confusion au comptoire (( izzy & jonas ))

Izzy poussa la porte du bar en soupirant doucement, cherchant un coin où elle pourrait se détendre sans être dérangée. L’ambiance tamisée et du bois verni mélangée à celle du café flottant dans l’air la rassuraient. Elle aimait ce genre d’endroit, calme mais animé, où les gens semblaient perdus dans leurs conversations sans prêter attention à ce qui les entourait. Ce n’était pas un endroit où elle venait souvent, mais ce soir-là, elle avait ressenti l’envie d’un changement. Elle s’installa au comptoir, ses doigts glissant machinalement sur la surface polie. Le barman, un grand brun aux yeux perçants, s’approcha sans dire un mot et se mit à préparer une boisson avec une aisance désarmante. Izzy haussa un sourcil, un peu perplexe, mais ne dit rien. Il semblait savoir exactement ce qu’il faisait, comme s’il la connaissait déjà. Sans un mot, il déposa devant elle un verre rempli d’une boisson qu’elle reconnaîtrait entre mille : la boisson préférée de Scarlett. La blonde resta figée un instant, scrutant le barman qui lui offrait un sourire chaleureux, presque complice. Ce sourire qui laissait penser qu'il la connaissait, qu’il savait exactement ce qu'elle allait commander. Mais il y avait un problème : elle ne le connaissait pas, et ce n’était pas sa boisson habituelle. « Euh... merci, mais je n’ai pas encore commandé », dit-elle, un peu gênée.

@Jonas E. Henderson

hj: désolé, c'est long J'avais pas mal de choses à dire sur ta soeur visiblement

tw: mentions d'inégalités sociales, d'avances non-désirées, de blessures, de rupture
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La revoici, la revoilà, ta fameuse blonde. Ton meilleur pote Chris te raille toujours à son sujet lorsque vous vous appelez. « Alors? Elle est revenue? Elle ressemblait à quoi, déjà? Barbie mais avec un cerveau c'est ça? » Et systématiquement, tu le remets à sa place. « Mais non, mais je t'ai dit qu'il s'pass'ra rien avec elle. Comment j'le sais? Les filles comme elle finissent jamais avec les gars comme moi, c'est bien connu. Elles sont toutes les mêmes, à sourire poliment, parce qu'elles se disent que ramener un barman chez ses parents ça filera une crise cardiaque au daron. Mais sur le long terme elles finissent toutes par se lasser et chercher mieux ailleurs. J'suis bien placé pour l'savoir, mec.[/color] » Pas besoin d'en dire plus: si tu parles peu d'elle, Chris est un des rares à connaître toute l'histoire entre toi et Amy. Et comment elle t'a planté, du jour au lendemain, parce que vos parcours divergeaient trop. La conversation s'arrête là à chaque fois. Mais à chaque nouvel appel, Chris te pose la même question. De fil en aiguille, il va finir par te convaincre que t'as tes chances avec elle, si tu fais pas gaffe.

Ce soir, tu sais pas pourquoi, mais tu sens que t'as tes chances. Faut dire qu'elle t'avait donné pas mal de signes en vrai. Elle t'avait embrassé, la première fois qu'elle était passée dans le coin, déjà. Elle a probablement déjà oublié. Mais toi, t'oublies pas ces trucs là. C'est pas comme si ça t'arrivait tous les jours... Puis, y'a eu l'autre soir, quand un type l'a dérangée et que tu l'avais remis à ta place. Il t'avait cassé une bouteille sur le crâne. T'as encore la croute tant c'était récent. Et elle t'avait désinfecté ta plaie et t'avait obligé à prendre une pause – toi t'étais prêt à retourner bosser. Sans parler du fameux like sur meetsme. Reçu le même soir où la chirurgienne en devenir t'avait mis un vent glacial. T'avais failli céder, ce soir là. Mais le visage d'Amy reste gravé dans tes pensées, comme un avertissement. Si tu fais pas gaffe, elle te brisera le coeur, celle-là aussi. Elle est trop bien pour toi, Joe. Te fais pas d'illusions.

Mais ce soir, tu sais pas pourquoi. Quelque chose semble différent. Et elle aussi, elle semble différente, d'ailleurs. Un peu plus confiance. Plus assurée. Et une partie de toi trouve ça étrangement attirant. Mais tu sais pas quoi lui dire, à ta belle blonde, à Scarlett. Alors tu te contentes de sourire, en coin, comme t'as pris l'habitude de le faire. De lui préparer son white russian. Et de la laisser meubler la conversation, comme elle a pris l'habitude de le faire, ces derniers mois. Faut dire que t'as jamais été d'un naturel très bavard. T'arrives toujours pas à comprendre ce qu'elle peut bien te trouver. Pourquoi elle te sourit comme ça, à chaque fois qu'elle passe. Pourquoi elle est aussi gentille avec toi. Toi, t'as pas un diplôme d'une Ivy League. T'as même pas de diplôme tout court, hormis tes SAT (et encore, tu les as eu de justesse). En dehors de ton manque d'éducation, tu viens pas d'une belle famille non plus. Et ne parlons même pas de tes dettes. Un demi-million, presque. À cause de ce foutu bar. Non, vraiment, tu n'sais pas pourquoi elle s'intéresserait à un type comme toi. Mais ce soir, t'es étrangement prêt à y croire.

Sa réponse le prend inévitablement au dépourvu.

« Je sais mais je pensais que... »

Que quoi? Qu'on avait développé un truc ici, toi et moi. Que je commençais à te cerner. À savoir qui tu es, ce que tu veux. Qu'on pourrait se donner une chance. Non, ferme ta gueule Joe. Commence pas à dire n'importe quoi. « ... Pardon. Tu veux boire quoi ce soir? » C'est plus prudent. T'espères que ce mauvais départ sera vite oublié.

C'était bizarre, cette ambiance. Ce barman qui se comportait comme s’il la connaissait, sa façon de la regarder, de lui sourire. C’était le genre de sourire qui donnait l'impression que, pendant quelques instants, tout était normal. Mais ce soir-là, quelque chose était différent. Elle n’était pas Scarlett, ni Izzy. Elle avait besoin de se changer les idées et oublier. Et là, alors qu'il la servait, elle le regardait. Le doute s'installait. La prenait-il vraiment pour sa sœur ? Ou une autre blonde ? Il lui avait pourtant servi la boisson préférée de sa jumelle. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Elle avait senti l'erreur dès le début, mais n’avait pas eu le courage de dire quoique ce soit ou l’arrêter. Peut-être faisait-elle fausse route et la boisson n’était pas pour elle. Elle continuait à le regarder, tentant de le cerner. Le verre froid dans sa main, elle hésitait. L’explication de la confusion paraissait inévitable, mais elle ne savait pas quoi dire sans rendre les choses encore plus gênantes. Son regard croisa celui du barman, qui la fixait maintenant avec une attention intense, comme s'il attendait qu'elle parle, qu'elle explique ce malaise silencieux. « Je... » Elle hésita, cherchant ses mots. « Allez ok, donnez-moi ça. » Izzy hocha doucement la tête, un sourire nerveux au coin des lèvres. « Ça peut pas être si mauvais que ça. » Avait toujours refusé de gouter cette boisson, voulant laisser l’exclusivité à sa sœur. Mais pas ce soir. Elle goûta et ne put s’empêcher de faire une grimace. « C’est quoi cette horreur ? » Sérieusement Scarlett ? Elle repoussa le cocktail car même avec toute la volonté du monde, elle ne pourrait terminer ou continuer cette boisson. « Autre chose. » Qu’elle demanda. « De meilleur. » Elle hocha de la tête, dégoutée. Non pas par cet homme mais par cette boisson et les goûts de sa sœur.

@Jonas E. Henderson

Elle parle. Et toi t'écoutes, attentivement. T'en as presque le souffle coupé, tant sa voix est silencieuse, surtout avec la musique en fond, comme si arrêter de respirer te permettrait de mieux l'entendre. « Je ... » Elle quoi? Ah, bah elle le veut finalement. « O... Ok... » T'es pas si hésitant d'habitude pourtant, mais y'a un truc qui cloche, sans qu't'arrive à mettre la main dessus. Vous aviez pourtant un rituel bien défini: tu prépares un white russian, en ajoutant tes petites touches spéciales. Elle le consomme et s'émerveille devant. Et c'est parfait. Mais là, on dirait qu'elle a jamais bu ça de sa vie. Tu sais pas trop si c'est son intonation, son regard, ou ses mots, mais y'a un truc qui fait pas sens. Si ça te semblerait possible, tu penserais presque que la nana en face de toi n'est pas la jolie blonde avec qui tu flirtes innocemment depuis quelques semaines et que tu rêverais avoir en face de toi pendant un diner à la chandelle (ou dans ton cas, une bière devant un match, t'es pas difficile en vrai). Mais comme tu crois pas aux extra-terrestres, à la sorcellerie ni à la possession démoniaque, tu te dis que ça ne peut qu'être elle. April te dirait sans doute que c'est à cause de l'équinoxe récente, mais t'as beau aimer ta soeur, t'as du mal à croire à toutes ses conneries quand même. En parlant de conneries, la blonde aime pas c'que tu lui as servi. T'as vraiment l'impression que c'est le monde à l'envers. « Un... Un white russian. » T'as la voix rauque, solennelle. Parce que tu sais pas trop comment réagir. Parce que t'es totalement découragé, aussi. En quelques secondes, montre en main, elle avait enfermé votre début de presqu'histoire dans un sépulcre dont tu la voyais mal ressortir. « Autre chose, pas d'soucis. » Tu fronces quand même des sourcils, contrarié. Tu t'creuses les méninges. White russian, white russian... Qu'est-ce qu'elle boirait d'autre, cette nana? T'as un doute. Y'avait pas une fois ou...? Si. Si si si. Ça t'revient, là. Illumination. Peut être qu'elle est juste d'humeur pour autre chose, aujourd'hui. Et t'en es persuadé, convaincu, que tu l'as déjà vue commander un mojito. Mais si celle-ci elle la rejette aussi, t'es prêt à te reconvertir pour devenir curé. « Et voici », souffles-tu en posant le verre en face d'elle. « Un mojito. » Avec un peu de mélasse, au lieu du sucre. Tu prends un risque, mais t'espère que ça marchera cette fois.

Izzy observait la scène, le regard fixe, se demandant quand la situation allait enfin faire sens. Quand elle vit le verre de mojito posé devant elle, elle se sentit décontenancée par le sérieux de son expression, comme s'il tentait un sortilège complexe en douceur. Elle fit glisser ses doigts autour du verre, effleurant le bord, son regard planté dans le sien. « Merci, » murmura-t-elle, portant le verre à ses lèvres et laissant les saveurs de menthe et de mélasse se mêler au silence entre eux. La légère amertume de la mélasse donnait au cocktail une profondeur inhabituelle, presque inattendue, mais étrangement plaisante. Elle nota l’expression attentive dans ses yeux, un éclat nerveux, comme s’il se tenait en équilibre, espérant qu’elle apprécie enfin quelque chose ce soir. Avec un sourire imperceptible, elle murmura : « Celui-ci... est presque parfait. » Face à l’homme, sans savoir pourquoi, elle eut envie de l’emmerder un peu. D’être ce soir, la cliente relou. « Mais il manque la feuille de menthe. » Il semblait bien déconcentré ce barman. Elle lui tendit à nouveau le verre, dans l’attente d’un mojito parfait.

@Jonas E. Henderson

« Je... »

Non mais elle est sérieuse? T'es là à cligner des yeux tant tu trouves la situation totalement incroyable. Il manque la feuille de menthe. De quoi attraper le verre pour le jeter contre le mur. Tu comprends absolument pas la situation. Comment une femme que tu croyais aussi plaisante et agréable peut s'avérer aussi insupportable. Tu te creuses les méninges, rejouant les derniers échanges que vous avez-eu. Avais-tu dit quelque chose, fait quelque chose, de mal? Avais-tu...

Oh.

Meetsme. Son visage sur ton écran. Le profil sur lequel tu n'as pas réagi. Ni un like, ni une absence de like. Car t'avais eu peur. Et t'avais pas osé. Et si elle avait pris ça comme un vent? C'était certainement ça, la raison. Le soucis c'est que c'est trop gênant pour en parler maintenant. Et essayer de mettre les choses au clair. « ... bien mad'moiselle », te contentes-tu donc de répondre, avant d'aller chercher cette foutue feuille de menthe pour la caler dans son verre. « Ce sera tout? » Tu plonges tes yeux azur dans les siens, ceux-ci emplis de déception et de frustration. Tu savais bien que cette fille serait trop pour toi. Trop éduquée. Trop belle. Trop sophistiquée. Trop exigeante. Toi, t'étais qu'un mec lambda. Presque quarante ans, toujours pas casé. Les mecs comme toi, ça finit toujours par les lasser.

Izzy se sentait à la fois frustrée et confuse, son esprit tournant en boucle. Elle avait du mal à comprendre comment une simple commande de cocktail pouvait dégénérer en une telle tension. Pourquoi fallait-il que tout soit si compliqué ? Sa réponse, bien que polie, résonnait comme un écho vide dans sa tête. C’était trop pour Izzy. Elle avait toujours préféré les interactions simples, sans chichis ni attentes démesurées. La femme se redressa, le verre entre les mains, essayant de garder une attitude neutre. Goutant à nouveau le mojito, elle fit un signe de tête pour dire que c’était ok. Ce soir, Izzy était juste... elle. « Écoute, je... » commença-t-elle, hésitant sur les mots. Elle avait besoin d'expliquer son comportement. « On se connait ? » Izzy plongea son regard dans celui de l’homme.

@Jonas E. Henderson