never enough ─ Lyssace

Passer du "oui" au "non" avait salement perturbé Ace, ces derniers jours. Toujours disponible pour voir Lyssandre, ce dernier avait fait la girouette à changer d'avis et laissant l'asiatique s'imaginer toujours plus de problèmes et de malaise entre eux. Mais jamais il ne s'était énervé, lui ; il avait laissé le temps à Lyssandre de choisir un jour, de se sentir prêt. Alors quand enfin, ce mercredi, il ne s'était pas défilé et qu'Ace se trouvait devant sa porte, c'était une effroyable nervosité qui lui tirait le ventre. Que dire ? Que faire ? Dans quel état il était ? Est-ce qu'il avait vraiment envie de le voir, ou bien est-ce qu'il se forçait ? Quant à lui, casquette sur la tête, capuche par-dessus, gardait ce même accoutrement pour éviter les regards sur son cou. Son nez toujours abîmé, bleuté jusque sous les yeux, mais rien de fondamentalement grave. Le poing levé, il toque, et il attend, particulièrement anxieux et tendu.

La porte s'ouvre, et le malaise est palpable. Des deux côtés. Lyssandre ne lâche qu'un petit "hey", et Ace, un maigre sourire à moitié mangé par ses lèvres serrées. Un peu forcé, alors qu'il remarque surtout les blessures au visage. Il se pensait capable de pouvoir soutenir la vue, mais en vrai, c'est plus difficile que ce qu'il aurait cru, et après avoir déglutit, son regard se baisse. Tout ça parce qu'il a pas su dire non. Juste non, et couper court à ses échanges avec Fallon. C'est débile. Ace serre les dents, coupable, puis prend une inspiration pour se donner un peu de courage alors qu'il relève les yeux. « ... tu veux marcher, un peu ? Ou... tu peux pas ? Juste pour aller se poser sur un banc... » Mal à l'aise à l'idée d'entrer chez lui ; mal à l'aise à l'idée de rester dehors aussi, en vrai. Les deux se planquent derrière leurs vêtements trop grands, et les regards se fuient. Ça commence bien.

Ace remarque le léger mouvement de recul, qui le fait furtivement froncer les sourcils. C'est la peur qu'il reconnait dans cette attitude, et l'asiatique saisit alors que le traumatisme de l'agression et encore bien ancré. Autant que le sien, à la mention d'un toit ─ malgré son travail, y'a des jours où il a dû mal. « Non... à l'intérieur, ça ira. Je suis pas friand des hauteurs en ce moment. » Il attend que Lyssandre lui laisse la place de rentrer, et les deux se font particulièrement... petits. Ils évitent la proximité, le contact, et ne cachent pas la tension qui rend les gestes un peu secs et hésitant. Une fois la porte refermée, Ace prend le temps de regarder Lyssandre. Les yeux passent de son visage à son cou, puis ses épaules, et descendent jusqu'à son pull derrière lequel il se planque, et ses mains qui en dépassent. Même là, en réalité, il n'a toujours aucune idée de l'étendue de ses blessures. La culpabilité vient le frapper, écrasant le coeur et les poumons alors que la gorge se serre, et son visage se baisse, alors que la voix craque sous l'émotion. « J'suis désolé... » Il déglutit. « J'hésitais... j'hésitais à venir. Je pensais que me voir te rappellerait probablement la cause de tout ça. » Puis il se fait violence, relève le regard. « Est-ce que... ça va ? »

Pendant des années, Ace avait été la grande gueule, le bourreau, le pire. Dans sa solitude et son attitude exécrable, il lui avait été facile de ne pas se sentir concerné par les problèmes des autres. On l'avait toujours laissé à la moindre difficulté, parce que lui-même s'était arrangé pour ne pas être gardé. Provoquer le rejet, avant que l'envie ne naisse naturellement chez l'autre. Plus maintenant. Plus depuis cet été, quand un à un, des micros changements ont opéré jusqu'à finalement le conduire là, coupable devant Lyssandre. Son ami qui veut alléger le poids de la culpabilité sur ses épaules, mais Ace sait que c'est plus compliqué que ça. Non, ça ira... merci. Refus de boire, mais le regard qui suit toujours celui de Lyssandre, qui lui retourne aussi la question. Ace prend alors une profonde inspiration et détourne le regard en haussant les épaules, feignant une indifférence face à son état qui est, sans l'ombre d'un doute, un gros mensonge. Ça pourrait être pire, donc... Donc ça va. Relativiser, minimiser, et de toute façon, Lyssandre est physiquement dans un bien pire état. Pas en place de se plaindre. Il regarde alors un peu autour de lui, toujours aussi mal à l'aise. Est-ce... Ha, mais que dire, que demander ? Une partie de lui veut savoir où il a mal. Ce qu'Amore lui a fait. Mais... est-ce vraiment nécessaire ? Les yeux reviennent sur Lyssandre. Tu faisais quelque chose, avant que j'arrive ? Parler de la routine, du quotidien. Des choses simples ; pour éviter de craindre le reste.