversantes. Du genre à éclater le quotidien en mille morceaux, brisant petites habitudes et piétinant toute certitude. Peut-être que l'arrivée de la maladie de Mike dans leur vie si bien rangée aurait dû lui apprendre que rien n'était jamais acquis, jamais définitif. Mais bêtement, égoïstement, après sa disparition, Stevie avait commencer à oublier. Oublier que tout pouvait basculer sans prévenir. Et, si elle était un peu honnête avec elle-même, elle pourrait probablement admettre que ce nouveau retournement de situation n'était pas aussi incongru et dénué de sens que de perdre son mari avant même d'avoir trente ans. Mais l'honnêteté, l'introspection et Stevie n'avaient jamais réellement fait bon ménage, loin de là. Elle avait, en revanche, un talent certain pour ignorer ses problèmes et faire bonne figure — mais même ses fâcheuses tendances avaient leurs limites.

Elle avait essayé pourtant. Avait réussi à prétendre pendant de longues semaines qu'elle n'avait pas commis de faux pas avec la même détermination qu'elle avait joué le rôle de l'épouse parfaite et compréhensive durant les quatre années de combat contre la maladie — les cinq années de mariage, surtout. Avait réussi à se convaincre que cette fameuse nuit dans les bras d'un autre homme que Mike, le deuxième qu'elle ait jamais connu, n'était rien d'autre qu'un fantasme un peu trop réaliste. Elle avait un don, Stevie, pour se raconter de jolies histoires et en faire une réalité. Seulement cette fois, les conséquences étaient trop monumentales pour être simplement mises de côté. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, évidemment — parce qu'elle n'était rien sinon un monstre de ténacité — mais elle avait eu beau attendre que son utérus si régulier en toutes circonstances se manifeste, rien n'y avait fait. Fût un temps où Stevie aurait donné cher, très cher pour que rien ne se passe. Le calme complet, le silence le plus parfait — mais pas comme ça.

Et pourtant elle s'était murée dans le silence. Les coups de fil de ses rares amis sonnaient dans le vide de son minuscule appartement, leurs sms restaient en vu. Même Daisy, son jeune dobermann, la confidente discrète de tous ses bavardages solitaires, n'avait plus droit à la moindre remarque. Stevie avait eu besoin de temps et de silence pour parvenir à seulement envisager le message que son corps semblait vouloir lui faire parvenir. Une semaine avait passé, puis deux, trois et sans comprendre pourquoi, elle s'était retrouvée devant le présentoir de l'allée parapharmacie du dollar store du coin, à se demander combien de tests de grossesse il était possible d'acheter sans attiser la curiosité du vendeur qui vivait dans son immeuble, deux étages plus bas. Quatre positifs et une stratégie élaborée pour éviter son voisin indéfiniment plus tard, Stevie s'était rendue à l'évidence.

Enceinte. Elle était enceinte. Elle, la fille d'une mauvaise mère qui s'était rêvée devenir le parent qu'elle n'avait jamais eu, l'épouse qui avait dû ranger ses projets au placard pour soutenir son mari à travers la maladie, la veuve incapable d'envisager l'avenir autrement qu'au jour le jour, elle était enceinte. Une réalité qui n'avait pas vraiment de sens, comme bien des choses dans sa vie — and yet, it felt right. Ce n'était peut-être pas le bon moment, pas les bonnes circonstances non plus et elle savait qu'elle avait des options — mais elle ne s'était pas posée de questions. Elle avait su, dès l'instant où les deux petites lignes étaient apparues sur le premier test qu'elle avait fait. Cette grossesse était peut-être l'énième surprise d'une longue liste qui l'avait épuisée mentalement mais elle allait aimer cet enfant. Restait à savoir si elle allait le faire seule.

Recontacter Teddy pour une toute autre raison aurait sans doute été profondément embarrassant. Passer une nuit ensemble était peut-être considéré comme un point de départ potentiel à bon nombre de relations amoureuses dans l'imaginaire collectif — y compris dans les nombreux livres qu'elle dévorait, propagande romantique trompeuse — mais Stevie avait du mal à repenser à cette nuit-là sans être submergée par la honte. Pas seulement parce qu'il s'agissait du meilleur ami de Mike, non. Ses souvenirs restaient flous et il était, de fait, impossible d'exclure la possibilité qu'elle se soit jetée sur lui. Non, plus que ça, c'était même la seule option qui avait le moindre sens. Il avait eu pitié et après tout ce qu'ils avaient partagé, Vee refusait de lire ça sur son visage. Seulement maintenant, il y avait plus important que sa fierté.

(Et peut-être, peut-être qu'une petite, toute petite partie d'elle était soulagée d'avoir une raison d'être courageuse. Peut-être.)

Résister à la tentation de tout lui dire au téléphone n'avait pas été simple mais Vee était parvenue à se contrôler. Et si elle avait raccroché un peu abruptement, personne ne pouvait en attester — Teddy excepté. Et, certes, il était d'abord le meilleur ami de Mike — un fait qu'elle aurait ardemment désiré pouvoir oublier — mais elle aimait à penser qu'elle le connaissait un peu. Il ne mentionnerait sans doute pas leur coup de fil ni sa fin brusque, si poli qu'il était. Avec un peu de chance, il ne parlerait pas non plus des semaines qu'elle avait passé à l'ignorer. Si l'univers était avec elle, il serait trop préoccupé par la nouvelle qu'elle allait lui annoncer — et le classeur de données qu'elle avait compilé — pour même remettre la nuit qu'ils avaient passé ensemble sur le tapis. Ou pire, pour s'en excuser. Elle était prête à tout entendre, même à ce qu'il refuse de la suivre dans cette aventure terrifiante qui se développait au creux de son ventre. Tout sauf ça. C'était la seule des nombreuses versions de cette conversation à venir qu'elle n'avait pas su préparer mentalement une fois le rendez-vous posé. Le reste ? Le reste, Stevie s'y était préparée. Plus ou moins. Elle avait laissé les dizaines de scénarios que lui avaient proposé son cerveau se jouer encore et encore, profondément terrifiée par certains, curieusement excitée par d'autres, la nervosité et l'impatience tourbillonnant suffisamment fort pour faire taire le reste de ses émotions.

Jusqu'à ce que, finalement, on frappe à la porte.

Daisy se redressa avec un vague grognement, ses oreilles pointues tendues en direction du bruit. Stevie, elle, se recroquevilla instinctivement sur le canapé où elle avait passé la majorité des dernières vingt-quatre heures. Non, non, elle n'était pas prête. Pas prête à suivre les dizaines de scripts savamment préparés dans un coin de sa tête. Pas prête à décrire à voix haute la nouvelle réalité dans laquelle elle se trouvait. Pas prête à adresser la parole à un garçon dont elle avait très certainement suffisamment chamboulé la vie comme ça. Gentil comme il était, Teddy devait probablement se sentir coupable d'avoir cédé à ses avances parce que — Mike. Peut-être aurait-elle dû suivre l'une de ses folles idées du milieu de la nuit et prendre un billet pour le Canada. Ou Guam. Was it expensive to buy a whole new identity? Was there any time left to sneak out by the fire escape?

Le regard de son chien se posa sur elle et Vee laissa échapper un soupir. Non, si séduisante semblait-elle, la fuite n'était pas la bonne solution. Teddy méritait au moins une conversation à peu près honnête. Mieux que ça, le bébé — leur bébé, qu'il en veuille ou non — méritait qu'elle se comporte comme une adulte responsable. Et elle en était capable. Après tout, elle était restée auprès de Mike des mois, des années durant, malgré l'envie de prendre ses jambes à son cou qui lui avait ceint la gorge du début à la fin — surtout à la fin. Non, elle pouvait se lever de ce canapé prêt à les avaler, elle et ses angoisses et sa culpabilité et le reste des émotions ô combien contradictoires qui l'agitait. Fermant un instant les yeux, Stevie carra les épaules et échappa finalement aux coussins pour se traîner jusqu'à sa porte d'entrée. Le cœur battant à tout rompre, elle se pencha un instant pour jeter un coup d'œil à travers le judas. Là, sur le palier, Teddy ressemblait à — Teddy, juste Teddy. Rassurant et solide, Teddy. Teddy qui n'avait strictement pas la moindre idée de ce qui l'attendait. Pauvre garçon.

Un coup de tête de Daisy arracha Stevie à sa contemplation. Pourquoi avait-elle décidé d'adopter un chien déjà ? Ah, oui, la solitude, le silence, le vide autour d'elle qu'elle voulait tant combler sans très bien vouloir l'admettre. Right. Secouant la tête avec un vague sourire, elle attrapa le collier de Daisy pour s'assurer que sa jeune colocataire ne profiterait pas de l'occasion pour s'enfuir dans les étages inférieurs — un sérieux obstacle à la réussite de son plan pour ne pas croiser Dollar Store Dude pour au moins les dix-huit prochaines années. Un tour de clés et finalement, la porte s'ouvrit sur Teddy. Stevie s'éclaircit la gorge, incapable de le regarder tout à fait dans les yeux. Um, p-please, come in, it's just- you've met Daisy, right? She's a sweetheart, just don't let your shoes laying around because- you don't have to take off your shoes, of course. No reason to do that, none, just- would you please come in so we don't give my neighbors a show? Half of them already think I'm a nutjob, lâcha-t-elle très vite en une tentative désespérée pour mettre un terme au raz-de-marée verbal qui menaçait de noyer le peu de courage qu'il lui restait. Pas qu'elle en ait eu beaucoup au départ mais Teddy Edwards était susceptible d'anéantir toute poche de résistance.

Je n'aurais jamais fait le premier pas de moi-même. Et je suis assez surpris que Vee l'ai fait. Surtout qu'il ne s'agit pas là d'une vidéo out of context envoyée sur tiktok ou d'un simple partage d'un meme ou d'une photo marrante trouvée sur un réseau social. Non, Stevie veut me voir. Elle me demande de la rejoindre chez elle, et je suis terrifié.

A la mort de Mike, ma vie s'est écroulée en milles pièces. J'ai basé ma personnalité sur l'archétype du reliable bestie. Dans le jeu de rôle Kids on Brooms, il s'agit d'un véritable type de personnage : le sidekick, le personnage de second plan, celui qui est là pour backup ce que le main character dit et juste pour l'aider. Vous le connaissez bien. Il s'agit de Ron Weasley dans Harry Potter, de Grover dans Percy Jackson ou de l'Âne dans Shrek. Le reliable bestie est toujours au second plan -pas dans le background, au second plan- et il fait des blagues pour détendre l'atmosphère. Souvent, il est le comic relief d'une situation gênante, troublante ou effrayante. Par contre, le reliable bestie ne cherche pas à avoir tout l'attention sur lui. Quand ça arrive occasionnellement, il en profite un peu, mais ça ne dure jamais qu'un temps et tant mieux. Il ne supporterait pas d'être mit sur la couverture du livre sans son meilleur ami, le main character. Mike c'était mon main character. Mais Mike n'est plus là. Je n'ai plus ce pilier auquel je suis censé être rattaché. Quand Mike est décédé, je me suis retrouvé seul. Sans savoir quel était le but ultime dema vie. Je pense que Mike se doutait que ça allait m'arriver. Je pense que c'est pour ça qu'il m'a poussé à suivre mon rêve et à monter sur la scène. Il savait que quand il ne serait plus là, il faudrait que je me trouve un nouveau chemin de vie.

Assis dans une rame bondée du métro, je tire les manches de mon pull marron frénétiquement, sans m'en rendre compte. Un tic que j'ai quand je suis angoissé, quand je ressasse de mauvaises pensées ou de mauvais souvenirs. Je ne sens même plus les mauvaises odeurs du métro New Yorkais, je suis tellement perdu dans mes pensées. Comment ai-je pu faire ça ? Comment ai-je pu autant trahir Mike ? Le véritable reliable bestie ne l'aurait jamais fait. Jamais, ô grand JAMAIS il n'aurait approché la veuve de son meilleur ami décédé de la sorte. Des flashs me reviennent, ses lèvres pressées contre les miennes, nos mains qui s'enlacent, sa peau encore plus douce que je l'imaginais et son parfum. Une odeur que je n'oublierai jamais. Une odeur douce et réconfortante. Une odeur que j'ai toujours rêvé de sentir d'aussi près. Comment vais-je faire pour regarder Vee dans les yeux après ce qu'on a fait ?
Jusque-là, j'avais toujours réussi à cacher mon attirance pour elle. Les principaux concernés ne s'en été jamais rendu compte, thank god, imaginez l'horreur de la situation si Mike avait un jour lu la tendresse dans mon regard lorsque mes yeux se posaient sur sa femme. J'ai essayé de trouver l'amour ailleurs. Je m'étais même fiancé for god sake. Mais rien ni personne n'a réussit à chasser Vee de mon esprit.
Je me voilais la face quand je pensais, ces derniers temps que mes sentiments avaient changé. Il a suffit d'un verre de trop pour tout remonter à la surface.
Après les faits, je me suis enfui.
Comme un lâche.
Rongé par la culpabilité qui a instantanément prit possession de mon corps.

Mes souvenirs d'après les faits sont flous. Je ne sais pas à quel point je suis parti vite, je pense m'être endormi une ou deux heures à ses côtés avant de me rendre compte de ce que j'avais fait. Mais je ne suis plus sûr de rien. Ce que je sais : c'est que je suis parti rapidement, laissant la chaine qui était accrochée au col de ma chemise derrière moi.
Est-ce que c'est pour cela que Vee m'a demandé de venir chez elle ? Veut-elle simplement me rendre mon bijou ? Elle aurait pu me l'envoyer, la jeter à la poubelle, ou même la garder pour elle. Mais non, elle veut que je vienne en personne chez elle.
Peut-être que c'est pour me dire qu'elle me déteste ? Que je la dégoute ? Peut-être tient-elle à me dire de vive voix à quel point elle regrette de s'être laissée allé dans mes bras le mois dernier ?

Une voix robotique semble me réveiller. Je lève les yeux et aperçoit le nom de la station de métro à laquelle on vient de s'arrêter, et shit shit shit, je dois descendre là. Je me lève subitement, tente de me frayer un passage entre la foule puis le signal retentit. La porte se ferme, et le métro reprend son chemin.
« Bloody hell !  » Je lâche à voix haute, les personnes autour de moi semblent me dévisager, me juger. Je leur offre un petit sourire-pincement de lèvres de la gêne. -on sait tous de quelle expression du visage je parle- Et j'attends d'arriver à la station suivante pour y descendre. Tant pis, je marcherai plus.

Marcher me fait du bien au final. L'air frais me frappe le visage, mais ce n'est pas grave. Ca me sort ces images de Vee et moi de la tête. Comme un rappel à la réalité. Je ne peux plus penser à cette soirée-là. Elle m'a fait venir pour me dire que c'était une erreur, de toute façon. I need to move on already. It's been way too long.

Le bout de mon nez doit être rouge quand j'arrive devant la porte de l'appartement de Stevie. Je déglutis, et dois prendre mon courage à deux mains avant de toquer à la porte. Ma main libre serre le bout de la manche de mon pull, et quand j'entends des pas se rapprocher de la porte d'entrée, mon estomac se serre, mon rythme cardiaque s'accélère. La clef se tourne dans la serrure et mon coeur se lève. Vee m'ouvre la porte, et je placarde un sourire sur mon visage. Je suis un expert à dissimuler mon anxiété pour qu'elle devienne invisible au public.
« Hi,  » je réponds simplement à Stevie en entrant dans son appartement. Je m'accroupis pour faire quelques caresses à Daisy.
« Hi magnificent ball of fur !  » Puis je me redresse awkwardly, et place mes mains dans mes poches en faisant quelques pas pour ne pas rester planté dans l'entrée comme un débile.
« Yeah, no. I don't... plan on taking off my shoes this ti- except if you've just been cleaning your floors or something. If so I can if you want me to.  » Pas sûr que la vanne de "je pensais pas retirer mes chaussures cette fois-ci" soit de très bon goût. C'est peut-être encore un peu tôt, non ?
« So what's up then, nutjob ?  » je demande, n'osant même pas enlever mon manteau. Comme si je voulais me rattraper en n’enlevant aucun vêtement aujourd'hui. Je tente de garder un sourire sur mes lèvres, même si j'ai l'impression de ne pas réussir à paraître aussi serein que d'habitude.

C'était curieux, ce mélange de sensations qui déferla en lui ouvrant la porte. La surprise qui lui tendait les yeux, presque de l'incrédulité, qu'il soit venu après la manière dont elle l'avait traité ; l'angoisse qui lui ceignait le ventre, gouffre immense qui s'était ouvert une fois qu'elle avait réalisé son retard ; le stress amené par toutes ces questions sans réponse qui s'entrechoquaient dans sa tête depuis ; et le soulagement enfin, qu'il soit venu. Un cocktail qui faisait trembler ses jambes et portait son cœur jusqu'au bord de ses lèvres — maybe that was morning sickness — mais Stevie maîtrisait l'art de faire bonne figure. Elle profita des quelques instants d'attention que s'accaparait Daisy avec chaque individu qui croisait son chemin, pour s'armer d'un sourire qu'elle espérait normal. Et, vraiment, si elle n'avait pas été sur le point de lui annoncer une nouvelle monumentalement chamboulante, Vee n'aurait sans doute pas su résister à l'image d'un Teddy s'émerveillant devant un chiot. Il devait y avoir quelque chose de primal là-dedans, une tradition ancestrale qui dictait qu'il fallait tomber en pamoison devant tout partenaire potentiel s'occupant d'une petite bête mignonne et vulnérable. Et d'ici quelques mois, cette petite bête mignonne et vulnérable serait un bébé — leur bébé. Don't worry about the floors, parvint-elle à articuler, la gorge serrée par une nouvelle vague d'angoisse, courtoisie de la seconde épiphanie qu'elle venait d'avoir — elle s'apprêtait à ruiner sa vie.

Purement et simplement.

Parce que Vee ne s'était pas longtemps posée la question, elle allait garder ce bébé. Et Teddy, parce qu'il était Teddy et que Dieu, l'univers, le destin, whoever was in charge, avait décidé d'attraper tout ce qui était bon et pur et généreux de disponible ce jour-là, et de le coller dans un seul et même humain, Teddy allait sans doute rester et l'aider, qu'il en ait envie ou non. Et probablement qu'il n'en avait pas envie. Quelle personne saine d'esprit désirerait voir sa vie basculer par une grossesse non désirée, à partager avec la veuve de son meilleur ami ? Non, vraiment, il y avait plus urgent que s'inquiéter de salir ou non son parquet mais Stevie n'était pas certaine de la marche à suivre. Et plutôt que de vider son sac au beau milieu de son entrée, elle attrapa la manche du manteau de Teddy, prenant grand soin de ne pas le toucher directement — elle avait passé suffisamment de temps à imaginer l'expression de dégoût qu'elle devait lui inspirer pour ne pas avoir envie de la voir dans la vraie vie — et l'attira jusqu'au salon. Please, just... just take a seat, ok? demanda-t-elle, incapable de croiser son regard. I need to tell you something, reprit-elle en arpentant la pièce de droite à gauche, fébrile au point de ne pas savoir quoi faire de ses bras — finalement recroquevillés contre sa poitrine — ni de ses mains — triturant l'ourlet de son pull et la chaîne un rien trop grande qu'elle portait autour du cou. And I know it's unfair and fucked up but I already made a decision about it, and I'm gonna need you to respect it but also your genuine reaction to it. Like, not go all Teddy about it and forget about your own wants and needs- you do realise you do that, right? Elle s'arrêta brutalement devant le canapé, les sourcils froncés, des souvenirs aléatoires se pressant au premier rang de sa mémoire. Like whenever we would get pizza and Mike had us order from that French bistrot? I know you didn't like a thing on that menu, I mean, why would you? Pizza's not even goddamn French but you never said anything. This, it's not French fucking pizza, ok? Clairement pas le premier plan qu'elle avait mentalement établi en imaginant cette scène, ni même le second ou le troisième mais elle n'avait pas non plus prévu de se retrouver enceinte, ni veuve. Si elle retournait dans le passé pour prévenir sa version adolescente, cette dernière aurait besoin de beaucoup, beaucoup, beaucoup de thérapie et pas uniquement en raison du paradoxe temporel. If you don't like it, if you don't want any part of it, if you, I don't know, if you just can't handle it, it's fine, no biggie. And the good news is, you got a bit of time to really, really think about it because, hey, turns out condoms aren't foolproof but the consequence takes, like, eight to nine months to get there, so... yeah, long story short, I'm pregnant but like I said, it's fine, totally fine. Et si elle le répétait suffisamment, peut-être que ce petit mensonge se transformerait en vérité.