Une bulle ft Ange.

Tu es paralysé par la peur à l’idée d’annoncer la nouvelle à Ange. En réalité, tu n’as pas l’obligation de lui dire. Pourtant, quelque chose en toi te pousse à partager ce poids, à ne pas laisser d’autres bouches le dévoiler. Tu ressens un besoin urgent de lui confier ce qui te déchire le cœur. C’est peut-être le dernier souffle que tu peux offrir à votre relation, un ultime effort pour raviver la flamme. Est-ce trop demander ? Tu vas vite le découvrir. Finalement, tu lui as proposé de vous retrouver ici, dans ce coin tranquille, pour éviter de vous perdre dans des excuses infinies. Au pire, il pourrait te tuer avec ton bubble tea. Vous avez passé commande, mais tu sais déjà que chaque gorgée va rester coincée dans ta gorge, comme un nœud serré qui refuse de se défaire. — Je voulais te voir pour… J'ai avoué mes sentiments pour un autre homme. Ça me terrorise. J’ai peur que tu te sentes trahi. Ce n’est pas toi, et ça me perturbe profondément. Je pensais finir mes jours avec toi, mais quand c’est toi qui te décides à me voir, moi et uniquement moi… je decline. Tu sens une douleur sourde dans ta poitrine, comme si chaque mot que tu prononces te fendait le cœur. — Dans une autre vie, ça aurait été nous, mais pas dans celle-là. Je t’aime, et je t’aimerai toujours. Juste… pas comme nous l’aurions voulu. Que devrais-tu faire de cette information ? J’en ai foutrement aucune idée. C’est égoïste, je le sais. Pardonne-moi. Tu baisses la tête .. Perdu.

Rendez-vous convenu. Angoisse violente. Depuis qu'Harlem avait demandé à me voir pour me dire quelque chose, la boule d'inquiétude n'avait jamais cessé de grandir dans mon ventre. Si, au départ, je m'emballais pour cette rencontre et cet échange me berçant de rêves illusoires, Harlem m'avait vite remis les pieds sur terre en soufflant que ce qu'il avait à dire n'était pas agréable. Ça n'annonçait rien de bon. C'était déplaisant. Et la peur n'avait fait que m'accompagner depuis. Elle m'avait collé à la peau si bien que j'avais été incapable de faire quoi que ce soit. Juste attendre. Simplement patienter. Jusqu'à ce jour et ces retrouvailles dans un salon de thé. La commande passée, nous étions installés à une table et j'attendais en silence d'entendre sa voix. Heureusement pour moi, ça ne tardait pas. Harlem confiait soudainement ses sentiments pour un autre homme. Le souffle se coupait. Le cœur craquelait. Déglutissant difficilement, je baissais les yeux. Putain ouais, ce n'était pas agréable et c'était aussi foutrement inattendue. Je peinais à entendre les autres mots du jeune homme. Le bourdonnement sourd avait pris place dans mes oreilles. Mes mains glissaient de la table à dessous. Je jouais nerveusement avec mes doigts le laissant parler. Lorsque le silence se faisait, le « Je... » quittait mes lèvres sans rien de plus. Je ne savais pas quoi répondre. Une part de moi avait envie de faire un scandale, de supplier et de me battre pour dégager cet homme. Une part de moi refusait qu'Harlem tombe pour un autre. Cependant, je prenais sur moi pour ne pas réagir ainsi. Les mots du père d'Harlem cognait dans ma tête. Mes prunelles se fermaient un instant avant que je ne relève les yeux. J'observais Harlem sentant mon cœur se craqueler encore plus fort. Ma langue glissait sur mes lèvres avant que je ne souffle « Je suis content pour toi Harlem. Tu mérites le bonheur et j'espère que tu seras le plus heureux du monde. » Ouais, c'était bien ça. C'était correct. Ange sage. Ange restant à sa place.

Corps tendu. Réalité oppressante. Mes dents venaient mordre ma lèvre en voyant Harlem secouer la tête et balancer une demande pour ne pas avoir de mensonges. Est-ce que je mentais dans mes propos ? Non. Pas vraiment. Harlem méritait le bonheur et j'espérais qu'il le soit alors il était obligatoire que je sois heureux pour lui dans une telle situation. C'était ce qu'il attendait de moi, non ? Peut-être pas vu la réaction qu'il avait. Mon regard se baissait en le voyant se mettre à pleurer. Cette vision était insupportable. Rester de marbre et sage devenait d'autant plus compliqué. Je secouais doucement la tête à son interrogation, mais je n'avais pas le temps d'en placer une qu'il s'excusait et attaquait comme pour me provoquer. J'enfonçais mes ongles dans la paume de ma main pour me contrôler. Ne pas hurler. Ne pas faire de scandale. Ne pas supplier. Ne rien gâcher. Haussant doucement les épaules, je finissais par marmonner « Si c'est ton souhait ou celui de... De ton futur mec... » Bordel, le mot écorchait la gorge et piétinait violemment le cœur.  « ... Alors je te laisserais. Sinon non ce n'est pas prévu. » Non je n'avais pas envie de le laisser. Mais, au fond de moi, je savais déjà que le fossé venait de se former. J'allais m'éloigner. J'allais m'effacer. Ange qui ne voulait pas foutre en l'air Harlem. Ange qui avait rechuté dans la drogue. Ange bien trop néfaste. Gardant les yeux baissais, je reprenais « Je ne compte pas gueuler ou te détester. Je suis content pour toi Harlem et tu mérites ce bonheur. » Je me répétais une nouvelle fois. Je me tenais restant parfaitement sage et derrière la barrière. Je prenais sur moi pour être celui que je devais être. Si loin de celui que je voulais être.

Se blesser. Sombrer. C'était ce qui m'arrivait à cet instant quand bien même je ne laissais rien paraître. Les mains étaient masquées sous la table laissant les ongles pénétrer la paume en silence. La chute était masquée par le comportement si sage que j'adoptais. Pas de scandale. Pas de cris. Pas de larmes. Pas de colère. Pas de haine. Je me montrais juste compréhensif répétant les mêmes mots et restant parfaitement à ma place. Si Harlem avançait, je n'avais pas le droit de le retenir en arrière. Si Harlem en aimait un autre, je n'avais qu'un seul droit : celui de ne pas m'imposer. C'était ce que je m'efforçais de faire gardant les yeux baissés. Si je voyais Harlem pleurait, je risquais de ne pas savoir tenir la façade. Le silence me répondait. Juste le silence jusqu'à ce que la question ne résonne. Cette interrogation inattendue. Cette question qui me poussait à fermer les yeux un bref instant avant de relever la tête. Mon regard se plantait dans celui d'Harlem et le « Je suis sobre » passait mes lèvres en toute sincérité. Je ne mentais pas. Là, à cet instant, j'étais parfaitement sobre. Conscient de ce rendez-vous avec Harlem, j'avais fait attention à mes heures de consommation pour être certain de venir sobre. Je ne devais pas être une tentation. Je ne devais pas le faire chuter de nouveau. Alors je soufflais cette vérité sans la moindre hésitation parce que, putain, c'était la vérité. Je gardais mon regard rivé sur Harlem comme un gage de ma sincérité.

Regard soutenu. Duel réel. Les prunelles d'Harlem semblaient sonder les miennes bien trop fort. Il ne lâchait pas comme espérant me faire flancher. Je ne chutais pas cependant. Je ne lâchais pas. Je me raccrochais à la réalité. Cette réalité où Harlem était tombé pour un autre et où je devais donc m'effacer plus loin dans le paysage. Je n'avais pas le droit de lever le voile sur mes réels ressentis. Je n'avais aucun droit pour faire une crise de larmes ou de colère devant le jeune homme. Une part de moi en crevait d'envie pourtant. Mais, je tenais et, putain, heureusement que je n'avais rien consommé. Harlem l'aurait vu sinon. J'aurai flanché sinon. L'homme que j'aimerai la totalité de mon existence finissait par hocher la tête et je baissais enfin les yeux reprenant mon souffle que je n'avais même pas eu conscience d'avoir retenu. J'hochais à peine la tête à son remerciement tandis que mes ongles s’enfonçaient plus profondément dans ma paume. Cette douleur n'était rien comparée à celle qui bouffait mon cœur. Les autres mots tombaient et le « Merci » était murmuré en retour. Je ne savais pas que dire de plus face à son souhait. Il n'y avait rien de plus à dire. Je rêvais que ce tête à tête prenne fin. Je voulais rejoindre mon appartement et me laisser envahir par la douceur des substances qui sauraient me faire oublier l'horreur de cette réalité. Je désirais rejoindre mon appartement et laisser les larmes m'échapper. Ces larmes que je retenais depuis le début. Gardant les yeux baissés, je conservais le silence n'osant pas ouvrir la bouche pour mettre fin au moment. Je ne voulais pas attirer les questions ou les angoisses d'Harlem si je précipitais la fin de cette rencontre. Et, même si au départ j'avais voulu confier ma rencontre avec son père, ce n'était plus dans ma liste de choses à dire à présent. Ange qui devait s'effacer. Ange qui n'avait plus sa place. Et putain que ça faisait mal.