silver light ─ Rosace

Pas boire d'alcool, ça l'emmerde, il doit bien l'admettre, mais le commentaire de Rose reste farouchement accroché à son esprit comme une sonnette d'alarme sur sa consommation. Un simple verre de coca à la main, accompagné d'un soupir, Ace boit quelques gorgées ; se rassurant en songeait qu'au moins, il se perd pas à rouler des pelles à n'importe qui. Le menton se levant, il avale son verre en un rien de temps, avant de le reposer sur le comptoir en passant sa langue sur sa lèvre. Et puis enfin, il retourne dans la foule, et se mêle aux gens. Il bouge, suit le rythme, se fond dans la masse dans trop faire attention. Enfin ça, c'est jusqu'à ce qu'il y ait un léger mouvement de foule et quelqu'un à proximité se fait percuter, avec une sorte de petit effet domino, et on lui tombe dessus ; verre ou bouteille complètement renversé sur le t-shirt d'Ace, la personne s'agrippant à son vêtement, et lui qui la réceptionne tant bien que mal pour éviter que les deux ne se vautrent au sol. « Putain ! » Juron lâché dans la surprise.

le corps qui s’élance gaiement sur la piste de danse. verre à la main porté en hauteur, sensation grisante de se laisser complètement aller. le crâne vidé, alimenté par l’éthanol. contrôle chaque mouvement. ne filtre aucun mot. âme intéressante qui fuit de l’autre côté. tentant de le rattraper, me frayant un passage parmi les corps déchaînés. le sourire qui s’évanouit quand j’me sens partir en arrière. mouvement de foule incontrôlé qui me prend par surprise. bras méconnus qui finissent par me rattraper. contenant inestimable de mon verre renversé sur ton torse. j’fronce les sourcils, à mesure que tes traits deviennent reconnaissables. — fais attention où tu mets les pieds la prochaine fois j’te menace froidement, me débarrassant précipitamment de tes mains. ne désirant aucun contact avec ton épiderme. aucun échange avec cette bouche mensongère. le corps qui fait volte-face, déjà à la recherche de ma prochaine proie. m’éloigner de cette tentation que tu représentes.

Il jette d'abord un regard assassin aux fautifs, à ceux qui sont trop ivres pour tenir sur leurs deux jambes, puis baisse ensuite les yeux sur son t-shirt en sale état, pestant intérieurement d'avoir encore ses vêtements dégueulassés. Mais tout ça devient insignifiant quand il réalise qui l'a percuté, et c'est le choc qui est visible sur son visage. Il n'a même pas les mots pour répondre que déjà il la regarde s'éloigner, et le temps qu'il revienne à lui, elle a disparu derrière d'autres corps. « Attends ! » Il sait pas pourquoi, mais il se lance après elle. Le manque, l'absence, le désir, les sentiments, sûrement. Alors il pousse les gens, fait des coudes, passe entre eux, la cherche du regard. « Rose ! » Il l'appelle même, malgré la musique qui couvre sans difficulté sa voix. Elle est passée où ?

la fuite devient nécessaire. vitale. rapidité impressionnante avec laquelle j’fais brusquement demi-tour. évidemment fallait que j’tombe sur toi. de tous les bostoniens, fallait que ce soit tes bras qui me réceptionnent. oublie-le. visage secoué, l’envie de me frapper pour remettre de l’ordre dans ce bordel émotionnel. proie qui refait surface. sourire mesquin qui se déploie. parfait timing. — cesse de me chercher, j’suis juste là, j’viens murmurer à son oreille. délicieuse voix qui ensorcelle. il se retourne, lui aussi satisfait que j’me sois prise dans ses filets. les bras qui entourent sa nuque, son corps qui se presse contre le mien. parfaite distraction.

La question qui revient dans la tête, tambourine dans le coeur alors que son regard la cherche encore. Les jeux de lumière frappent dans tous les sens, embrouillent sa vue alors qu'il a l'impression de perdre une chance inespérée de pouvoir être un peu en sa présence. Un manque crève-coeur alors qu'il s'avance sur quelques mètres, envoie paître une fille sur sa copine qui lui bloque la route ; et enfin, il la repère. Mais elle est pas seule. Ace reste interdit devant la scène, se fige, et se demande si ce qu'il voit est réel. Mais il n'a guère le temps de vraiment penser, parce que son corps agit tout seul sous l'impulsion sauvage des émotions, et il s'avance avec la farouche détermination de les séparer. Il déboule et, le corps voisin à celui de Rose, il chope le gars pas le col pour le bouger sur le côté, l'arrachant à sa rose à lui. « Touche la encore une fois et j't'arrache les mains, pauvre merde. »

bulle réparatrice et réconfortante qui explose soudainement quand tu déboules à l'improviste. distance imposée avec l'inconnu, les prunelles décontenancées qui t'observent avec insistance. l'envie qui émerge, bouscule la raison. en d'autres circonstances, ta jalousie m'aurait fait sourire. aurait attisé le feu, me donnerait davantage envie de brûler pour toi. mais après tout ce qui s'était passé, c'est tout le contraire qui se passe. le désir s'envole. reste juste la colère et l'amertume. les seules émotions que j'peux me permettre de ressentir avec toi. le reste, c'est interdit. cadenacé dans un coin. taisant ces putains de sentiments qui ne veulent pas disparaitre. qui restent accrochés à toi. parce qu'ils ont eu le mérite d'exister. mais pas pour la bonne personne. — c'est à toi de dégager ace. t'es pas le bienvenue. va baiser ta meuf et laisse moi tranquille, inteso ? j'réplique, les bras qui vous séparent. venant me placer devant l'inconnu. mes doigts entrelaçant les siens. histoire qu'il ne prenne pas peur.

Rose force la séparation entre le gars et Ace, s'impose comme barrière. Ace la regarde, incrédule, et il comprend pas, sur le coup, pourquoi elle s'interpose. Ou pourquoi elle s'accroche à ce mec. Il la fixe avec intensité, la rage d'une jalousie dévorante brûlant dans les yeux. Son regard glisse visiblement jusqu'aux mains liées, et il serre les dents. Elle le tient, le protège, et Ace a foutrement mal à cette vision. Sa mâchoire se resserre davantage, et son regard remonte sur Rose. Impossible d'accepter pas la situation, et Ace est une bombe à retardement. Puis enfin, les yeux se reposent sur le mec. Ace fait un pas en avant, ignorant presque la présence de celle qu'il aime, juste pour vraiment faire fuir l'autre en plantant son regard dans le sien, crachant entre ses dents serrées une menace qui vient des trippes. « Si tu lâches pas sa main et te barres pas dans les dix secondes.... y'a aucun vigile de cette putain d'boite de nuit qui sauvera ta gueule de mes poings. » Il le fera. Chaque centimètre de peau, chaque nerf, chaque battement de coeur réclame violence contre ce parfait inconnu auquel sa rose s'accroche. Elle est sienne, pas celle d'un autre.

les menaces ne fonctionnent pas sur toi. j’ai beau me mettre en travers de ton passage, servir de rempart, tu t’en contrefiches. me contournant pour aller directement voir le principal concerné. celui qui était hors d’atteinte. un simple coup d’oeil dans sa direction qui me confirme ce que j’avais pressenti. il prenait peur. ses doigts se détachaient des miens. progressivement. jusqu’à ce qu’il finisse par me lâcher. faisant demi-tour. ayant pris ses jambes à son cou. lâche. soupir relâché. y’avait plus qu’à me trouver une nouvelle victime. l'obscurité familière qui s'anime dans mon regard, semé dans le tien. — t'es prêt à jouer à ça toute la soirée ? parce que j'compte pas repartir seule j'te préviens, l'hostilité naissante dans ce sourire mesquin. mon épaule qui vient effleurer la tienne avant de commencer à m'éloigner. regarde bien ce que t'as perdu. ce à quoi tu as renoncé.

Le gars s'éloigne, comme conseillé, et Ace redescend légèrement en pression, se disant qu'il n'a pas à davantage sortir les crocs avec lui. Mais il est pas con, il sait ce que Rose va faire et pourquoi elle est là ; pourquoi ils sont là, en réalité. Tous les deux ─ panser les blessures. Son regard se repose sur Rose, et il la fixe avec une sévérité similaire à celle qu'elle lui adresse, la laisse passer devant lui ; mais il la retient pas le bras, sans forcer, juste pour l'arrêter dans sa marche, penché vers elle. « Je suis prêt à niquer ma propre soirée pour ça, exactement. » Il ne la lâchera pas. Personne ne repartira avec elle ce soir ─ si ce n'est pas lui, mais il n'ose même pas y penser en vrai. Il sait qu'il n'a plus le droit. Mais il aimerait toujours l'avoir.

niquer ta soirée pour niquer la mienne. j’comprends pas ton raisonnement. ni ce que tu cherches à faire avec un tel comportement. me faire fuir, c’est tout ce que tu vas y gagner. mon bras captif de tes doigts, j’baisse les yeux. pas d’électricité statique. pas de décharge. pas de contractions dans le ventre. le rythme régulier. regarde comment tu me fais plus d’effet. comment j’parviens à faire mentir mon propre corps. — c’est quoi ton problème ? main qui balaie la tienne. violemment. plus aucune douceur dans la voix. dans le regard. dans les gestes. juste de la rancoeur. qui consume le crâne. désagrège le coeur. me rend encore plus insensible. plus froide. — tu vas te comporter comme l’ex connard qui empêche l’autre de s’amuser parce que t’as le seum que j’sois passée à autre chose ? tu volais déjà pas haut dans mon estime.