a spoonful of sugar (leslie&willow)

Mais bien sûr que ça m’intéresse ! Et si ce n’est pas pour moi, ça pourra être pour mes neveux, mes nièces ou bien un don à l’hôpital. Ils ont toujours besoin de nouveautés pour divertir les enfants qui sont là pour de longues périodes. Et puis, même si je suis plus du genre à lire des romances adultes ou des fantaisies, je ne suis pas fermée à d’autres genres. C’est bien la seule manière dont je me tire de mon quotidien ces derniers temps. Les prémices sont souvent la meilleure période. Parce qu’on apprend à se découvrir sur tellement de plans. De manière clairement superficielle pour commencer mais je crois que la beauté est là. Parce que c’est au plan zéro que l’on sait si l’autre va nous intéresser pour aller creuser plus loin ou pas. Et moi, j’aime bien l’amour. Même si je ne suis pas trois fois sûre que ce soit fait pour moi. Pas tout de suite du moins. Il y a bien Ford qui m’intéresse, qui me plait, mais j’ai plus l’impression d’être une adolescente avec son crush qu’autre chose. J’ai peur de sauter le pas, de le retrouver pour un réel rendez-vous galant. Nous avons toujours passé du temps ensemble dans un cadre professionnel tirant sur le personnel mais jamais purement personnel. J’en ai envie, mais j’ai peur. Une peur que je communique à Leslie sans trop de difficulté. Je sais que si j’en parle à mes amis, la plupart me dirait de foncer et les autres se demanderaient ce qu’il se passe pour que quelqu’un arrive à me déstabiliser de la sorte. Et en parler avec mon père ou mes frères et sœurs était hors de question. Ne parlons même pas de ma mère qui s'empressera d’en parler à mon père et de préparer le mariage. Non, vraiment, rien ne me semble valable et même mon thérapeute, il finirait par me faire travailler sur la question, il me demanderait de mesurer le pour et le contre, de voir ce que je suis dans la capacité de gagner, de perdre et tout ce qui va avec. La pâte à gâteau dans le plat, je glisse ce dernier dans le four qui a déjà préchauffé. Je regarde Leslie et l’écoute. J’en apprends encore plus sur le quinquagénaire et un sourire rempli de tendresse mais aussi de tristesse déchire mon visage. Je suis désolée pour le décès de ta femme. Et non pas ex-femme. Parce qu’elle le sera toujours, d’une manière ou d’une autre. Il est veuf, pas divorcé. Et c’est une distinction que je trouve douloureuse mais importante. Ça ne te fait pas peur, d’avoir vécu ça et de tenter avec cet homme très charmant ? Que je demande rapidement, plus curieuse qu’autre chose. Il n’a pas tort. Toutes les choses ont une fin, qu'elles soient bonnes ou non. Alors autant en tirer un profit positif autant que possible. Mais suis-je capable de cela ? Je n’en sais trop rien. Je suis plutôt du genre aventureuse en temps normal mais là, mon petit cœur en jeu et faire confiance à quelqu’un d’autre… Ça fait beaucoup. Mais il y a tellement de belles histoires alors pourquoi pas moi ?

Leslie sourit lorsque son interlocutrice lui affirma que ses écrits l'intéressaient malgré tout. « Dans ce cas, je vais t'envoyer les références après le cours... » répondit-il simplement. « Et si tu veux un don à l'hôpital, tu me le dis, je peux négocier des exemplaires gratuits avec mon éditeur... » expliqua-t-il. Il savait que Willow avait largement les moyens d'en acheter, mais bon, l'éditeur pouvait bien faire un geste, n'est-ce pas ? Surtout vu la teneur des ouvrages de Leslie, qui parlaient de la différence, de l'acceptation, et de tout un tas de choses, d'une façon guillerette et simple, pour les plus jeunes.
Il hocha ensuite la tête. Il était d'accord que les prémices étaient souvent une période très sympathiques. On apprenait à se connaître, on tombait amoureux, on avait des papillons dans le ventre à la moindre caresse... Non pas que la suite était moins plaisante ! Mais avec la routine, on s'habituait, la flamme pouvait tenir, bien entendu, mais elle n'était pas toujours très grande, amoindrie par les tracas du quotidien et les responsabilités. De plus, on racontait qu'il y avait une sorte de cap à franchir en couple : les trois ans. Leslie n'y croyait pas trop, peut-être parce qu'il n'avait jamais ressenti de problèmes dans son couple avec son épouse.

« Merci... » répondit-il quand Willow lui dit qu'elle était désolée pour le décès de sa femme. « Elle me manque, mais cela fait plus de vingt ans à présent. » expliqua-t-il. Le deuil était long, mais il touchait à sa fin. Bien sûr, sa femme resterait à tout jamais dans son cœur... Là n'était pas la question. « En toute honnêteté, Willow, j'ai longtemps mis ma vie sentimentale en arrière-plan. J'avais toujours une raison : mes enfants, mon travail, les problèmes du quotidien... Mais avec le temps, je me suis rendu compte que ce n'était que des prétextes. La véritable raison c'est que oui, j'avais peur, je ne me sentais pas prêt. Et aujourd'hui, j'ai décidé de me lancer. Je sais que je peux en souffrir, mais lorsque je pense au bonheur que je pourrais vivre, si cela fonctionnait entre nous... Je suis tout de suite rassuré ! Dans tous les cas, ma vie est plus belle de tous les bons moments passés ensemble...» expliqua-t-il. « Franchement, si cet homme te plaît, alors tente ! Juste ne te lance pas tête baissée, prends ton temps, apprends à le connaître. Vois ça comme une opportunité, et dis-toi qu'au pire des cas, ce ne sera pas l'homme de ta vie... » ajouta-t-il ensuite. Et bien oui, ce serait plus regrettable de ne rien faire que d'essayer et se rater, après tout, n'est-ce pas ?

Trop bien, merci ! Que je souffle aussi bien pour le remercier des références que pour sa proposition de négocier quelques exemplaires pour l’hôpital. J’imagine déjà ce que l’on pourrait faire pour ces enfants, pour les sortir de leur quotidien plus que pourri. Certains sont là pour quelques semaines, le temps d’être soigné, et d’autres sont là pour de longues périodes. J’essaie toujours d’y aller plusieurs fois par mois pour voir comment ils vont, participer à des activités diverses et variées mais là, rien qu’à l’idée de trouver leur - potentiel - nouveau livre préféré me rend joie. Un club de lecture ! Avec une rencontre avec l’auteur par la suite ? Leur faire trouver un semblant de normalité dans leurs vies tout sauf normales. Je suis déjà surexcitée à l’idée de tout ce qui pourrait se profiler pour Leslie et ce métier que j’ignorais, le pensant simplement cuisinier dans un fast-food. La vie nous réserve toujours des surprises. Des fois merveilleusement belles et d’autres beaucoup moins. Comme lorsque j’apprends que sa femme est décédée il y a plus de vingt ans. J’ai du mal à y croire. C’est tellement long. Et même si je ne connais pas personnellement ses enfants, j’en conclus qu’ils vivent sans leur mère depuis leur plus jeune âge, ce qui rend la chose encore plus douloureuse. Le plat au four, je le regarde et l’écoute avec passion. Il y a une certaine lyricalité dans ce qu’il dit et je comprends ce qu’il veut dire, où il veut en venir. Au pire, ça sera l’homme d’une nuit… Je ris légèrement en acquiesçant, laissant ses mots et conseils s’imprégner dans ma petite tête. Et vraiment, au pire du pire, je sais où il habite alors je pourrai toujours lui faire peur et hanter ses nuits. Que je lance sérieusement avant d’éclater de rire. Non, je n’oserais pas faire ça, ça serait vraiment cruel. Mais je suis sûre que Wendy se ferait un plaisir de le faire pour moi. Ma meilleure amie est comme une gosse quand il est l’heure de terroriser queqlu’un. Mais je vais essayer de me laisser guider et voir où le temps me mènera. De même pour toi ? Lui, il est déjà les deux pieds dedans alors que moi, je ne suis même pas en tenue pour sauter dans la piscine de sentiments qui pourrait se remplir au fur et à mesure des dates, que nous n’avons même pas commencé. Foutu crush ! Une adolescente. Mais une ado qui réfléchit trop.

S'il pouvait alléger le quotidien de quelques enfants malades avec ses livres, alors ce serait une grande victoire, et cela vaudrait sans doute toutes la reconnaissance du monde. Il pouvait finir sa vie tranquille, en sachant que ses livres jeunesse avaient accompagné de jeunes enfants dans des moments difficiles de leur vie. Il sourit donc, avant que la conversation ne devienne un peu plus intense. Parle du décès de sa femme n'était jamais facile, même après tant d'années. Mais si cela ravivait autrefois la douleur, à présent, cela ravivait les bons souvenirs avec elle.
« Oui, c'est ça... Profite de ce qu'il a à t'offrir, et offre-lui ce que tu veux lui offrir. » Et il ne disait pas cela dans un sens matériel, absolument pas. Mais vraiment humain. Leslie partait du fait que l'on devenait riche de ses relations, même celles néfastes. Car en fin de compte, on apprenait de nos erreurs, on apprenait à se connaître. Bien sûr, il y avait de celles dont on aurait pu se passer, et qu'il fallait éviter à tout prix ! Mais... Si on était encore vivants, et bien, on avait évolué, et une part de nous-mêmes était créée par ces relations.
« Moi aussi. » répondit-il ensuite simplement, avant de se reconcentrer sur sa préparation, celle des vers en gélatine à présent. Ils continuèrent donc leur gâteau dans un silence relatif, se donnant des conseils et des instructions pour réussir au mieux leur ouvrage. Le professeur annonça qu'il leur restait quinze minutes ! Et bien, c'était exactement le temps qu'il fallait pour terminer l'assemblage. « Aller, Willow... Tu es prête à gagner ? » s'exclama-t-il en faisant table rase pour avoir la place de monter le gâteau.

Connecter les différentes sphères de ma vie me semble primordial, surtout avec les facilités que j’ai grâce à mon nom de famille. Je ne peux pas promettre à Leslie que ça marchera, que les enfants adoreront ses dessins et ses histoires mais je suis sûre d’une chose : l’hôpital n’est jamais contre des dons en tout genre pour divertir les enfants. Je me vois déjà arriver avec quelques ouvrages et passer une heure à lire l’histoire, leur montrer les dessins et tout ce qui pourrait suivre. Malgré mon emploi du temps chargé, j’essaye toujours d’aller dans le service pédiatrique et apporter un peu de joie à ces enfants. Cela me permet aussi de me recentrer et me prouver que mes recherches sont importantes et que je ne dois pas perdre ce lien avec la réalité. Les molécules sont abstraites mais ces vies que je vois s’étioler sous mes yeux sont tout l’inverse. Cependant, et malgré l’intensité de ce sujet pour moi et de la légèreté pour lui, nous parlons désormais de ceux qui feraient déconner un électrocardiogramme pour nous. Je n’arrive pas à m’imaginer si loin avec Ford mais je comprends, grâce à cette conversation, que la peur ne doit pas être paralysante mais bien me pousser à découvrir ce qu’il se cache. Et puis, un coeur qui soufre est un coeur qui a aimé donc je suppose que ça vaudra le coup, dans tous les cas. Ce n’est pas que je nous vois perdant à cent pour cent, mais tout est trop flou pour que je sois à cent pour cent confidente. Qui vivra verra. L’amour c’est vieux comme le monde et si ça se fait encore, c’est que ça vaut le coup…
Rapidement, nous repartons dans notre petite compétition et avec tous ces bavardages, le temps est vite passé. Je suis toujours prête pour une victoire. Que je souffle, mon caractère de compétitrice pointant le bout de son nez. En parfaite symbiose et avec des indications claires, nous montons le gâteau en un rien de temps. Quelques minutes au frais pour que tout prenne bien et nous voilà à offrir notre création à l’oeil expert et critique du professeur. Je tends le cou pour voir la compétition et souffle Si on gagne pas, je n’y comprends rien. Parce que le reste est assez simple et nous, on a juste mis la barre sacrément haute. Mais pourquoi faire les choses à moitié ? J’attrape le bras de Leslie quand le professeur s’approche de notre table et lui adresse un large sourire. Je suis très mauvaise perdante, au fait… Je vais pas retourner la table, mais je risque de contester la note, si elle n’est pas la meilleure donnée. Au moins pour la créativité.