10 minutes walk (ft Léo & Salvatore)

15h29.

Elle n'était pas sortie alors que d'autres étaient déjà dehors. Que faisait-elle ? Ah oui elle se changeait c'est vrai, elle était à la douche. Et soudainement Salvatore repensait à la photo qu'elle avait envoyé.

Pourquoi repensait-il à ça ? Sans doute pour l'imaginer au pilate. Voilà tout. Il attendait, trépignant d'impatience, grattait ses cuticules, mordant sa lippe.

15h30.

Etait-elle là ?

Lui était posté à cet endroit précis depuis bien longtemps. Au moment où les restaurants alentours avaient encore l'odeur des fours.

15h36.

Leo pousse la porte du club de pilate en avançant dans la rue, téléphone en main, cheveux mouillés attachés en un rapide chignon, regard sur l’écran bleu. Elle releva les yeux par réflex avant de croiser aussitôt Salvatore.

Elle eut un sourire aussitôt. La jeune fille se rapprocha très vite de lui, le saluant avec la main pendant sa petite course pour le rejoindre.

— Heyyy ! T’es la ! Désolée ! J’ai pas vu le temps passer sous la douche. Ça a été ? Pour trouver la salle de sport je veux dire.

15h36. 6 min de retard.

Un retard envolé quand le petit oisillon apparut, chantant et gesticulant quand elle vit Salvatore, il ne put que sourire face à elle. Il ne la voyait pas si bien de là où il était, et peut-être était-ce pour le mieux. Il craignait ces 10 minutes autant qu'il les voulait.

C'était comme le meilleur plat de sa maman, on était content d'en manger, jusqu'à ce qu'on en ait plu. Et à ce moment on préférait parfois ne l'avoir pas mangé, pour ne pas se contenter du précipice de l'envie.

- J'ai vu ça, oui ça va. Il n'y a pas un milliard de centre de pilate dans le coin.

Salvatore la détailla de haut en bas, déglutissant avant de raccrocher difficilement ses yeux à son regard.

- T... T'as tout on peut y aller ?

L'Italien était content de la retrouver, elle qui était simplement là, un petit soleil rayonnant. Le terne de Boston disparaissait subitement pour ne laisser place qu'à son sourire.

C'était largement suffisant.

Elle réajustait son sac, son T-shirt, souriait et riait à tout va. Leo n’arrêtait ps de se tortiller dans tous les sens, rangeant finalement son téléphone.

— Ouais ! Allons-y !

Elle se retourna pour saluer de la main quelques copines avec qui elle travaillait donc le sport en question tandis qu’elle se mit en chemin avec Salvatore. Leo se tourna immédiatement vers lui et entama la discussion.

— Ça s’est bien passé au café ? T’as pas eu des clients trop chiant ? Et c’est quoi le mec lourd dont tu parlais la ?

Leo parlait très vite. Elle resta proche du garçon également, marchant à ses côtés, le collant presque. Il lui avait beaucoup manqué. Cela ne faisait qu’un jour. Pourtant elle appréciait beaucoup sa présence. Et puis c’était agréable d’avoir quelqu’un qui vient vous chercher à votre club de sport.

Et les voilà à marcher sur le long du quai vers le marchand de glace, les mains enfoncées dans les poches, le garçon ne pouvait retenir ce sourire. Peut-être était-il juste content d'avoir un après midi de libre à passera avec une personne qu'il appréciait grandement. Son regard allait souvent vers Léo, et il eut l'étrange fierté de l'avoir à ses côtés, savoir que les hommes l'enviaient d'être ainsi, presque bras entrelacé.

Pourquoi ne pas le faire d'ailleurs, il prit rapidement sa main avant de forcer son bras à passer entre le sien et son flanc, refermant ensuite celui-ci sur le sien.

- C'était ok. Comme d'hab, et lui c'était un certain Elliot qui a postulé pour y travailler. Ni bien ni mauvais, on verra bien s'il est pris ou pas. Et toi le pilate ?

Il était heureux ainsi : discussion légère, avec son amie. Du soleil, des passants, le chant des oiseaux ? Que demander de plus ?

Léo se laissa tout à fait faire, malgré une petite surprise initiale. Elle ne pensait pas Salvatore si tactile, mais elle se remémora aussi que cela faisait un an qu'elle le connaissait comme un garçon froid parce qu'ils n'avaient pas compris, autant l'un et l'autre, qui ils étaient. Maintenant, les revoilà être amis d'enfances et non camarades d'associations qui se connaissent de loin.

Il était l'enfant avec qui elle mangeait la petite barquette de frite que toute la bande avait acheté après cotisation de centimes. Celui avec qui elle riait sur une grosse bouée voguant sur les vagues de la mer Tyrrhénienne.

Léo tourna la tête vers lui, grand sourire.

— Elliot ? C'est marrant, mon coloc' s'appelle Elliot aussi.

Elle fronça les sourcils, y pensa une seconde avant de complètement l'évacuer de son esprit.

— C'était trop bien. On a une prof' géniale. Après, j'espère bien qu'elle l'ait, je paye vraiment cher pour ce truc. Enfin, j'en ai besoin aussi. Mentalement, j'veux dire. Ca me fait du bien ! Donc ouais on a fait ça une grosse heure et c'était vraiment sympa. Et toi alors ? Le café ? Le service a pas été trop chiant ?

Etonnamment il l'avait fait assez naturellement et c'était une fois dans cette position qu'il se disait qu'il aurait très bien pu se faire recaler, son ego en aurait pris un sacré coup. Il s'en souvenait très bien, de ces barquettes de frite. Ils n'avaient pas forcément beaucoup d'argent, mais ça lui faisait toujours plaisir d'offrir ses frites aux autres, car il avait un budget vacances, ce qui n'était pas forcément le cas des locaux d'Atrani.

Un sourire qu'il revoyait aujourd'hui dans un voile de nostalgie se dissipant sur la beauté à son bras, il n'arrivait pourtant pas à la déchiffrer, sentant que dans ses yeux régnaient une mer bien plus agitée, pas celle de Tyrrhée, ou alors un volcan sous-marin, imperceptible et pourtant prêt à exploser à tout instant. Et pour calmer ce feu intérieur, rien de mieux qu'une glace.

- C'est peut-être lui, qui sait, en tout cas tu lui diras de quitter le job.

Salvatore était visiblement sarcastique, poussant un soufflement du nez avant de poursuivre.

- Ca a l'air de beaucoup de plaire, je suis content pour toi. J'ai vu que tu t'étais faite des copines du coup. C'est cool.

Lui était bien seul. Mais bon. Parfois il valait mieux naviguer sur son navire en solitaire qu'avec des mauvais marins.

- Comme je t'ai dit ça a été. Mais tu sais bien que je ne suis pas très commode avec des inconnus, en tout cas pas quand ils passent le cercle du travail, les clients ça va, ton potentiel coloc beaucoup moins. Je les sens toujours en trop. Alors c'était pas aussi agréable que d'habitude. Surtout qu'il m'a contacté avant par Meetssenger pour me demander des conseils.

Il sortit son tel avant de montrer l'écran à Léo.

- C'est lui ton coloc ?[/b]

Elle se pencha en avant, yeux plisses avant de pointer du doigt l’écran en entrouvrant les lèvres.

— Ouais ! C’est lui. Elliot. Bah putain, lui, travailler dans un café ? Dans deux semaines l’endroit devient un local syndical.

Elle releva le visage vers Salvatore avant de rire doucement, resserrant son bras. La jeune fille continuait à avancer avec lui, tout en discutant de tout et de rien comme elle avait grandement l’habitude de faire. En fait, c’était la toute sa force : elle savait échanger des banalités. C’était la chose qu’elle préférait. Tout le temps. Avec le voisin de palier. La professeur de pilâtes. Le facteur. Le barista.

Leo parlait, encore et encore. Sans jamais plonger sous la surface.

— Et du coup on a un gros projet en archi’ environnementale en ce moment. C’est ma matière préférée mais rendre des dossiers de trente pages ça m’intéresse moins. Apres, c’est tant mieux parce que dès que j’aurais mon sujet de prédilection je sens que une quinzaine de pages n’auraient pas suffit ! Attend, t’étudiais quoi toi déjà ?

Il venait donc de rencontrer quelqu'un d'autre de sa coloc. Et ce n'était pas fameux, c'était donc lui le chanteur marxiste sous la douche. Salvatore ne put s'empêcher de sourire avant de ranger son téléphone dans sa poche pour se remettre à marcher avec elle.

- Niveau hygiène il est comment ?

Puis il s'occupait à lui répondre, il n'était pas particulièrement bon pour lancer les conversations mais très bon pour les entretenir.

- Ca consiste en quoi ? Tu fais des architectures qui respectent l'environnement et pour le développement durable ? Moi je suis en aérospatiale : avion, fusée. Tout ça tout ça. J'aimerais beaucoup faire un stage chez la NASA ou l'ESA. Histoire d'avoir un CV en béton et une porte d'entrée là dedans. On verra bien.

Si seulement il avait eu le privilège de ne pas avoir à travailler à côté des cours. Le garçon voyait son temps de sommeil et de récupération grandement réduit à cause de son travail. Sa journée commençait bien plus tôt que d'autres, tout en ayant le stress du loyer et des finances. Ce que d'autres, comme cette Pandora, avait le luxe de pouvoir ignorer tout en s'en plaignant.

- Dommage qu'il n'y ait pas de pilate sur le campus. Ca t'économiserait un petit budget.

Elle haussa les épaules. Leo continuait à marcher, semblant réfléchir quelques instants avant d’hausser les épaules.

— Hm, il dit aimer des autrices comme Sylvia Plath mais il ne reste qu’un homme je dirais ! Comme tous les hommes il ne nettoie pas après lui dans la salle de bain disons ça comme ça.

Elle pencha la tête vers lui avant de ricaner. Puis, elle reprit tout son sérieux à l’instant même où il lui parla de stages, d’études, de la NASA. Elle faisait des « aah », « ohh » de temps en temps pour accompagner ses paroles de ponctuations à elle. C’était la quelque chose de très prestigieux se disait elle également.

— C’est sûr que j’aimerai beaucoup que ça existe sur le campus. Ça fait loin et cher. Mais… c’est comme ça. Et ouais, t’as tout compris sur l’archi d’environnement. Développement durable et tout le touintouin. C’est encore loin pour les glaces ?