La décision a été prise sur un coup d'tête. Celle de partir quelques jours, s'éloigner de toute la merde de Boston, des gens, des traîtres, des lâches et des menteurs. Le gros sac sur le dos, Ace est en route pour partir. Il a pris son temps, quelques heures, pour se calmer malgré la décision prise à l'arrache, et poser sur papier ses songes l'a finalement conforté dans son idée qu'il est plus que temps qu'il prenne cette distance s'il ne veut pas tuer quelqu'un ─ Amore ─ sur un coup de tête. Mais partir comme ça, comme un voleur... ça le dérange un peu. Surtout à cause de ses échanges avec Rose, qui n'ont eu de cesse de les déchirer toute la soirée. Un coup ça va, un coup ça va plus, et dans tout ça, ils sont incapables de trouver un juste milieu. Alors ça aussi, il l'a posé sur papier. Il est quatre heures du matin, et il se faufile jusqu'à la porte d'entrée de l'appartement de Brinley, où il se baisse pour glisser une enveloppe avec juste écrit le nom de Rose dessus. Rien de très romantique, d'esthétique ou avec senteur. Une enveloppe blanche, simple, et du papier volé à son imprimante pour pouvoir écrire dessus. Et lorsque sa tâche est accomplie et qu'il ne peut plus récupérer la lettre, Ace se redresse, caresse la tête du chaton curieux pris dans sa veste, et il s'autorise une longue inspiration avant de se détourner de la porte et repartir en direction de la moto, à l'extérieur. Le moteur redémarre, et il s'éclipse avant que la ville ne se réveille, partant vers l'ouest, sans réfléchir à une destination précise.
- Lettre à Rose:
Rose,
Avant toute chose, désolé pour mon écriture illisible, ça a jamais été mon talent, tu le sais.
Je savais pas trop comment te faire parvenir ce message, mais je me suis rappelé des conseils que je donne parfois aux autres : poser ses idées à l’écrit, puis les organiser. Alors je vais essayer de les suivre pour une fois, ces fameux conseils.
On a déjà parlé de combien c’est difficile pour nous deux d’exprimer ce qu’on ressent, et je veux pas trop revenir là-dessus. Mais je crois que qu’avec tous les événements récents, c’est important que je te dise pourquoi t’es importante.
La première chose qui me vient en tête, c’est ta force. Je sais que tu ne la vois peut-être pas toujours, mais t’as cette capacité incroyable à affronter les tempêtes, même quand elles viennent de moi. T’es pas le genre à plier facilement. Je sais que j’ai dit que t’as pas les épaules pour m’encaisser… et c’est pas les bons mots. T’as juste pas l’expérience. Et moi non plus, honnêtement, et pourtant t’es là. Je sais qu’à chaque fois, c’est toi qui as fait le premier pas. Tu m’as fait comprendre combien je suis important, t’es venue chercher ce que tu voulais, en te fichant de ce que les autres peuvent penser. Tu t’es imposée, parce que quand tu as décidé, tu agis. J’avais déjà remarqué ça, à l’époque, quand tu as jeté ton dévolu sur moi, et je comprenais pas pourquoi. C’est ce qui fait une partie de ton charme, d’ailleurs.
Puis ta fausse froideur, aussi. Ton air inaccessible, menaçant et glacial, alors qu’on sait tous les deux combien t’as l’air inoffensive et tendre quand tu souris le matin. Tu te caches, mais je sais combien ton coeur est tendre et tu aimes les petites preuves d’affection. Juste un baiser sur la joue sans te prévenir, une simple caresse sur le bras, ou t’accueillir avec une étreinte plus longue que d’habitude. Et t’es si sérieuse aussi, quand t’étudies. Des fois je me rappelle combien t’es impliquée dans tes études, et ça force l’admiration de te voir travailler autant pour te donner les moyens de t’en sortir. Je sais que moi, à ta place, j’aurais pas pu. On est très différents sur ce point, mais ça m’empêche pas de l’apprécier. T’es vraiment très loyale, aussi. Peut-être même que des fois ça joue contre toi, quand je vois les problèmes qu’on a eus, mais de l’autre côté, je me dis aussi que c’est une belle qualité qui se fait de plus en plus rare. Tu lâches pas les gens que t’aimes, quoiqu’il arrive. Et je le respecte, même si ça peut me rendre jaloux ou me faire sentir en compétition avec des fantômes de ton passé.
Ta sensibilité, aussi, me touche profondément. T’as du mal à l’exprimer, à la laisser parler, parce que c’est comme admettre des faiblesses. Surtout avec moi. Y’a de nombreuses peurs que tu caches, des insécurités, des pensées sombres, un manque de confiance en toi que tu m’as jamais, ou vraiment trop peu exprimé. Ton coeur est plus fragile et plus tendre que ce que tu laisses paraître, et malheureusement, je ne l’ai pas découvert au travers de belles situations…
Quant t'es arrivée dans mon appart, au début, j'étais super méfiant. Je m'attendais à ce que tu te venges de moi, à un moment, donc je t'ai beaucoup observée. J'ai rapidement repéré tes habitudes, ton rythme, tes préférences culinaires, ce genre de trucs ; mais j'ai voulu t'accorder le bénéfice du doute.
Puis progressivement je me suis habitué à ta présence. J'étais moins dérangé à l'idée que tu t'installes, prennes de la place, bouges mes affaires. Je m'y suis juste fait, sans même m'en rendre compte. J'ai pris l'habitude de cuisiner pour deux, faire des courses en pensant à toi, et parfois même me demander si je devais te prendre une bougie à un parfum spécifique, une nouvelle serviette, ou si même l'épaisseur du papier toilette te convenait.
Mais j'ai voulu étouffer tout ça, parce que je savais que j'étais pas fréquentable. J'étais déjà au courant, à l'époque, que j'avais des problèmes comportementaux, que j'étais pas fiable, et que me fréquenter terminerait fatalement avec des blessures. Je savais aussi qu'Amore n'accepterait pas qu'on se rapproche, parce qu'il m'a déjà vu être un connard avec beaucoup de filles avant toi, à les repousser dès qu'elles s'entichent, flirter avec des filles en couple, ce genre de truc. Tu m'as pas connu comme ça, mais c'est ce que je fais, depuis des années.
Sauf que t'avoir à mes côtés a tout changé. Ce qui était au départ juste une envie de rendre service à la petite soeur d'un ami proche s'est transformé en une routine plaisante qui m'a donné goût à la vie à deux. J'appréciais juste ta compagnie. Ça me suffisait. J'avais pas besoin de plus, et je ne voulais pas plus, par crainte de te faire du mal et te décevoir.
Ce que je veux, c’est que tu continues à vivre comme tu l’as toujours fait : libre, fière et sans compromis. Je vois bien que mes problèmes te blessent, te font du mal, même si tu me dis que je suis la meilleure chose qui te soit arrivée, tu n’as jamais autant été dans le mal non plus, je me trompe ? Ce que je voulais dire, quand je t’ai dit que je te demandais ni ton coeur ni ta vie, c’était simplement que je peux t’admirer sans ça. Tu es déjà précieuse, même loin de moi. Et je détruis tout ce que je touche, encore et encore... alors le temps que j’apprenne à prendre soin des choses et des gens qui me sont chers… je te confie ta propre personne, à toi-même. Parce que j’aime ton sourire et je le préfère de très loin à tes larmes.
Tu voulais m’aider, et c’est ce que je te demande alors. De trouver une façon, sans moi, de sourire, de profiter. De sortir, t’amuser, sans forcément m’oublier derrière. Juste me démontrer que je peux pas te détruire, que mes déboires ne te feront pas sombrer avec moi, et que toi et moi on vaut plus que nos erreurs. J’ai besoin de me dire que tu me tires vers le haut, plus que moi je te ne tire vers le bas.
Je n'ai pas toujours été celui que tu mérites, mais tu es toujours restée là, et pour ça, je t’en suis reconnaissant. J’oublie pas nos galères, mais aussi nos bons moments, même si c’est plus difficile de s’y accrocher en pleine tempête. Et pourtant, ce sont ces moments qui me rappellent que c’est grâce à toi que j’avance, même si je trébuche souvent. Ce sont tes sourires, tes encouragements, ta détermination et ton mordant qui me rappellent à l’ordre quand j’ai envie d’abandonner.
Continue d’avancer aussi, même si on progresse pas au même rythme. On finira bien par se retrouver, parce que mon regard continuera de te chercher.
-Ace
(Ace Chung)
⎡ dead language ⎦
Oh, I wonder, when did it all stop making sense? I don't understand, I remember we were so sure, so innocent. Can we ever go back again? Can we ever go back? You're speaking a dead language, you don't sound like yourself. And brick by brick we started crumbling ; will I find you when it falls?
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