NABIL DARWISH › Tamino-Amir Moharam Fouad

quand les avions en papier ne partent plus au vent
જ⁀➴

un › ah, l'amérique. je veux l'avoir et je l'aurai. si c'est un rêve, je le saurai. malgré le kaléidoscope des vies qui l'entourent, il se sent parfois comme un étranger dans ce pays qui l'a vu naître (é t a t s - u n i s), il y a tout juste vingt-sept ans. identités disparates. condamné à vivre en périphérie de sa propre existence.


deux › saltimbanque against madame robot. mon fils. ma fille. nassira, l'aînée. elle a tout ce qu'il n'a jamais été : disciplinée, inébranlable, presque rigide. tandis qu'il s'égare dans ses rêveries, elle avance, imperturbable, comme une horloge parfaitement réglée. pourtant, sous cette façade, il devine les fissures — un miroir à sa propre vulnérabilité. si les responsabilités ne sont pas les mêmes, ils portent, ensemble, le poids du monde sur leurs épaules.

trois › dès son plus jeune âge, il est bercé par des sons qui résonnent avec son âme sensible. la musique est, pour lui, un langage universel qui lui permet d'exprimer ce qu'il ne peut pas toujours dire avec des mots. elle lui permet d'exprimer des connexions profondes, de transformer des moments ordinaires en moments de magie. la musique est un rappel que, même au coeur de l'agitation, il existe des moments de beauté et de réflexion dont il est le porteur.  

quatre › chaque livre est une porte qui mène aux secrets de l'univers. il trouve dans les pages des livres un écho à ses nombreux questionnements. littérature, philosophie, histoire... autant de chemins parallèles et perpendiculaires qui forment un réseau complexe de réflexions. ces disciplines nourrissent son esprit comme l'air alimente le feu, attisant sans cesse sa soif de comprendre les mystères du monde et de l’âme. aux quatre coins du monde, en arpentant les salles silencieuses d'un musée ou en effleurant du bout des doigts une page jaunie par le temps, il ressent le poids de l'histoire et la persistance des idées qui transcendent les époques. il sent, au fond de lui, que la véritable immortalité réside dans les idées, dans les émotions transmises à travers l'art, la musique, la poésie, le savoir. ce contact avec l'immortalité de la pensée humaine alimente son propre désir de laisser, lui aussi, sa trace sur la toile de la vie. à travers ses lectures, il espère un jour atteindre une compréhension de lui-même qui lui permettra de se libérer de cette distance qu’il maintient entre lui et les autres. la vérité sème ses racines dans l'esprit qui ose la chercher.

cinq › je reviendrai je ne sais pas quand. cousu d'or ou brodé d'argent. ou sans un sou, mais plus riche qu'avant. ces paroles l'accompagnent encore, comme un écho des promesses formulées sur les rives du Nil, tandis que le soleil doré peignait des reflets d'or à la surface. il a passé l'été de ses seize ans au bord de la méditerranée, accompagné de nassira. ce voyage, loin d'être un simple retour aux sources, s'est avéré être une révélation, une invitation à embrasser son héritage. l'égypte pour point de départ, avant d'arpenter les routes du monde jusqu'à ce que son chemin s'arrête quelque part au bout de la terre.

six › la probabilité d'être frappé par la foudre est de moins de un sur un million. pourtant, il se souviendra toujours de ce jour comme d'un coup de tonnerre vaguement annonciateur. mauvais augure. il aurait voulu trouver les mots justes, en vain. rien ne suffirait. il avait simplement serré sa main. quoi dire à sa mère qui pleure... quand le passé s'efface peu à peu, que le présent se dissout dans l'oubli, et que l'avenir ne semble plus être qu'une promesse de souvenirs perdus.  



sept › si la mémoire s'efface doucement, les images, elles, survivent à la malédiction du temps. alors, il capture tout, tout, tout dans des albums photo. même les moments les plus anodins trouvent refuge dans ses archives photographiées, comme des fragments de vie qu'il tente de soustraire à l'oubli. hymne à la vie posthume. chaque cliché devient un talisman, un rempart contre l'effacement. chambre noire de l'immortalité.

ce qui l'effraie › le temps qui passe sans laisser de traces. la banalité. une vie sans passion, ni amour, ni sens. l'ignorance. l'indifférence. l'intolérance. ne jamais pouvoir s'ouvrir complètement aux autres. se perdre. oublier.

ce qu'il aime › la pluie. marcher pieds nus. voyager. les films en noir et blanc. les ruines. la quiétude. visiter les musées tôt le matin avant le brouhaha. les annotations laissées dans les livres. le bruit du contact entre la pointe du tourne-disque et les microsillons du vinyl. l'écriture en patte de mouche. les balades en solitaire. son ombre — la plus fidèle des amantes. la spontanéité des éclats de rire. nassira. les silences ⸻ le silence. fredonner des mélodies. jouer pour les passants. les brocantes. cueillir entre ses mains les souvenirs des personnes âgées ⸻ le plus précieux des trésors. apprendre. les histoires racontées par des inconnus. les boissons qui s'apprécient lentement.

ce qu'il n'aime pas › la vulgarité. le bruit des notifications. les selfies. la musique trop forte. les bars et boîtes de nuit. les personnes qui parlent trop fort. la précipitation. les réveils-matin. la bière. les endroits bondés — il se sent étouffer. les personnes qui coupent la parole sans prendre le temps d'écouter. se disputer. les décors froids, aseptisés. les gens qui ne supportent pas le silence. les films aux fins prévisibles. les restaurants où la musique est trop forte pour s'entendre parler. les bavardages sans intérêt — parler de la pluie et du beau temps.