silver light ─ Rosace

« Passée à autre chose ? » Ace répète ces mots avec une grimace légère, les sourcils se fronçant comme s'il n'y croyait pas. Mais il affiche bien vit un sourire sarcastique, souffle un bref coup, et enchaîne sa réponse. « Tu cherches juste à t'venger et faire genre ça va. » Parce qu'elle peut pas être déjà passée à autre chose. Elle peut pas l'avoir déjà oublié, ne plus avoir envie de lui ; il a toujours envie d'elle lui. Tous les soirs, partout dans son appartement, chaque centimètre est marqué de son parfum, de souvenirs et de blessures qu'il ne veut pas refermer. Pas encore. Alors il tente une nouvelle approche, et ses doigts frôlent juste sa main. « On sait tous les deux que tu mens. »

j’mens pas. j’secoue la tête. déviant ton regard pour me concentrer sur ces âmes innocentes qui se déchainaient sur la piste de danse. les enviant. cette insouciance. cette naïveté. tes doigts frôlent les miens. et mon coeur rate un battement. putain. mouvement de recul. remettre de la distance. ne pas te laisser reprendre possession de mes pensées. pourquoi tu m’infliges une telle torture. oublie moi. laisse-moi crever d’envie pour toi dans mon coin. j’veux maintenir ce contrôle sur mes émotions. t’as cette facilité déconcertante de me faire vriller. en quelques secondes. — qu’est-ce que ça peut te foutre ce que j’fais de mon corps ? dégage ace. t’as perdu tout droit me concernant. j’devrai même pas perdre mon temps avec toi. t’ignorer, voilà ce que j’vais faire. attrapant le poignet d’un mec random sur la foulée. le forcer à me faire face pour capturer ses lèvres. faire en sorte que ce nouveau goût soit bien plus délectable que la saveur de tes lèvres. les iris provocatrices qui épinglent les tiennes. ouais j’me venge. ouais j’mens. parce que putain tu te rends pas compte à quel point j’te désirais. à quel point mon âme brûlait pour la tienne.

Elle se défile et lui tourne le dos une nouvelle fois. Les dents encore serrées, Ace inspire, puis expire fortement en tournant la tête, se faisant violence pour ne pas trop vite lui courir après. Mais c'est alors qu'il la voit pendue aux lèvres d'un autre qu'il voit rouge ; qu'il vrille. Là, y'a pas d'avertissement. Il fonce, le pas agressif et déterminé, et si d'une main il décale Rose pour ne pas qu'elle soit victime de sa violence, l'autre gars se fait, en revanche, violemment repousser d'une main écrasée en plein sur son visage, le repoussant ainsi sur les gens à proximité. « Putain d'enfoiré... » Il crie pas, mais l'insulte est sortie comme un tonnerre menaçant. Ace ne laisse pas aux autres le temps de réagir et il attrape le bras de Rose pour l'éloigner de la foule. Mais où ? C'est une boîte de nuit, y'a pas mille endroits tranquilles. Puis son regard repère rapidement une porte fermée, où y'a écrit "VIP" ─ belle ironie. Il y fonce sans réfléchir, veut l'ouvrir, mais ça coince ; alors d'un coup sec de l'épaule, il force le passage, et peut-être qu'il pète la serrure en même temps. Toujours est-il qu'il pousse la porte et s'y engouffre avec Rose, avant de refermer sèchement derrière eux.

j’veux que t’aies mal. que tu souffres. que tu subisses. que tu comprennes. ce que tu me fais endurer. ce que tu me fais subir. y’a rien de sain là dedans. coller mes lèvres sur celles d’un parfait inconnu. dégradant. rien de plus humiliant que me rabaisser à cette jalousie maladive. ne voyant qu’elle. vous imaginant sur ce canapé. les images restent. celles imaginées après me les avoir balancées. baiser interrompu. si brusquement que j’sursaute dans la précipitation. rien ne va. j’perds le fil. entraînée de force dans cette pièce sombre. prise au piège. tu demeures face à la porte d’entrée. et de sortie. m’empêchant de fuir. rejetant ta main. — laisse moi sortir j’grince des dents. ordre imposé. ton menaçant. — t’as pas encore compris que c’est fini ? t’as joué, t’as baisé, tu t’es brûlé. j’te veux plus. tu me dégoûtes. game over. trop facile de rappliquer quand t’es l’unique responsable de ce bordel.

Son mensonge les hante, il le sait ; mais il songe à ses mensonges à elle. Ces mensonges qu'il refuse de croire, parce que ça le tue de se dire qu'elle l'a déjà oublié, qu'elle est capable de passer à autre chose, alors qu'il lutte désespérément pour ne pas perdre pied face à elle. Le regard colérique, douloureux, braqué sur l'objet de son désir qu'il s'est pourtant lui-même interdit d'approcher. Il s'écoute pas lui-même, ou peut-être que si, justement, il s'écoute un peu. Il la veut, elle ; pour lui. Elle est à lui. Alors il fait juste un pas dans sa direction. « Tu mens. Y'a jamais eu de jeu. C'est toi que je veux. » Cette attraction sauvage qu'il ressent pour elle le pousse encore à faire un pas, et il y a une étrange intensité qui se dégage de sa présence, comme s'il luttait à chaque respiration de ne pas chercher son contact. « Toi et moi ça sera jamais fini. Et je te laisserai pas m'oublier, tout comme tu sais que je suis incapable de t'oublier. » Elle est partout, l'obsède par son absence, occupe ses songes comme une démone à son coeur. Elle le sait, non ?

c’est toi que je veux. mensonges. calomnies. tu vois, c’est ça ton soucis. ces mots, tu les as déjà utilisés. pour manipuler mon myocarde. influencer mes opinions. faire taire mes incertitudes. parfait baratineur. ça ne prend plus. ça ne marche plus. c’est ce que tu lui disais à l’autre salope aussi ? c’est avec ce regard que tu l’ensorcellais ? avec ces illusions que tu la captivais ? — c’est aussi ce que tu lui as dit ? c’est ce que tu m’as dit sur la plage. mais ça t’a pas empêché d’aller voir ailleurs. d’en désirer une autre. alors tais toi. ferme cette putain de bouche qui dit que de la merde. rythme cardiaque qui s’emballe. à mesure que tu t’approches. recule. éloigne toi. cesse de brouiller cette détermination à maintenir cette distance. devant constamment te fuir. le temps que les sentiments s’écrasent. que j’puisse à nouveau te regarder sans vouloir te désirer à ce point. rire cynique qui s’échappe. scandalisée. médusée. — tu ne peux pas m’oublier ? t’as raison. cette fois-ci, c’est moi qui rompt la distance. viens te rejoindre. saisis ton visage entre mes doigts. délicatement. viens caresser ta joue gauche. les doigts qui glissent jusqu’à tes lippes. jouent avec ta supérieure. avant de presser tes deux joues. usant un peu de force. embrasant mon rôle de tortionnaire. rapprochant mes lippes de ton oreille. — j’vais te rendre fou. te montrer que ce que t’as devant toi, tu ne l’auras plus jamais. tu me supplieras d’arrêter. j’vais faire en sorte que ma présence devienne un supplice. un regret pour le restant de ta vie. relâchant la pression pour te pousser violemment contre la porte. — maintenant dégage.

Le contact de la porte dans son dos le sort de cette torpeur dans laquelle il s'était trouvé, et il regarde Rose avec un mélange de rage et de passion. Un supplice, qu'elle a dit. Elle ignore combien c'était déjà le cas, la seule idée de l'imaginer avec son amant secret le rendant suffisamment dingue ; elle ne réalise pas qu'elle a déjà cette emprise sur lui, qu'il est déjà fou d'elle. Son ombre est toujours là, au-dessus de lui ; même quand il est avec une autre. C'est à elle qu'il pense. Toujours. Alors il revient vers elle rapidement, mais se refuse à la toucher avec la violence qui l'habite en ce moment, et ses mains se posent juste à plat sur le mur derrière elle. Le visage à proximité, la fièvre de son désir pour elle tremblant dans chaque mot. « J'veux pas t'oublier, Rose. Rends-moi dingue, complètement barge si c'est ce que tu veux, j'le suis déjà de toute façon. Dès que je te vois, y'a plus rien qui fait sens... Je crèverais pour juste pouvoir te toucher. » La lutte est féroce pour ne pas s'imposer à elle, et le poing se serre contre le mur. « J'agonise sans ton contact, Rose... et j'peux pas croire que tu ressens pas la même chose. Pas après toutes ces nuits... ces baisers... c'est déjà un calvaire, une torture, que tu pourrais m'jeter en enfer, je verrais pas la différence. » Juste un peu plus. Pas grand chose. Juste un baiser. Il murmure ; « J'ai besoin de toi... Rose... »

rôles qui s’inversent. jeu du dominant dominé permuté constamment. dos accolé contre le mur. prisonnière de ces bras qui m’empêchent de fuir. bien trop proche. perdant le contrôle. aussi facilement. voile insensible qui se déploie. tentant de faire abstraction de cette envie. tentant de faire taire ce désir intarissable de ne faire qu’un avec toi. de retrouver la saveur de tes lèvres. la douceur de tes mains. la fièvre dans ton regard. j’crèverai pour pouvoir juste te toucher. vérité déployée, les mots censés piqués qui réchauffent le palpitant. rendent le rythme cardiaque difficile à canaliser. t’es à ma merci. j’le ressens. pile ce que j’souhaitais. pantin de mes caprices. esclave de mon avidité. j’veux te voir me supplier. plier le genou. devenir incapable de respirer sans mon parfum. crier mon nom quand t’en embrasses une autre. devenir ton obsession. te rendre inapte à penser quand j’suis dans les parages. — j’vais te rendre dingue oui. laisse moi te montrer. les doigts passent dans ta chevelure pour les tirer au maximum en arrière. y’a aucune douceur. les lèvres serpentent ta nuque. passent sur le lobe. reviennent vers leurs jumelles. sans jamais vraiment les posséder. simple caresse. — rejoins moi en enfer je murmure, sourire perfide qui anime les canines. délaissant tes lippes pour venir de l’autre côté de ta nuque. mordant ta chair. que t’en conserves la trace. pour la prochaine qui prendra mes restes.