anecdotes
kidnapping is a business, with an easy access Le jeune enfant se retrouvait entouré de plein d’inconnus qui se bousculaient dans la rue, mais ça faisait un moment qu’il ne s’en inquiétait plus, parce qu’étaient plus intéressantes les lumières colorées qui s’étendaient à perte de vue. Ensorcelé par le décor du festival du dragon, sa petite main s’échappa de celle de sa mère dans la contemplation, très vite rattrapée par une poigne ferme qui lui rappela de faire attention. Mais, à son âge, il ne fallait pas faire confiance à sa concentration, il suffit du passage de ballons pour faire diversion. Le voilà qui suivit de ses yeux les animaux gonflés que tenait un Thaïlandais, il ralentit pour savoir où il s’en allait, parce qu’il les convoitait, et ses doigts glissèrent tout de suite après. Il stagna au milieu de la foule, jusqu’à ce que l’apparition d’un homme déguisé lui donne la chair de poule. Il se pressa de continuer, attrapa le premier membre qui fut à sa portée. Etrange, il n’avait pas la douceur de celui qui avait l’habitude de le consoler, il se mit alors à lever le regard vers la personne qui était en train de l’emmener. On lui offrit l’une des fameuses baudruches. Rassuré par le cadeau, il ne se débattit pas lorsqu’on lui enfila un sweat et cacha son visage à l’aide de la capuche. › market gainer, child looser, little hand's labor Déjà deux ans qu’on le réveillait en frappant l’un contre l’autre deux morceaux de tuyaux, deux ans que le matin on lui offrait un bol de riz et une soupe dans laquelle il y avait bien trop d’eau. Sur le matelas d’à côté, l’enfant avait encore les yeux fermés, et il sentait de sa place que son corps était en train de se vider. Mort d’une surinfection à cause d’une plaie mal soignée, ou d’une maladie car une bonne hygiène n’était pas la priorité. En tout cas, il ne s’était pas suicidé, comme ces autres qui avaient été psychologiquement heurtés. C’était courant sous cette usine illégale dans laquelle ils avaient été entassés, travaillant illégalement à la chaîne neuf heures d’affilées. Les trop vieux se faisaient virer, on ne savait pas trop ce qu’ils devenaient, mais il y en avait toujours plein d’autres qui les remplaçaient. Il fallait se dépêcher à manger, pas le temps de penser, parce qu’il savait qu’il allait devoir se battre pour que la portion puisse lui rester. Les plus âgés avaient la fâcheuse manie de venir les voler, parce qu’ils étaient affamés, que la part octroyée n’était jamais assez. S’ensuivaient les tâches pour confectionner des vêtements qu’ils ne porteront jamais. › i never heard a lullaby at night, i'm an orphan Puis il y eut du grabuge dans les étages supérieurs, le code rouge lancé coupa la nuit des petits travailleurs. Ils durent se hâter, suivre le sens de la marche jusqu’à la cachette creusée, la maigre lumière colorée était la seule à pouvoir les guider. Trop nombreux pour pouvoir tous y entrer, ils étaient effrayés à l’idée d’être repérés, piégés, à la merci des griffes des méchants hommes dont on leur avait parlés. Ils se débattirent comme jamais pour ne pas être enlevés, mais ils étaient venus en renfort, et, comparés aux maigres squelettes qu’ils venaient chercher, ils étaient bien plus forts. La majorité fut conduite à la Maison de Pattaya, là où d’autres enfants vivaient déjà. Ils apprirent qu’ils seront placés dans cette orphelinat, mais eux ne comprenait pas ce qu’ils faisaient là. Contraints de porter pendant plusieurs années le même numéro, le nombre d’enfants qui se rappelaient de leur prénom atteint le chiffre zéro. Plus libres que ce qu’ils avaient connu, certains trouvèrent facilité à rejoindre la rue. Shootés à la colle, attirés par les proxénètes, emmenés à Bangkok, certains préférèrent mendier plutôt que de rentrer auprès des éducateurs et infirmiers. › you're ours but not by birth, you're our greatest child on earth Pornchaï pour prénom ajouté à son dossier, choisi au hasard dans une liste pré-établie depuis des années, après plusieurs mois à être remis sur pieds il fut enfin prêt à être adopté. Il n’avait pas eu énormément d’occasions de croiser des personnes venues de l’étranger, alors les premiers contacts furent compliqués. Notamment parce qu’il avait une image assez parasitée de ces hommes et femmes qui n’avaient pas les yeux bridés, eux-mêmes avaient fait travailler les siens dans un environnement pas très sain, eux-mêmes possédaient parfois le corps de ses camarades entre leurs mains. Puis vint un couple d’américains qui, sur lui, posa le grappin. Yeux bleutés, blond cendré et châtain taché, ils tombèrent amoureux du visage lisse de l’asiatique, et remplir les papiers d’adoption tout de suite. Il fallut attendre une saison et demi pour que le petit garçon puisse les rejoindre aux Etats-Unis. En attendant, ils effectuèrent quelques voyages pour scier les barreaux de sa cage. Départ enfin annoncé, effrayé par l’avion qui allait le transporter, les caresses de Margarett eut don de le rassurer ; ça faisait tellement longtemps qu’une paume n’avait pas servi à le frapper. › calling me stupid is untrue, i just don't get your « how to think and do » D’aussi loin qu’il se rappelait, il n’avait jamais été scolarisé, alors, quand ses parents décidèrent de l’inscrire dans l’école privée de leur quartier, il rencontra beaucoup de difficultés à s’intégrer. D’abord parce qu’il était plus âgé de deux ans que tous les copains de sa classe, qu’il peinait à intégrer les notions de base malgré toutes les aides mises en place, mais aussi parce qu’il était le seul asiatique parmi tous les garçons et filles qui vivaient dans un palace. Détesté dans le fond, à peine apprécié en surface. Il ne se laissa toutefois pas aller même s’il avait horreur de rester assis sur une chaise des jours entiers. Il se montra assidu et volontaire, mais ça ne résolut pas l’écart entre ses capacités et les acquisitions exigées. Pieds du bulletin identiques à l’année qui avait précédé, ce n’était jamais assez, on l’encourageait tout de même à persévérer, bien conscient de son travail acharné. C’était sans compter sur les relations avec les autres qui devenaient de plus en plus compliquées à gérer, en grandissant évoluait également leur méchanceté. › sometimes you get slagged, sometimes you get hit, either a lot or just a bit Victime d’harcèlement scolaire, il l’avait toujours été, mais il avait suffi d’une fois de trop pour le démotiver. Adolescent maigre, court sur pattes et aux muscles peu développés, il était la risée de l’école privée par le vocabulaire qui pouvait lui manquer et ses expressions orales peu assurées. Pourtant vint un jour où une jolie nenette finit par l’accoster alors qu’il était seul à manger. Invitation à une soirée, c’était la première à laquelle on lui offrait l’occasion de participer. D’abord surpris mais très vite enchanté, il accepta de s’y rendre à l’heure annoncée. Samedi soir, il s’était pointé et tout de suite la jolie blonde l’avait rejoint à l’entrée. Ils avaient passé une partie de la soirée à discuter et un peu à danser, car pour la fête il s’était entraîné. Les heures avaient défilé, à l’étage il avait été emmené, dans la chambre enfermé, pour seule compagnie la demoiselle qui commença à se déshabiller. Pour ne pas davantage se ridiculiser, il l’avait suivie dans ce délire improvisé. Premier baiser, première fois un peu loupée, mais il avait adoré. Le lendemain, il pensa simplement à la retrouver, croyant que quelque chose de sérieux allait débuter, mais ça n’avait été qu’un prétexte pour donner raison au véritable compagnon, capitaine d’équipe d’un club sportif par extension, de lui mettre la misère en punition. Attrapé et poussé dans les toilettes des garçons, les coups seront portés pour seule suite de l’intimidation. › friends are your chosen family, these relationships make things easy Depuis, il avait passé ses matinées à dormir, à se rendre en cours il n’éprouvait plus aucun plaisir. Sa mère tenta de le motiver en douceur, son père préféra utiliser la fureur. Quand bien même le lit était retourné, il allait se réinstaller dans le canapé, fuck distribués à qui voudrait essayer de l’en déloger. Ce n’était qu’à quatorze heures qu’il quittait la maison pour errer, se fichant pas mal des appels du conseiller d’éducation que recevaient ses parents d’adoption. Il finit par s’éloigner de plus en plus de son quartier, jusqu’à rencontrer des adolescents défavorisés pour qui l’école buissonnière faisait partie depuis bien longtemps de leur réalité. Il fut une première fois rejeté, mais sa détermination finit par payer, après quelques bizutages sans grande gravité. Il prit part à la bande de tous ces métissés, ils lui apprirent comment se comporter, quelle musique écouter, les bases pour danser, que des poings il fallait répondre si l’un d’eux se trouvaient en danger. Anatomie gonflée à l’aide d’exercices réalisés dans le parc d’à côté, premier tatouage encré sur cette peau qu’il avait offerte à un gars pour lui permettre de s’entraîner. Chaï trouva dans cette bande de potes ce qui lui avait toujours manqué : des personnes qui le comprenaient, qui lui ressemblaient. › lord of the heat, plumbing and lights, yes i talk to myself to get an expert advice Contrairement à papa qui avait pris de la distance, maman fit tout pour récupérer sa confiance. Elle s’acharna à lui trouver un domaine d’activité qui pourrait lui permettre de flirter avec un rythme de vie plus approprié. Il était capable de beaucoup, mais il avait besoin de bouger, surtout. Alors exit les idées qui l’enfermaient dans un bureau ou devant des graphiques. Après de nombreux stages effectués, il se plut à se lever pour se rendre dans une entreprise de plomberie, chauffage/clim’ et électricité. Aucunement diplômé du lycée, il passa volontiers les tests académiques (General Educational Development) pour compenser. Alternative parmi tant d’autres pour ceux qui avaient été déscolarisés avant d’en avoir réellement terminé avec leur scolarité. Il devint apprenti, puis fut rapidement embauché dans la boite qui lui avait tout appris. Seul bémol, des désaccords pouvaient très vite l’entraîner à débaucher sans que son patron en ait été informé, parce que le travail d’équipe restait très compliqué, même si des efforts avaient été remarqués depuis quelques années, surtout sur les chantiers où nombreux ouvriers devaient être envoyés. › we live for a very short time, so make every second divine Mais Pornchaï a également besoin de s’amuser, de trouver du plaisir à toute heure du jour et de la soirée, alors il n’est pas rare de le trouver autour d’une table où l’argent est joué. Pas forcément propre celui qui est misé et ramassé, souvent gagné grâce aux nombreux trafics des bas quartiers – Mattapan, Dorchester, Jamaica Plan. Roxbury, et également South End. Les billets sont d’ailleurs aussitôt utilisés, ne sont jamais bien longtemps gardés, parce qu’on ne sait jamais, si une descente de flics se faisait. De ce fait il accumule les soirées – basiques et V.I.P., parce que tant qu’on a du pognon, partout on peut entrer, il suffit que sa tête plaise pour qu’on le laisse passer ; le fait d’être apparu dans quelques clips et d’avoir une famille « fantastique » peut également aider à ce qu’on ne lui coupe pas la chique. Il s’en vient dans les boites de nuit ou boites de strip-tease, là où les dames lui paraissent exquises. Le week-end, c’est un peu pareil, mais s’ajoutent aussi les entraînements quand même. Quelques heures où les danseurs décident de se regrouper, pour coordonner les choré, parfois se faire des battle improvisées. Ce n’est jamais au même endroit, aux mêmes horaires, parce qu’ils savent que les flics ont du flair. Ils squattent idéalement des salles qu’ils n’ont pas réservées, après que les caméras aient été momentanément désactivées. Et si ce ne sont pas des studios de danse, ils trouvent un petit parking sympa en dernière chance. › you always play like a clown, always kidding, never a frown Restent les activités un peu moins sympas, comme rejoindre les banquets et galas où sont invités maman et papa. Obligé de troquer ses affaires trop larges pour un costard, et de côtoyer pour quelques heures tous ces tocards. Il fait toujours exprès d’arriver en retard, parce que, si c’est pour se faire voir, autant se la jouer rapstar. Sourires offerts aux photographes à l’arrivée, petites poses devant les affiches étirées des plus grandes marques de luxe qu’on n’a plus à citer, aux autres convives il n’a plus besoin d’être présenté, au grand damne de John Home qui voudrait bien qu’il se fasse oublier. Pour les plus âgés il n’est qu’un enfant qui a mal tourné, on le connaît pour vivre et traîner dans les bas quartiers, pour les « filles et fils de » il est la distraction de la soirée, celui qui rendra un peu plus fun la suite des festivités, ajoutera une petite touche de fantaisie au milieu de tous ces coincés.