Raining Books (ft Chloe & Salvatore)

Il pleuvait, de l'eau et des livres. Le premier s'était écrasé sur le bitume, à côté de lui, la douceur de la lettre se fracassant sur le dur de la science, chimique, l'eau corrodant le papier pour oxyder l'encre qui ne formait qu'une bouillis.

Les lettres pleuraient, ainsi l'éternel pensée posée sur le parchemin s'envolait, dans ce temps lourd et pesant. Le noir couvrait le blanc, comme la tristesse envahissait le coeur.

De ses mèches gouttaient de l'eau, participant peut-être à l'extrême-onction de l'oeuvre d'une vie, noyée en l'espace de quelques instants. Aurait-il dû ne pas être ici ? Sans doute. Mais quelle était la grande différence de quelques gouttes de trop ?

Un deuxième livre.

NEOOOOOO.

Peut-être était-ce pour lui, ou son pigeon de compagnie. Mais son regard était rivé sur son téléphone maintenant.

"Retourne toi biatch"

Alors il se retourna, redressant la tête. Apparue telle l'ange venant chercher son dû, l'ange miséricordieux, ou l'ange de la mort. On ne pouvait savoir tant qu'on ne lui avait pas tendu la main, toujours est-il qu'il est le plus radieux dans ce champ macabre.

Une assurance bien moins présente qu'à l'écrit, Salvatore était grand, pourtant se sentait tout petit. Alors qu'il avait une grande gueule, de ses lèvres ne s'échappèrent qu'un mot.

- Salut

La pluie battait, le mystère de son visage presque dissimulé dans ce rideau de pluie, peut-être n'était ce pas plus mal ainsi. Il n'était jamais bon de se dévoiler à autrui.

Sous la pluie battante, les gouttes d’eau semblaient absorber le monde, tout devenait flou, comme si le paysage se dissolvait sous les assauts de l’averse. Les livres détrempés au sol n’étaient plus que des taches indistinctes, leurs pages se mêlant à la boue, symboles d’une confrontation qui ne demandait qu’à éclater. L'air sentait le béton mouillé, lourd et oppressant.

Salvatore, immobile, ses vêtements plaqués contre son corps par l’humidité, regardait Chloé d'un œil indéchiffrable. Son visage, à demi dissimulé par ses mèches trempées, restait impassible, presque figé. Les lignes nettes de ses traits se noyaient dans la cascade de pluie qui coulait de ses cheveux, brouillant son apparence.

Ses yeux étaient rivés sur elle, mais il n’y avait ni colère, ni reproche visible dans son regard. Simplement une neutralité glacée. Si la situation l’affectait, rien ne transparaissait. Il semblait être une ombre dans cette scène détrempée, un spectateur distant de ce qui se déroulait.

Chloé, elle, avançait prudemment, abritée sous son parapluie, son regard fuyant, ses pas hésitants. L’éclat de son écran de téléphone avait disparu, la laissant dans cette réalité où les mots se perdaient dans le vacarme des gouttes sur le sol. Elle se trouvait face à lui, mais malgré sa hauteur et la pluie qui martelait son corps, Salvatore ne faisait aucun geste, ne manifestait aucun signe de vouloir confronter ou même s’approcher.

Pendant de longues secondes, le silence ne fut interrompu que par le bruit de l’eau éclatant sur le béton. L’atmosphère était tendue, étouffante, comme si tout pouvait basculer à chaque instant. Pourtant, Salvatore restait calme, trop calme.

Finalement, il murmura d’une voix basse, presque inaudible à travers les éclats de pluie :

- C’est tout ?

Sa voix, à peine plus forte qu'un souffle, ne portait aucun jugement, aucune émotion. Ce n’était qu’une simple question, presque rhétorique. Il ne cherchait pas vraiment de réponse, et ses yeux baissés sur les livres à moitié noyés au sol montraient qu’il n’attendait rien. Peut-être que ces mots étaient pour lui, une réflexion silencieuse sur l’absurdité de tout cela.

Son regard remonta lentement vers Chloé, la pluie coulant le long de son visage. Un silence pesant s’installa à nouveau. Salvatore resta immobile, ses bras le long de son corps, sans tension apparente, tout comme ses traits, lisses et inexpressifs. Il haussa finalement les épaules, un geste presque imperceptible, comme si tout cela n’avait que peu d’importance à ses yeux.

- Si t’as encore des choses à dire, je t’écoute. Sinon, je bouge.

Ses mots étaient aussi légers que le mouvement de ses épaules. Aucune insistance, aucune provocation. C’était juste une option qu’il lui offrait, de continuer ou d’arrêter là, mais sans implication réelle de sa part. Il n’attendait pas de confrontation, il ne cherchait pas de réponse. Son corps trempé, sa posture relâchée et cette tranquillité laconique qui émanait de lui en disaient long. Il n’était pas là pour se battre, pour argumenter ou même pour exiger des explications.

Il était là, simplement, dans cette pluie incessante, comme une silhouette anonyme dans le flot des éléments, prêt à s’effacer de cette scène si elle n’en valait pas la peine.

La pluie continuait à marteler le sol, les livres et les deux protagonistes, noyant l’intensité de ce moment dans un fracas presque apaisant. Et pourtant, dans ce calme apparent, il y avait une tension, un choix à faire, une ligne que Chloé pouvait franchir ou non.