PEEK A BOO | LYSSEE

Il traîne un peu des pieds le Wayne, dépose quelques affaires dans une petite valise. Le strict minimum, des vêtements amples, de quoi passer quelques jours chez son père sans avoir à repasser par ici chaque soir. Une tâche à laquelle il s’attèle lentement, le corps au ralentit, l’esprit tout autant, le manque de sommeil évident. Les vingt-quatre dernières heures s’étaient enchaînées en ne lui laissant que peu de répit au Wayne, épuisé entre une soirée de confrérie, une expédition urbaine surprise et un après-midi sur le canapé à jour à la console. Il n’avait bénéficié que de quelques heures de sommeil ce matin, à son retour du meetbex, Pas assez à son goût. Alors il se traîne, fait tout avec une lenteur exagérée lorsqu’il pourrait se dépêcher un peu pour gagner plus vite l’appartement de son père et aller s’allonger mais non. Il prend même le temps de traverser l’appartement pour aller ouvrir la porte lorsque l’on sonne. Personne de visible dans le judas, il se pose des questions le Wayne, se demande s’il s’agit d’une erreur ou s’il a mit trop de temps pour arriver. Porte qu’il déverrouille et entrouvre pour passer la tête, regarde si on aurait pas déposer un colis pour eux sur le paillasson mais alors qu’il tourne la tête, une silhouette surgit subitement, masquée, inquiétante. Il ne peut s’empêcher de lâcher un cri de surprise le Wayne alors que les battements de son cœur montent subitement en flèche. Sans réfléchir, il se recule et disparaît derrière la porte qu’il claque et verrouille pour maintenir le danger à l’extérieur de l’appartement. Corps appuyé contre celle-ci, main sur la poitrine, il tente de retrouver un peu de lucidité pour savoir quoi faire. Appeler la police ? Ses colocataires ? Attendre que la personne disparaisse ? Et si c’était lui ?

Sa réaction peut paraître excessive, mais il ne peut pas lutter contre, le Wayne. Il le sait bien bien que depuis quelques temps - et pourrait faire une croix sur le calendrier pour en indiquer la date réelle - il est en hypervigilance, sur le qui vive à chaque instant. Blessure invisible qui accompagne celles sur son corps, pour laquelle il tente de se soigner également. Mais l’esprit ne se soigne pas comme les os ou les tissus, le temps et les pansements ne servent à rien dans cette situation, et c’est bien pour cela que tout est compliqué pour lui depuis son agression. Car là où le repos permet à son corps de ne pas souffrir, il est plus compliqué de mettre son esprit à l’arrêt, de contrôler certaines de ses réactions, notamment face à la surprise, à l'inattendu. Il aurait voulu pouvoir se contenter d’un sursaut Lyssandre, ou d’un pas en arrière mais son corps, mécaniquement, le protège, lui rappelle que la dernière fois non plus il n’a pas eu le temps de réagir. Alors, si cette fois il en a la possibilité, il préfère se mettre à l'abri, en sécurité afin d’analyser la situation, de réfléchir après à ce qu’il peut faire. Une réflexion qui prend son temps, parce qu’il n’y arrive pas le Wayne, à se calmer, à respirer, à ne pas imaginer une nouvelle fois que le pire va lui tomber dessus. Ma main sur la poitrine, l’arrière de la tête contre la porte, il serre les doigts sur son pull, tire légèrement dessus alors qu’il a l’impression d’étouffer. Trop de frayeur, trop d’angoisse pour lui ces dernières heures. Un trop plein qu’il doit évacuer.

Les yeux qui commencent à montrer des signes d’humidité, il serre un peu plus les poings, tente de réguler sa respiration alors que derrière lui, de l’autre côté de la porte, une voix se fait entendre. Familière. Il l’a beaucoup entendu cet été, moins depuis son retour à Boston mais il ne peut l’oublier. Haiwee. La mention de ce prénom l’aide à s’ancrer dans le présent, à s’apaiser. Quelques secondes s’écoulent sans qu’il ne puisse bouger pour autant avant d’essuyer ses yeux et de se retourner pour vérifier dans le judas malgré tout. Quel imbécile. Il se maudit intérieurement de ne pas avoir modéré sa réaction, bien qu’il ne l’ait pas choisie. Doucement, il rouvre la porte, tente de se cacher au maximum dans ce pull large qu’il porte, destiné à ne pas être trop en contact avec son corps, encore bien endolori. « Hey…. » Pas son salut le plus expressif, encore moins avec la brune, mais il cherche encore quoi dire pour justifier son attitude. « Désolé… Je, euh… Je voulais pas te claquer la porte au nez mais … euh je… Je savais pas que tu passerais. » Il faut dire qu’il ne l’attendait pas. Ni ici, ni aujourd’hui, ni jamais quelque part. « Je t’en prie, entre. » Dit-il en se décalant, lui laissant ainsi la place pour se frayer un chemin dans l’appartement.

Il se sent bête de sa réaction le Wayne, même si d’autres lui diraient qu’elle est parfaitement légitime. Il ne sait pas comment il pourrait la justifier, comment il pourrait l’expliquer sans entrer dans les détails du pourquoi du comment. Amore, Ace, et tout ce bordel causé par Veritas. Alors il esquive le sujet, ne donne aucune justification et se contente seulement d’essayer de s’excuser sans passer pour un salaud auprès de la brune qu’il affectionne plus que son geste ne pourrait le laisser penser. L’air penaud, il se décale, lui laisse la place pour se frayer un chemin à l’intérieur de l’appartement, plus sympa que le palier, il va sans dire. Et alors que Haiwee s’exprime à son tour, il affiche un léger sourire, constatant qu’elle a effectivement une tarte dans les mains qu’il n’avait pas remarquée avant qu’elle le lui fasse remarquer. « En quelle occasion ? » Demande-t-il, un peu suspicieux, car il n’imagine pas que la brune ait pu venir jusqu’ici d’elle-même, il n’imagine pas qu’elle ait pu penser simplement à lui, à l’envie de lui faire plaisir avec une tarte, comme ça, sans raison. Il n’a plus assez confiance envers le monde pour penser qu’elle n’est pas venue à la demande de quelqu’un, pour veiller sur lui, l’air de rien. Pourtant, elle a l’air confuse, elle aussi de le voir. A croire qu’elle s’attendait presque à tomber sur un autre jeune homme que lui. Peut-être, la version de lui-même qu’elle a fréquentée cet été étant très différente de celle ci.

De son comportement, il ne lui en tient pas rigueur, secoue légèrement la tête pour tenter de lui faire comprendre que ce n’est pas si grave. La saison est aux costumes et autres célébrations horrifiques, et il aurait pu faire face à pire que Haiwee et son masque Lyssandre. Quelque part, la jeune femme était un moindre mal à côté de tout ce qui aurait pû l’effrayer aujourd’hui. « C’est une longue histoire… » Dont il porte encore quelques marques sur le visage, notamment sur le nez et les pommettes, encore un peu trop violacés pour leur teinte naturelle. « Mais je sais que tu pensais pas à mal. » Ca lui parait important de le souligner, surtout avec Haiwee, qu’elle ne vienne pas penser qu’il pourrait lui en tenir rigueur ou lui en voulait. Il se recule un peu plus, l’invite à le suivre dans la cuisine, ouverte, avec son immense table pour tous les accueillir, les résidents de la coterie. « Donc, tu as fais une tarte ? » Lance-t-il afin d’obtenir un peu plus d’explications sur ce geste et cette visite surprise.